En matière de filiation, la possession d'état alimente un important contentieux. Situation de fait aux contours flous et au contenu variable, elle n'a pas toujours l'évidence qui, à la lecture des textes, semblerait la caractériser. Bien souvent, la certitude quant à son existence n'est acquise qu'avec une décision judiciaire. Or, cette action tendant à la constatation de la possession d'état est elle-même d'un maniement assez délicat. Les difficultés sont accrues lorsque, comme c'était le cas dans la présente affaire, l'action est exercée non pas par la personne même dont la filiation est en question, mais, après sa mort, par ses héritiers. C'est ainsi que la Cour de cassation a dû trancher une question, semble-t-il nouvelle, concernant la recevabilité de l'action en constatation de la possession d'état. Quant aux difficultés d'appréciation du bien-fondé d'une telle action, elles paraissent inévitables.
I- La recevabilité de l'action en constatation de la possession d'état exercée par les héritiers
Les actions relatives à la filiation d'une personne ne sont transmises aux héritiers de celle-ci qu'à des conditions assez étroites. C'était sur ce terrain que se plaçait le pourvoi. Mais, pour la Cour de cassation, cette question ne se pose pas pour l'action tendant à faire constater la possession d'état.
A- La question de la transmission de l'action aux héritiers
Malgré les apparences, cette affaire, qui semblait se présenter comme un litige en matière de propriété et de succession, posait bien une question de filiation (26). Une femme, décédée en 1925, était propriétaire d'un terrain. En 1986, alors que sa succession n'a encore pas été liquidée, son terrain est occupé par des petits-neveux. C'est alors qu'ils sont assignés en expulsion par cinq personnes qui se disent les légitimes propriétaires. Les demandeurs prétendent tenir leurs droits de leur père, décédé en 1952, celui-ci étant l'unique et véritable héritier de la propriétaire, dont il était le fils naturel. On voit comment l'existence de ce lien de filiation naturelle est décisive (...)
[...] Une telle situation serait, selon le pourvoi, incompatible avec l'existence d'une possession d'état d'enfant naturel. Comment prétendre, en effet, qu'un lien de filiation est vécu au jour le jour, ce qui correspond à l'idée de possession d'état, quand les personnes en cause se sont toujours mutuellement ignorées? La Cour de cassation repousse l'argument en rappelant que l'article 311-1 se contente d'une réunion suffisante de faits pour que soit établie la possession d'état. Des possessions d'état sans nomen ne sont pas rares; d'autres combinaisons sont possibles et il n'y a pas de règle interdisant de passer outre le défaut de tractatus Cependant, la Cour de cassation ne se contente pas de ce rappel général. [...]
[...] Mais, pour la Cour de cassation, cette question ne se pose pas pour l'action tendant à faire constater la possession d'état. La question de la transmission de l'action aux héritiers: Malgré les apparences, cette affaire, qui semblait se présenter comme un litige en matière de propriété et de succession, posait bien une question de filiation (26). Une femme, décédée en 1925, était propriétaire d'un terrain. En 1986, alors que sa succession n'a encore pas été liquidée, son terrain est occupé par des petits-neveux. [...]
[...] Il était dès lors parfaitement possible de prendre en compte les énonciations de l'acte critiqué. En réalité, on comprend que le pourvoi reprochait aux juges du fond d'avoir conclu trop aisément à l'existence de la possession d'état. Ce reproche se poursuivait d'ailleurs par une vaine tentative de faire sanctionner par la Cour de cassation une appréciation laxiste des éléments constitutifs de la possession d'état. La réunion suffisante de faits constitutifs de la possession d'état: L'article 311-2 du Code civil énumère les principaux faits constitutifs de la possession d'état. [...]
[...] Ce n'était certes pas suffisant pour établir ce lien de filiation, puisque l'article 337 du Code civil exige que l'acte de naissance soit corroboré par la possession d'état. Mais on conçoit qu'alors cet élément complémentaire, qui ne serait d'ailleurs pas exigé s'il s'agissait d'établir une filiation légitime, puisse reposer sur assez peu de choses. [...]
[...] Après plusieurs péripéties judiciaires, dont une première cassation, cette action tendant à la constatation de la possession d'état dont jouissait de son vivant une personne aujourd'hui défunte, a été accueillie par les juges du fond. Le pourvoi formé contre cette décision conteste la recevabilité de l'action des héritiers, en présentant un raisonnement d'une logique rigoureuse, fondé sur les règles relatives à la transmission aux héritiers des actions relatives à la filiation. Aux termes de l'article 311-8 du Code civil, l'action qui appartient à un individu quant à sa filiation ne peut être exercée par ses héritiers qu'autant qu'il est décédé mineur ou dans les cinq années après sa majorité ou son émancipation. [...]
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