« Tel qu'il se présente, l'avant-projet s'efforce donc de faire une juste part à l'esprit des siècles et aux nécessités du temps présent, comme firent jadis les pères du code » . Ainsi, 199 ans après la promulgation du Code civil le 21 mars 1804 et en prévision du bicentenaire du Code Napoléon, un projet est formé en 2003 pour « donner corps à une réforme générale du droit des obligations et de la prescription » .
L'objectif poursuivi par les auteurs de l'avant-projet de réforme du droit des obligations (art. 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (art. 2234 à 2281 à Code civil) est double. Il s'agit de réformer le droit national et d'inscrire cette réforme dans une perspective européenne. L'espoir des trente-sept civilistes réunis « est que l'avant-projet serve l'entreprise qui donnera à la France un droit civil adapté à son époque et une voix dans le concert européen » . « Le dessein de ceux qui s'assemblèrent pour y réfléchir n'était pas de s'opposer à qui ni à quoi que ce soit. Il était de passer au crible les Titres III et IV du livre troisième du Code civil pour en détecter les silences et pour distinguer, parmi les dispositions en vigueur, celles qui méritaient de demeurer en l'état, de celles qui appelaient une écriture nouvelle ou un pur et simple abandon » . Ainsi, la commission présidée par Pierre Catala rend son rapport le 22 septembre 2005 à Pascal Clément, alors Garde des Sceaux et Ministre de la Justice.
Concernant la période précontractuelle, c'est-à-dire l'ensemble des faits et actes qui précèdent l'accord de volontés mais aussi les différents contrats préparatoires anticipant la conclusion du contrat définitif, le rapport Catala propose aux articles 1106 et 1106-1 la définition et le régime juridiques applicables respectivement à la promesse unilatérale de contrat et au pacte de préférence. En effet, ces deux avant-contrats nés de la pratique ne sont pas directement pris en compte par le Code civil. Les juges, de la Cour de cassation notamment, ont ainsi au fil des litiges, statué sur la validité et les effets de ces actes juridiques.
Une promesse unilatérale de contrat de vente par exemple, peut alors être définie comme une convention par laquelle un promettant consent à un bénéficiaire la faculté d'acheter ou de vendre un bien à un certain prix. Le bénéficiaire qui accepte la promesse unilatérale jouit alors d'un droit d'option. Quant au pacte de préférence, il s'agit d'un acte par lequel un promettant s'engage envers un bénéficiaire à lui proposer en priorité la conclusion du contrat s'il décide de contracter. L'avant-projet Catala propose d'intégrer et de rendre plus cohérent le régime juridique de la promesse unilatérale de contrat et du pacte de préférence.
Pour Pierre Catala, « sous ce rapport, l'avant-projet ne propose pas un code de rupture, mais d'ajustement. En ceci, il est redevable à la doctrine et à la jurisprudence » . Pour autant, il admet que « le Titre “Des obligations” doit être le siège de maximes générales qui édictent un droit commun actualisé, recouvrant et ménageant à la fois le particularisme des lois spéciales nouvelles » . L'apport de la jurisprudence et de la doctrine aussi grand soit-il n'empêche pas la présence de « nouvelles règles contraires à la jurisprudence contemporaine » .
Dans la mesure où les articles 1106 et 1106-1 de l'avant-projet Catala sont en partie touchés par ce phénomène, il apparaît intéressant d'étudier leur contenu au regard du droit positif actuel. Au nom de quels principes juridiques, le projet Catala va à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la promesse unilatérale de contrat ? Dans quelle mesure l'avant-projet Catala a inspiré la jurisprudence sur le pacte de préférence ? Sur quels fondements la commission composée de trente-sept civilistes de renom s'est-elle basée pour établir les régimes juridiques potentiels de la promesse unilatérale de contrat et du pacte de préférence ?
Le droit positif actuel semble en effet dénaturer la promesse unilatérale de contrat tandis que le projet Catala tente de redonner du sens à cet acte juridique précontractuel (I). De même, le régime juridique du pacte de préférence est précisé afin de faire de ces deux avant-contrats des actes prévisibles et cohérents qui répondent à l'impératif de sécurité juridique (II).
[...] Vers un régime cohérent pour les avant-contrats, générateur de prévisibilité et de sécurité juridique ? 1. Une victoire en demi-teinte de l'avant-projet Catala sur la jurisprudence Le débat sur les effets juridiques de la violation du pacte de préférence met en jeu l'exécution en nature d'un côté et l'exécution en équivalent de l'autre. Après s'être fondé sur l'article 1142 du Code civil pour justifier une exécution en équivalent, par le biais de dommages- intérêts, l'arrêt du 26 mai 2006 de la Cour de cassation préfère l'annulation/substitution. [...]
[...] Cette idée est formulée dans l'avant-projet Catala à l'alinéa 2 de l'article 1106-1 : le promettant est tenu de porter à la connaissance du bénéficiaire toute offre relative au contrat soumis à préférence Pour les auteurs de l'avant-projet Catala, le contrat conclu avec un tiers est inopposable au bénéficiaire de la préférence, sous réserve aux règles assurant la protection des tiers de bonne foi Ainsi, la perspective pour laquelle le pacte de préférence a été formé est respectée si le tiers est de bonne foi. Le bénéficiaire de la préférence peut se substituer au tiers de mauvaise foi et obtient l'exécution forcée du pacte de préférence et non des dommages-intérêts. Le projet Catala semble avoir en partie inspiré l'arrêt rendu en chambre mixte par la Cour de cassation le 26 mai 2006. [...]
[...] Les apports de l'avant-projet Catala sur ces questions pourraient être plus importants et l'arrêt du 26 mai 2006 annonce un possible enrichissement de la jurisprudence par la doctrine. De la sorte, le régime juridique des avant-contrats serait davantage certain. C'est d'ailleurs toute la cohérence de l'avant-projet Catala sur la question du pacte de préférence et de la promesse unilatérale que les juristes Denis Mazeaud et Philippe Delebecque défendent au nom de l'impératif de sécurité. Ainsi, les règles proposées sont mues par l'impératif d'assurer la sécurité juridique lors de la période précontractuelle. [...]
[...] Le droit positif actuel semble en effet dénaturer la promesse unilatérale de contrat tandis que le projet Catala tente de redonner du sens à cet acte juridique précontractuel De même, le régime juridique du pacte de préférence est précisé afin de faire de ces deux avant-contrats des actes prévisibles et cohérents qui répondent à l'impératif de sécurité juridique (II). I. La dénaturation jurisprudentielle de l'essence de la promesse unilatérale de contrat contrecarrée par l'article 1106 du projet Catala : une voie ouverte vers plus de sécurité juridique ? La promesse unilatérale de contrat est un avant-contrat dont le régime juridique met à mal la sécurité juridique. Relativement peu prévisible depuis la rupture jurisprudentielle opérée par la Cour de cassation en 1993 le projet Catala propose à l'article 1106 de redonner sens à cet acte précontractuel A. [...]
[...] L'arrêt rendu le 26 mai 2006 par la Cour de cassation en partie inspirée par l'article 1106-1 de l'avant-projet Catala renforce la prévisibilité et la sécurité juridique. Ainsi, promesse unilatérale de contrat et pacte de préférence deviennent deux outils juridiques fiables dont la portée obligatoire est certaine et contribue à leur utilité en tant qu'avant-contrat. A. L'avant-projet Catala inspire en partie la jurisprudence sur la question de l'exécution forcée du pacte de préférence 1. La jurisprudence abandonnée par l'avant-projet Catala : L'alinéa 1 de l'article 1106-1 de l'avant-projet Catala reprend la définition doctrinale du pacte de préférence. [...]
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