La voie de fait constitue en vérité un acte pris par l'administration, et cet acte est tellement illégal, qu'il se voit disqualifié, il ne s'agit donc plus d'un acte administratif entendu au sens général, mais devient un fait. Dans ce cas, et donc, dès lors que l'acte est disqualifié, il ne peut être connu par le juge administratif, mais bien le juge judiciaire.

Ainsi, l'administration, dans la pratique, peut prendre trois types d'actes, entendus généralement, c'est-à-dire des actes légaux et illégaux qui relèvent de la compétence du juge administratif, et enfin, des actes dénaturés, disqualifiés qui ne constituent plus des actes administratifs et dépendent de la compétence du juge judiciaire. La théorie de la voie de fait s'intéresse surtout à deux secteurs, à savoir : les atteintes portées contre les libertés individuelles, fondamentales ; les atteintes portées à l'encontre du droit de propriété.

Voie de fait et théorie des circonstances exceptionnelles

Le 18 novembre 1949, dans l'arrêt Carlier (n°77441), le Conseil d'État a eu à répondre à la question de savoir si le fait d'expulser un individu et de saisir les photos, qu'il avait prises au sein d'une cathédrale en état de délabrement avancé afin d'en informer le public, relevait du juge administratif. Les juges ont considéré qu'empêcher un individu d'entrer dans la cathédrale constituait un acte illégal, dont la compétence revenait au juge administratif ; lui saisir les photos prises ne pouvait toutefois pas constituer une activité administrative, relevant de ce fait de la seule compétence du juge judiciaire. On le voit, le juge administratif dispose d'un réel pouvoir d'appréciation, pouvoir lui-même étendu.

Pour se convaincre de cette constatation, il convient ici de relever deux décisions. Ainsi, le Tribunal des conflits a retenu, dans sa décision Action française du 8 avril 1935, que le fait de saisir un numéro d'un journal de presse est constitutif d'une voie de fait qui porte expressément atteinte à la liberté d'expression. Néanmoins, par une décision du 19 mai 1954, Office publicitaire de France, le Tribunal des conflits retiendra que le fait de lacérer des affiches anti-OTAN ne constitue pas une voie de fait, et ce, précisément en tenant compte de l'urgence.

En fait, il faut noter que le tribunal administratif n'est pas compétent à l'effet de connaître de ces voies de fait ; le Conseil d'État, en tant que juge administratif suprême, peut connaître des voies de fait, et le Tribunal des conflits pour sa part arbitre.

Dans tous les cas, pour conclure, on peut retenir que cette notion a été fortement réduite quant à ses possibilités de reconnaissance dans la jurisprudence ; elle existe toujours toutefois.

Sources : Dalloz, Revue générale du droit, Conseil d'État, Affaires publiques