Les juges de la première chambre civile de la Cour de cassation ont franchi le pas suggéré par le professeur Carbonnier en admettant, dans un arrêt de principe du 4 avril 2001, et après avoir rappelé l'adage romain selon lequel « nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui », que celui qui, par erreur, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur.
En l'espèce, un couple avait demandé à une société spécialisé de leur construire une maison, et avait souscrit un contrat d'assurance habitation auprès des Mutuelles du Mans. Suite à l'apparition de fissures imputée à la sécheresse, leur assureur leur verse une indemnité au titre de la garantie « catastrophes naturelles ». Mais un rapport d'expertise étant venu établir que les désordres avaient pour seule cause des vices de construction, l'assureur assigne en remboursement de la somme versé le constructeur et son assureur, sur le seul fondement de la subrogation légale de l'article 1251 3° du Code civil (...)
[...] Les difficultés pouvant surgir du fait de cette condition exclusive peuvent tout d'abord découler du principe de subsidiarité de l'action, mais aussi de la règle selon laquelle l'action fondée sur l'enrichissement sans cause doit être écartée quand l'appauvrissement est dû à la faute de l'appauvri. La doctrine voit ici le signe annonciateur de nouveaux découpages très complexes entre faute et erreur, allant jusqu'à émettre l'hypothèse que l'erreur de l'assureur pourrait entrainer pas la question de sa propre faute. Ainsi, la seule référence à l'erreur du solvens laisse bien en suspens plusieurs questions, qu'il conviendrait de clarifier. Mais il semble que les difficultés découlant de la nature prétorienne de l'action de in rem verso ne soient pas prêtes de se dissiper. [...]
[...] En raison du caractère subsidiaire de l'action, pour démontrer que, si un recours personnel doit être reconnu au solvens contre le débiteur, à l'exclusion d'un recours subrogatoire, il ne peut qu'être fondé sur la notion d'enrichissement injuste, une méthode par élimination convient parfaitement. Le tout premier pas de cette démonstration consiste naturellement à s'interroger sur un éventuel fondement délictuel. Or, puisque le paiement a été fait par erreur et que celle-ci est imputable au solvens, et non pas au débiteur, celui-ci n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité civile. [...]
[...] La nature du recours du solvens qui a payé par erreur la dette d'autrui La première Chambre civile a rendu un arrêt important en matière d'enrichissement sans cause en venant préciser, dans un attendu de principe, la nature du recours du solvens qui a payé par erreur la dette d'autrui. Cet attendu pose en fait deux principes quant à la nature de ce recours. Tout d'abord un principe négatif, qui ne fait que reprendre la position antérieure de la jurisprudence : le rejet de l'action subrogatoire Enfin, un principe positif, pour la première fois exprimé explicitement : le fondement du recours repose sur l'enrichissement sans cause En vertu du caractère subsidiaire de l'action de in rem verso, il convient d'envisager les principes dans cet ordre. [...]
[...] En vertu de l''article 1251 alinéa 3 du Code civil, la subrogation légale suppose que le subrogé soit tenu avec d'autres ou pour d'autres. Or, comme le souligne Mr Billiau dans sa note de l'arrêt, tel n'est pas le cas du solvens qui a payé par erreur une dette dont il n'était pas tenu. Donc la subrogation légale ne pouvait s'appliquer ici. Une critique peut néanmoins être apportée à ce raisonnement. En effet, aux termes de l'article L.121-12 du Code des assurances L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. [...]
[...] Le fondement de la décision : le défaut de cause constituée par l'erreur du solvens La première Chambre civile de la Cour de cassation affirme, dans son attendu de principe, que celui qui, par erreur paie la dette d'autrui de ses propres deniers, dispose, bien qu'il ne soit pas subrogé aux droits du créancier, d'un recours contre le débiteur. Or, pour que l'action de in rem verso soit ouverte, l'enrichissement doit être effectivement sans cause, c'est-à- dire qu'il ne doit exister aucun titre légal ou conventionnel à même de justifier l'enrichissement et l'appauvrissement corrélatif, et que l'enrichissement ne doit pas être non plus le résultat d'un comportement volontaire ou désintéressé de l'appauvri. [...]
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