La notion de dol correspond aux manœuvres pratiquées par une personne dans l'intention d'en tromper une autre. L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation le 10 mai 1989 étend cette notion de dol à une conception plus large, et ce parce que le silence maintenu par l'une des parties constitue une réticence et donc un vice du consentement.
En l'espèce, des consorts ont souscrit un crédit auprès d'une banque, crédit pour lequel d'autres consorts se sont portés garant par un engagement de caution limité, à la somme empruntée. Suite à la liquidation des biens des emprunteurs, la banque a assigné les garants au remboursement de la somme cautionnée, due par les emprunteurs. Les consorts garants ont engagé une procédure auprès du tribunal (sans doute de grande instance) par une demande reconventionnelle, afin de recouvrer la somme versée pour le cautionnement car la banque leur a dissimulé la véritable situation financière des emprunteurs. Le tribunal leur ayant donnée raison, la banque interjette appel en invoquant que le silence qu'elle a conservé n'était pas la cause de l'engagement de caution des garants. La Cour d'appel infirme le jugement du tribunal. Un pourvoi est alors formé, selon le moyen que le silence conservé a été déterminant du consentement des parties. Ce consentement est supposé être vicié pour le dol qu'est le défaut d'indication à la caution de la situation réelle du débiteur.
Le silence conservé par l'une des parties au contrat constitue-t-il un vice dolosif tendant à mettre en cause la validité du consentement ? La partie silencieuse peut-elle être tendue d'informer son cocontractant lors de son engagement ?
La Cour de cassation a cassé l'arrêt infirmatif de la Cour d'appel, celle-ci ayant privé sa solution de base légale au regard des articles 1116 et 1134 du code civil. La juridiction suprême a conclu à des manœuvres dolosives de la banque qui ont incité le consentement des garants. La convention n'a donc pu être exécutée "de bonne foi" comme le veut l'article 1134 du code civil.
Dès lors, il semble possible de s'interroger sur la conception retenue par la Cour de cassation pour arriver à cette solution, l'assimilation du dol aux manœuvres et au mensonge ; ainsi que sur la conséquence de la sanction de cette réticence dolosive.
Cette sanction de la réticence s'envisage au travers du silence d'une partie constitutive d'un dol (I), mais également au travers de la conséquence de cette solution : l'émergence d'une obligation précontractuelle d'information (II).
[...] En d'autres termes, si l'erreur n'existait pas, les consorts n'auraient pas souscrit d'engagement de caution. La véritable situation financière de l'emprunteur, dissimulée par la banque aurait peut-être conduit les consorts, soit à ne pas se porter garants, soit à cautionner l'emprunt sous d'autres conditions. Cette conséquence fort probable se rapporte à une distinction doctrinale, entre le dol principal et le dol incident. Le premier vise un dol source d'une erreur déterminante pour le consentement, le second se rapporte à un dol sans lequel la partie lésée aurait certes contracté, mais sous d'autres conditions. [...]
[...] Il faut pour cela assurer l'information du futur cocontractant, pour garantir un consentement plus mûr, plus clair et plus prudent. L'arrêt du 10 mai 1989 illustre bien cette idée, car il est certain que si les garants avaient été mis au fait de la situation irrémédiable du débiteur, leur engagement, s'il n'avait pas disparu, aurait été considérablement modifié. On peut se douter que cette jurisprudence veut à la fois inciter les contractants à s'informer par eux-mêmes des circonstances dans lesquelles ils s'apprêtent à contracter, et responsabiliser les autres cocontractants dans les relations contractuelles. [...]
[...] La non communication de ces informations peut donc être considérée comme un habile moyen d'induire en erreur les garants contractants. Il y a dès lors une provocation manifeste de l'erreur, les garants se sont trompés sur la véritable situation financière de l'emprunteur qu'ils cautionnent. Le silence conservé constitue donc l'élément matériel du dol, et ce depuis un arrêt de la 3e chambre civil, rendu le 15 janvier 1971 .En outre, l'erreur provoquée par la banque est également exploitée par elle. [...]
[...] Mais ce n'est pas ce à quoi la Cour de cassation oblige désormais. L'obligation porte sur la nécessité d'informer l'autre contractant. La bonne foi ne concerne donc plus seulement l'exécution d'un contrat, mais également la formation de celui-ci, contrairement à ce qui ressort d'une interprétation stricte de l'article 1134 alinéa 3 du code civil. En outre, la présence au contrat d'un professionnel, c'est-à-dire un contrat mixte, confirme encore plus l'obligation d'informer les garants. Les garants étant probablement dans l'impossibilité de découvrir par eux-mêmes la situation réelle des finances de l'emprunteur, seule la banque était en mesure de leur communiquer ces renseignements pour le moins importants quant à l'issue de la caution. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : Cassation. 1e chambre civile mai 1989 La notion de dol correspond aux manœuvres pratiquées par une personne dans l'intention d'en tromper une autre. L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation le 10 mai 1989 étend cette notion de dol à une conception plus large, et ce parce que le silence maintenu par l'une des parties constitue une réticence et donc un vice du consentement. En l'espèce, des consorts ont souscrit un crédit auprès d'une banque, crédit pour lequel d'autres consorts se sont portés garant par un engagement de caution limité, à la somme empruntée. [...]
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