« L'apparence », notion très controversée par la doctrine a fait l'objet d'une évolution importante jurisprudentielle, notamment quant à son fondement. L'arrêt rendu par l'assemblée plénière le 13 décembre 1962 est un arrêt de principe qui vient consacrer un nouveau fondement.
[...] La question posée à la Cour de cassation en l'espèce était : lorsqu'un mandataire a agit hors de la limite de ses pouvoirs normaux, la responsabilité du mandant peut-elle être engagée, alors qu'il n'a commis aucun faute, sur le fondement de la théorie du mandat apparent ?
La réponse de la Cour est affirmative : « le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence de faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs... ». La Cour a ainsi admis qu'une personne peut se trouver engagée par un mandataire apparent, c'est-à-dire qui n'avait nullement reçu d'un mandant un pouvoir suffisant de représentation, mais dont le comportement a pu légitimement induire le tiers en erreur sur ce point.
La Haute juridiction affirme ainsi l'apparence comme source autonome d'obligation (I), et vient préciser les conditions auxquelles son emploi est subordonné (II) (...)
[...] Ainsi deux arrêts de ma chambre des requêtes des 4 et 11 mai 1936 avaient fait appel à l'apparence sans constater une faute du mandat. Un arrêt proclamant l'autonomie de l'apparence source d'obligation Dans cet arrêt de 1962, c'est la première fois qu'un arrêt aussi solennel, l'assemblée plénière civile étant appelée à vider un partage égal de voix de la première section civile, a proclamé l'autonomie de l'apparence comme source d'obligation. II) Les conditions auxquelles son emploi est subordonné L'invocation d'un critère à double détente L'importance de la croyance légitime Pour déterminer s'il y a mandat apparent, la jurisprudence utilise un critère à double détente selon Cornu. [...]
[...] Et de fait, tout en constituant le critère du mandat apparent, la croyance légitime résulte elle même, des circonstances qui autorisaient les tiers à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs du mandataire L'examen de la jurisprudence montre que ces circonstances peuvent être très diverses: en fonction de la personnalité de celui qui se prévaut de l'apparence, ou encore en fonction de l'importance et de la nature de l'acte à accomplir. La position de la jurisprudence postérieure Le maintien ultérieur de cette jurisprudence, ainsi que la multiplication des décisions, devraient montrer que l'arrêt de 1962 était bien un arrêt de principe. Actuellement, le fondement de l'erreur légitime ou plutôt de la croyance légitime s'est imposé en France. En effet, trois arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation du 29 avril 1969 ont apporté un certain nombre de précisions quant au régime du mandat apparent. [...]
[...] Cette décision apporte une dérogation importante à l'article 1998 alinéa 2 du Code civil. Cet article dispose que le mandant n'est pas tenu de ce qui a pu être fait au-delà du pouvoir qu'il a donné, à moins qu'il ratifie l'acte, expressément ou tacitement. Cependant la jurisprudence a toujours admis que, malgré le dépassement de pouvoirs par le mandataire, le mandant était tenu envers les tiers de bonne foi, lorsque leur erreur a été rendue possible par une faute du mandant. [...]
[...] L'arrêt rendu par l'assemblée plénière le 13 décembre 1962 est un arrêt de principe qui vient consacrer un nouveau fondement. En l'espèce, le président-directeur général de la Banque canadienne (mandataire), sous sa seule signature, souscrit au nom de cette banque (mandant), envers l'Administration des Domaines (tiers), un cautionnement solidaire d'une société de récupération d'épaves, pour une somme de 700000 francs en mai 1953. Ladite administration a alors demandé l'exécution de cette obligation cependant la banque lui a soutenu que celle-ci ne lui était pas opposable, en déclarant que ses statuts exigeaient en ce cas la signature de deux mandataires sociaux habilités. [...]
[...] La Cour, dans les deux premières décisions précitées, envisage l'application de la théorie du mandat apparent non seulement en cas de dépassement de pouvoirs, seule hypothèse que semble viser l'arrêt de l'Assemblée plénière du 13 décembre 1962, mais également en cas d'absence de pouvoirs. L'arrêt du 4 mars 1997 se base sur cette décision pour préciser que lorsque les circonstances sont de nature à éveiller les soupçons du tiers sur la réalité des pouvoirs du mandataire apparent, le tiers doit procéder à une vérification de ces pouvoirs. [...]
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