La problématique du droit de retrait s'inscrit dans la nécessité pour l'administration de pouvoir corriger ces erreurs. Celle-ci doit pouvoir, en vertu du principe de légalité, faire cesser les effets d'un acte illégal. Trois moyens permettent de faire disparaître un acte administratif illégal : l'annulation, l'abrogation et le retrait. Nous allons voir à travers le commentaire de l'arrêt de CAA Douai 3ème chambre 27 janvier 2004 les conditions relatives au retrait.
Dans cet arrêt, la société Inter prévention souhaite que Monsieur Fokam soit licencié. Un inspecteur du travail accorde ce licenciement, dans une décision en date du 22 octobre 2001.
Monsieur Fokam souhaitant s'opposer à son licenciement décide de saisir le Ministre des Affaires sociales du travail et de la solidarité. Celui-ci retire la décision de l'inspecteur du travail en date du 03 avril 2002, en refusant l'autorisation de licencier monsieur Fokam au motif que ce licenciement est illégal car les règles de procédure n'ont pas été respectées. La société inter prévention saisi le tribunal administratif de Lille, et dans un jugement en date du 24 avril 2003 il annule la décision du ministre au motif que celui-ci avait dépassé le délai légal de 2 mois réservé à l'introduction du recours. Le ministre interjette donc appel devant la cour administrative de Douai afin de voir le jugement rendu par le tribunal administratif de Lille annulé au motif que le délai dont il disposait n'était pas de deux mois mais de 4.
La question est ici de savoir si un acte individuel créateur de droit peut être retiré à tout moment ?
La cour administrative d'appel de Douai, dans un arrêt du 27 janvier 2004, donne raison au Ministre des affaires sociales du travail et de la solidarité, en annulant le jugement du tribunal administratif de Lille. Monsieur Fokam ne pourra donc pas être licencié.
La cour considère en effet que le ministre avait respecté le délai qui lui avait été accordé, et ce sur la base de l'article R436-6 du code du travail.
L'administration pouvant se tromper, elle doit alors être en mesure de mettre fin elle même à la situation ainsi crée. En même temps, cette volonté de rétablir la légalité ne doit pas se faire au détriment des droits acquis par les administrés (I), il se fait dans le cas présent en application de l'exception prévue par la jurisprudence Ternon (II).
[...] Il fallait donc se baser, non pas sur la date de la décision émise par l'inspecteur du travail, mais sur la date à partir de laquelle le ministre a reçu le recours effectué contre l'inspecteur du travail, soit le 4 décembre 2001. Il a rendu sa décision le 3 avril 2002 soit un jour avant les quatre mois accomplis. Il faut désormais se pencher sur les compétences dévolues au ministre. Les compétences du ministre Les ministres ont des attributions propres en ce qui concerne un certain nombre d'administrations placées sous leur autorité. Des décrets de répartition définissent les contours exacts de chaque ministère. Il précise quels sont les services sur lesquels chaque ministre a autorité et auxquels il peut faire appel. [...]
[...] La question du délai La question du point de départ du délai des deux mois s'est immédiatement posée. Le tribunal administratif de Lille s'était basé sur un délai de deux mois pour que le recours hiérarchique soit annulé pour illégalité par le ministre. La décision de l'inspecteur du travail ayant eu lieu le 22 octobre 2001, le tribunal administratif avait considéré que le ministre avait compétence pour retirer l'acte jusqu'au 22 décembre 2001, ce qui correspondait à la jurisprudence Dame Cachet. [...]
[...] Dans le cas présent, le ministre des affaires sociales du travail et de la solidarité avait donné une délégation de signature au directeur des relations du travail. Mais l'article R 436-6 du code du travail donne une compétence bien spécifique au ministre des affaires sociales du travail et de la solidarité en matière de retrait. En effet cet article précise que : Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet Il s'agit donc de disposition conférant au ministre du travail un pouvoir d'annulation sur recours hiérarchique. [...]
[...] L'acte régulier créateur de droit au profit de son destinataire (autorisation, nomination ) ou même de tiers, ne peut quant à lui être retiré qu'en vertu d'une disposition législative, en application d'une décision de justice ou lorsque le retrait est demandé par l'intéressé lui-même (sur recours gracieux) et à condition que ce retrait ne porte pas atteinte aux droits acquis par des tiers. En ce qui concerne le retrait des actes irréguliers, l'acte irrégulier non créateur de droit peut être retiré à tout moment sans condition. Concernant les actes irréguliers créateurs de droit, comme dans l'arrêt présent, il existe des règles spécifiques. [...]
[...] Il permettait en quelque sorte de prévenir des annulations contentieuses. Au-delà de ce délai, l'acte était définitif et devenu donc intouchable. Mais l'arrêt Ternon a remis en cause la jurisprudence Dame Cachet : Toujours avec ce soucis de protection des droits acquis et de la sécurité juridique, le conseil d'état a adopté une décision audacieuse qui détermine ce que sont désormais les conditions de retrait des décisions individuelles créatrices de droit que l'administration estime irrégulières : L'administration dispose d'un délai de 4 mois pour retirer sa décision, et contrairement à ce que prévoyait l'arrêt dame cachet, dès qu'une action contentieuse est déclenchée (par le dépôt d'un recours contre la décision), le retrait n'est plus possible. [...]
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