Un enfant né handicapé peut-il mettre en cause la responsabilité du médecin qui a commis une faute dans la surveillance de la grossesse de la mère, la privant de la possibilité d'avorter ? Peut-il se plaindre d'être infirme au lieu de n'être pas né ?
C'est le difficile problème de droit auquel l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 novembre 2000 (arrêt Perruche), a tenté de répondre. Une erreur de diagnostic prénatal avait faussement rassuré une femme enceinte quant au risque de transmission de la rubéole, dont elle avait été atteinte en début de grossesse, à son fœtus. La mère, qui avait pourtant manifesté la volonté de recourir à une I.V.G. en cas d'atteinte du fœtus, a donc donné naissance à un enfant gravement handicapé. Ses parents ont engagé une action en responsabilité en espérant voir indemnisé leur préjudice, mais également celui de l'enfant. La Cour de cassation a donné droit aux deux demandes. Malgré l'avis contraire du Comité consultatif national d'éthique, la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence par trois arrêts du 13 juillet 2001 et un arrêt du 28 novembre 2001.
A la montée du contentieux indemnitaire lié à la naissance d'un enfant handicapé, la Cour de cassation a répondu par une solution très controversée : dépassant largement le cadre technique du droit (1), elle a soulevé des questions éthiques telles que le législateur est intervenu le 4 mars 2002, faisant ainsi obstacle à l'arrêt Perruche (2).
[...] La loi met donc non seulement fin à la jurisprudence Perruche, mais aussi à la jurisprudence Quarez du Conseil d'Etat. Par ailleurs, la loi a créé un Conseil national consultatif des personnes handicapées, chargé d'évaluer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France. Enfin, l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, dérogeant aux conditions de l'application de la loi dans le temps, a prévu l'application immédiate de ces dispositions aux instances en cours ; ce contre quoi la CEDH s'est élevée par deux arrêts rendus le 6 octobre 2005, sur le fondement de l'article 1 du protocole à la Convention (droit au respect des biens). [...]
[...] ; son enfant était né en bonne santé - La Cour de cassation a jugé de même dans un arrêt du 25 juin 1991 (1ère Civ.). Celui qui porte atteinte à la liberté d'avortement de la femme, liberté consacrée par la loi du 17 janvier 1975, par exemple par l'échec d'une I.V.G., n'encourt donc aucune responsabilité. Exception : La règle change si l'enfant naît handicapé. Ainsi, lorsque la prescription d'un examen médical était de nature à empêcher la réalisation d'un dommage, son absence génère un préjudice consistant dans la perte d'une chance d'éviter ledit dommage. [...]
[...] A partir de là, sous prétexte d'indemnisation du handicap, la Cour a considéré non plus la maladie, mais la naissance même de l'enfant comme un dommage, conférant une valeur supérieure à la non-vie qu'à la vie handicapée elle-même inférieure à une vie en bonne santé C'est cette hiérarchie implicite qui a déplacé la question juridique vers des débats éthiques : un préjudice lié de façon indivisible à l'existence même peut-il être admis ? 2. Le débat de société soulevé par la jurisprudence Perruche, et tranché par le volet solidarité envers les personnes handicapées de la loi du 4 mars Des problèmes d'ordre éthique très diversement posés 211. [...]
[...] Concernant le Conseil d'Etat, l'arrêt Quarez du 14 février 1997 va dans le même sens. Il s'agit ici d'une femme dont les conditions de réalisation de l'amniocentèse ne présentaient pas toutes les garanties de fiabilité, ce qui ne lui avait pas été indiqué. Alors que les résultats de l'analyse prévoyaient la naissance d'un enfant en bonne santé, celui-ci est né trisomique. Etendue du préjudice réparable : la Cour de Cassation ne s'est pas prononcée sur ce point. En revanche, le Conseil d'Etat, dans son arrêt Quarez, accepte l'indemnisation du préjudice moral du couple, mais aussi de son préjudice matériel, à travers la condamnation de l'établissement fautif au paiement d'une rente mensuelle pendant la durée de vie de l'enfant trisomique, au titre des charges particulières résultant de son handicap La question controversée du droit à réparation du préjudice subi PAR L'ENFANT 121. [...]
[...] n'est jamais imposée ; c'est une simple liberté individuelle strictement encadrée, tant concernant ses conditions de recours que la procédure médicale applicable. Le refus d'admettre le préjudice de l'enfant tout en admettant celui des parents semble contradictoire, étant donné que les deux sont fondés sur la même faute. En indemnisant les parents, on accepte nécessairement l'idée de faire abstraction de la vie qui, sans la faute commise, n'aurait pas existé. Dans cette optique, comment expliquer que la naissance d'un enfant handicapé puisse être préjudiciable aux parents et pas à l'enfant lui- même ? [...]
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