« Pas de possession sans corpus », tel est l'enseignement que l'on peut tirer des arrêts de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 30 juin 1999 et du 4 octobre 2000 concernant la valeur probante de l'acte juridique dans l'établissement de l'usucapion (ou prescription acquisitive qui consiste en l'acquisition d'un droit de propriété par la possession d'une chose pendant un temps déterminé par la loi - 30 ans que l'on peut réduire dans certains cas).
Dans la première espèce (civ 3è, 30 juin 1999), des personnes (consorts Paniandy) se prétendant propriétaires d'une parcelle de terre occupée par d'autres (consorts Lindor), ont assigné ces dernières afin d'obtenir leur expulsion.
La Cour d'appel accueille la demande au motif que les consorts Paniandy avaient produit un acte notarié constatant l'usucapion de ladite parcelle par ceux-ci, et qu'ils avaient réglé les impôts fonciers la concernant. Les consorts Lindor, au contraire, ne pouvaient prétendre avoir occupé cette parcelle en qualité de propriétaires.
Dans la seconde espèce (civ 3è, 4 oct 2000), des personnes ont assigné un couple voisin pour faire juger qu'une parcelle cadastrée bordant leurs fonds respectifs était, conformément aux conclusions d'un géomètre expert, un chemin d'exploitation propriété des riverains. En retour, le couple attaqué a revendiqué à leur profit le bénéfice de l'usucapion trentenaire sur cette parcelle.
La Cour d'appel rejeta cette dernière demande au motif que l'acte notarié constatant la prescription acquisitive était, selon elle, nul et non avenu.
Dans ces deux arrêts, la question posée aux magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si un acte authentique constatant l'usucapion, pouvait à lui seul établir celle-ci ?
A cette question, la troisième chambre civile, dans ces deux arrêts, répond par la négative: un acte notarié constatant une usucapion ne peut, par elle-même, établir celle-ci, il faut relever l'existence d'actes matériels. Néanmoins, le deuxième arrêt commenté apporte une nuance: cet acte notarié ne peut être déclaré nul et non avenu, alors qu'il appartient au juge d'en apprécier la valeur probante quant à l'existence d'actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée.
Ainsi, si les deux arrêts rappellent le principe traditionnel de l'insuffisance de l'acte juridique comme preuve de l'usucapion (I); une précision importante est apportée par le second arrêt, permettant à l'acte notarié de jouer un rôle d'indice pouvant constituer une présomption de la possession (II).
[...] On retrouve cela dans la nuance apportée par le deuxième arrêt commenté. Selon la Cour de cassation, cet acte peut constituer un indice pour faire présumer la possession. II- L'acte authentique, indice pouvant faire présumer la possession La précision dans la deuxième espèce indique que le juge est tenu d'apprécier la valeur probante des actes matériels caractérisant l'usucapion Cette indication semble constituer un compromis pour atténuer le principe de l'insuffisance de l'acte authentique comme preuve de l'usucapion Le travail d'appréciation par le juge de la valeur probante des actes matériels caractérisant l'usucapion Il a été dit précédemment que le fait de démontrer l'existence d'un acte notarié constatant l'usucapion, et celle du paiement d'impôts ne pouvaient établir cet usucapion. [...]
[...] Peut-être que la Cour d'appel dans l'arrêt du 4 octobre 2000 avait été trop abrupte en énonçant que l'acte notarié était nul et non avenu ? Toujours est-il que pour la Cour de cassation, la preuve des actes matériels constitutifs de la possession est une question de fait, d'où le visa de l'article 1353 du Code civil (c'est au juge d'apprécier la valeur des présomptions non établies par la loi). Cette preuve peut être corroborée par l'établissement d'un acte notarié, d'où le visa de l'article 1317 du même Code : cet acte a un caractère officiel, il peut constater les actes matériels, donner un caractère officiel à ceux-ci. [...]
[...] En l'espèce, dans ces deux affaires, les conditions de l'article 2229 semblent remplies. La question était donc de déterminer la valeur probante de l'acte notarié : c'est un acte légal et non violent Un acte officiel délivré par un officier public, n'est-ce pas là une preuve tangible pour établir l'usucapion ? Non, selon la jurisprudence, car ce n'est pas un acte matériel. Le refus de qualification de l'acte authentique en acte matériel La jurisprudence est ferme sur ce point : pour déclarer un immeuble acquis par prescription, il ne suffit pas d'énoncer que les demandeurs détiennent un acte de notoriété relatif à leur possession trentenaire et qu'ils paient les impôts fonciers afférents à la parcelle concernée, sans relever des actes matériels de nature à caractériser la possession (Civ 3è avril 1983). [...]
[...] Si une personne perd la propriété de la parcelle à la suite d'une décision de justice, alors qu'elle en a payé les taxes foncières y afférentes, la partie adverse gagnante sera-t-elle amenée à indemniser la personne qui aura donc payé, à tort, ces taxes ? De plus, si seuls comptent les actes matériels, pourquoi recourir au notaire pour faire constater l'usucapion ? Même si celle-ci était effective, elle serait inefficace sans la preuve d'actes matériels. Toujours est-il, qu'en réalité, l'acte de notoriété peut présenter un certain intérêt. [...]
[...] Ce possesseur est donc présumé effectuer des actes matériels correspondant aux prérogatives du droit réel dont il est ou se croit titulaire. Cette emprise matérielle peut être indirecte, le détenteur (celui qui détient un bien sans l' animus en vertu d'un titre juridique, et reconnaît le droit réel du propriétaire de ce bien) exerçant le corpus pour le compte du possesseur. On dit que celui-ci possède corpore alieno (ex : Civ 3è janv : les actes accomplis par des fermiers qui se sont succédés dans les lieux loués peuvent constituer des actes de possession accomplis au nom du propriétaire du terrain). [...]
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