La question était donc de savoir si le droit de rétention était opposable au propriétaire du bien, tiers à l'opération. Le Conseil d'Etat n'a pas retenu de la décision de la Cour d'appel qui considérait que le droit de propriété n'était pas une liberté fondamentale permettant au juge des référés d'ordonner les mesures nécessaires à sa sauvegarde en vertu de l'article L.521-2 du Code de justice administrative. Selon le Conseil d'Etat considère au contraire qu'il s'agit d'une liberté fondamentale et qu'en cas de résiliation du contrat de location l'administration ne peut plus légalement retenir un aéronef dont l'exploitant n'est pas propriétaire, le maintien de la rétention de l'aéronef constituant une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété. La Cour de Cassation avait elle rejeté l'arrêt d'appel qui n'avait pas condamné au paiement des frais de gardiennage la société de location au motif que c'était au locataire de payer, considérant que la créance des frais de gardiennage étant née à l'occasion de la détention du véhicule, le garagiste était donc en droit d'exercer son droit de rétention sur le bien et d'en exiger le paiement au propriétaire. Elle considère que « le droit de rétention est un droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus à la dette et peut être exercé pour toute créance qui a pris naissance à l'occasion de la chose retenue ». Ces deux arrêts apparaissent donc comme contradictoires. La Cour de Cassation a confirmé, en la poussant plus loin, sa vision de l'opposabilité du droit de rétention. Le Conseil d'Etat, au contraire, a pris la position inverse. En réalité, l'opposabilité paraît fonction de la reconnaissance ou non du caractère réel du droit de rétention (I.), et la divergence d'opinion entre les juridictions administrative et judiciaire semble dépendre de la différence de nature du lien de connexité entre la créance et le pouvoir de blocage (II.)
[...] Arrêts comparés : Cour de cassation, chambre commerciale mai 2006 et Conseil d'Etat juillet 2003 Le droit de rétention est-il opposable au propriétaire du bien lorsqu'il est utilisé dans le cas où le locataire n'a pas exécuté son obligation de payer ? Le droit de rétention est le droit pour une personne de retenir un bien qu'elle aurait dû restituer. Lorsque le propriétaire n'est pas débiteur, immobiliser le bien pour le forcer à payer reviendrait à faire peser sur lui le risque d'insolvabilité du débiteur puisque pour récupérer son bien le propriétaire devrait payer. [...]
[...] Certes l'inopposabilité au propriétaire entraîne la perte de son droit de rétention par le créancier, mais cela ne justifie pas de léser le propriétaire de bonne foi. Il conviendrait donc de dégager un mécanisme soucieux de concilier ces deux intérêts, et de reporter les voies d'actions contre le débiteur lui-même. Notons toutefois que le Conseil d'Etat a rendu cette décision dans un cas où le contrat de location liant le locataire et le propriétaire avait été résilié, éliminant tout lien entre le propriétaire et l'exploitant ex- locataire au moment de la rétention. [...]
[...] On peut expliquer sa décision par le mécanisme de l'effet relatif des contrats : le contrat ne lie que les cocontractants et ne produit d'effets qu'entre eux. L'exception d'inexécution de l'obligation contractuelle constituée par la mise à la disposition des installations aéroportuaires pour non paiement de la redevance n'est pas opposable au tiers propriétaire, et l'on peut inclure dans la mise à disposition des installations aéroportuaires la possibilité pour l'exploitant de l'aéronef de déplacer le bien, la mise à disposition de l'aérodrome impliquant une possibilité d'aller et venir sur ce terrain. [...]
[...] Cet élément pourrait permettre d'expliquer la divergence de jurisprudence entre la Cour de Cassation et le Conseil d'Etat. L'existence d'une connexité matérielle, par définition, ne fait pas entrer en jeu une connexité juridique. La naissance du droit de rétention n'est pas liée à l'existence d'un même rapport juridique auquel se rapportent la créance et la dette. Le caractère contractuel est donc à écarter ici et les obligations nées de relations purement contractuelles n'ont pas à être invoquées. Cela permet de reconnaître une opposabilité erga omnes à la Cour de Cassation. [...]
[...] Une lecture attentive des faits des deux espèces nous permet de dégager un critère de l'opposabilité qui procurerait une pertinence plus importante quant à l'explication de la divergence entre la Cour de Cassation et le Conseil d'Etat. L'opposabilité dépendrait finalement véritablement de la nature du lien de connexité : elle est reconnue en cas de connexité matérielle mais pas en cas de connexité juridique A. Une opposabilité certaine en cas de connexité matérielle La Cour de Cassation a statué sur des faits pour lesquels une connexité matérielle était caractérisée. La créance constituée par les frais de gardiennage est née à l'occasion de la détention du véhicule automobile. [...]
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