L'intérêt du contrat réside principalement dans la liberté de s'engager. A ce titre, chaque partie contracte en connaissance de cause et peut facilement préserver ses intérêts en faisant respecter ses prévisions. Mais lorsque la victime est un tiers, la partie qui ne s'est pas exécutée risque de se sentir à son tour lésée, dans la mesure où la jurisprudence autorise le plus souvent le tiers à invoquer l'inexécution défectueuse du contrat et à mettre en œuvre la responsabilité délictuelle du débiteur, au nom du principe prétorien de l'identité des fautes contractuelles et délictuelles.
Dans l'arrêt d'Assemblée plénière du 6 octobre 2006, un immeuble avait été donné à bail commercial à une société qui avait confié la location-gérance de son fonds de commerce à un tiers. Le locataire imputant au bailleur un défaut d'entretien des locaux, l'assigna en remise en état des lieux et en paiement d'une indemnité provisionnelle en réparation d'un préjudice d'exploitation. Sa demande fut accueillie par la Cour d'appel de Paris, à la suite de quoi le bailleur fît un pourvoi en cassation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Deux problèmes se posent ici : d'une part, quels sont les manquements contractuels permettant aux tiers d'intenter une action en responsabilité contre le débiteur ? D'autre part, une fois ces manquements caractérisés en consommés, quel sera le régime applicable à la responsabilité du débiteur ?
La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que « le tiers à un contrat est fondé à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement lui a causé un dommage ». Elle se prononce ainsi dans le même sens que la première chambre civile, qui à l'occasion de plusieurs arrêts, avait ajouté la précision « sans avoir d'autre preuve à rapporter » ; la Cour de cassation entend ainsi exiger la preuve que le manquement contractuel a bien causé un dommage au tiers qui l'invoque, comme le souhaitait l'avocat général Gariazzo.
Il convient tout d'abord d'étudier quelles sont les manquements contractuels susceptibles d'être opposés par le tiers au débiteur (I), pour ensuite en établir les conséquences (II).
[...] Commentaire de l'arrêt Assemblée plénière 6 octobre 2006 relatif à la responsabilité du fait personnel L'intérêt du contrat réside principalement dans la liberté de s'engager. À ce titre, chaque partie contracte en connaissance de cause et peut facilement préserver ses intérêts en faisant respecter ses prévisions. Mais lorsque la victime est un tiers, la partie qui ne s'est pas exécutée risque de se sentir à son tour lésée, dans la mesure où la jurisprudence autorise le plus souvent le tiers à invoquer l'inexécution défectueuse du contrat et à mettre en œuvre la responsabilité délictuelle du débiteur, au nom du principe prétorien de l'identité des fautes contractuelles et délictuelles. [...]
[...] D'autre part, une fois ces manquements caractérisés en consommés, quel sera le régime applicable à la responsabilité du débiteur ? La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que le tiers à un contrat est fondé à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement lui a causé un dommage Elle se prononce ainsi dans le même sens que la première chambre civile, qui à l'occasion de plusieurs arrêts, avait ajouté la précision sans avoir d'autre preuve à rapporter ; la Cour de cassation entend ainsi exiger la preuve que le manquement contractuel a bien causé un dommage au tiers qui l'invoque, comme le souhaitait l'avocat général Gariazzo. [...]
[...] Cette prise de position peut toutefois s'avérer contestable. B. L'inutilité d'une définition trop restreinte de la notion de manquement contractuel Les distinctions qu'établit l'Assemblée plénière peuvent être qualifiées d'imprécises et de variables. En effet, le seul fait que le tiers soit en mesure de démontrer qu'il a subi un dommage lié directement au manquement contractuel est suffisant pour établir que le respect de l'obligation inexécutée présentait un intérêt pour lui à agir. Pas besoin alors de distinguer entre obligations strictement contractuelles et devoirs de portée générale greffés sur le contrat qui sont de surcroît des notions pouvant se rattacher l'une à l'autre (exemple en matière de sécurité, où il arrive que le contrat contienne des stipulations aménageant de façon particulière cette obligation). [...]
[...] Cette notion de stipulation pour autrui a été reprise par la Cour de cassation le 20 octobre 2005 à propos d'une action en responsabilité de nature contractuelle. En ce qui a trait aux chaînes de contrats, la première chambre civile a admise en 1988 une action directe en responsabilité nécessairement contractuelle au profit de tous les tiers qui n'ont souffert du dommage que parce qu'ils avaient un lien avec le contrat initial Toutefois, la Haute juridiction est venue contredire la première chambre civile dans le célèbre arrêt Besse du 12 juillet 1991, dans lequel elle a refusé l'application du régime contractuel à l'action du maître de l'ouvrage contre le sous-traitant. [...]
[...] Cette théorie ne peut en aucun cas fournir une explication plausible quant à l'application du régime délictuel. Le seul véritable argument que l'on puisse invoquer est sans doute le principe de l'effet relatif mentionné à l'article 1165 du Code civil. Mais en réalité, ce n'est pas tant l'effet relatif que le souhait de respecter le contrat en évitant que l'application des règles de la responsabilité délictuelle ne vienne perturber son équilibre qui justifie l'existence d'un régime de responsabilité propre à la réparation des dommages résultant de l'inexécution du contrat. [...]
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