1. CE, Assemblée, 7 juillet 1950 - Dehaene, n 01645
2. CE, Section, 12 février 1960, Société Eky, n 46922 et 46923
3. CE, 27 avril 1962, Sicard et autres
4. CE, 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres
5. CE, Assemblée, 20 octobre 1989, Nicolo, n 108243
6. CE, Section, 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, n 69751
7. CE, 8 aout 1919, Labonne, n 56377
8. CE, Section, 18 décembre 2002, Duvignères
9. CE, Section, Société Anonyme Entreprise Marchand, 18 novembre 1977, n 00619
10. CE, 18 décembre 1919, Dol et Laurent


1. CE, Assemblée, 7 juillet 1950 - Dehaene, n 01645

Le Conseil d'État a eu à connaître de la valeur juridique à accorder au droit de grève. Dans le cas de l'espèce, il s'agissait d'un fonctionnaire d'État qui avait fait l'objet d'une sanction de nature disciplinaire puisque celui-ci avait décidé de faire grève.

Les juges du Conseil d'État ont retenu que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » : il faut alors retenir que le droit de grève peut être à la fois limité et conditionné par des lois, qui viennent le réglementer.

Cependant, et parce qu'il n'existe à cette époque aucune loi à cet égard, il revient au pouvoir réglementaire d'intervenir pour le réglementer effectivement. En fait, ici, le Conseil d'État a considéré que le préambule de la Constitution a valeur constitutionnelle ; les juges du Palais Royal ont alors permis que soient reconnues les dispositions des préambules dans le droit positif, et ce, précisément au niveau des normes de valeur constitutionnelle.


2. CE, Section, 12 février 1960, Société Eky, n 46922 et 46923

Le Conseil d'État s'est intéressé à la question de savoir si les articles contenus au sein de la Constitution s'imposent en effet à l'administration même si celle-ci n'est pas directement concernée par eux.

Dans le cas de l'espèce, le gouvernement français avait pris deux actes, à savoir : une ordonnance sur la base de l'article 92 de la Constitution, ainsi qu'un décret modifiant certaines dispositions du Code pénal et créant des peines de contravention. Un recours sera formé à l'encontre de ces deux actes.

À cet égard, le Conseil d'État se déclare incompétent pour connaître d'une annulation d'une telle ordonnance, même s'il accepte d'examiner la légalité du décret par rapport aux dispositions contenues au sein de l'article 34 de la Constitution. Il jugera finalement que le décret est conforme dans la mesure où le pouvoir réglementaire est compétent pour déterminer les peines de contravention.

L'arrêt Société Eky constitue un arrêt de principe par lequel le Conseil d'État considère que les articles contenus au sein de la Constitution s'imposent à l'administration. En outre, cet arrêt est constitutif du point de départ d'une divergence de jurisprudences entre les juges administratif, judicaire et le Conseil constitutionnel.


3. CE, 27 avril 1962, Sicard et autres

Cet arrêt constitue la première décision dans laquelle le Conseil d'État est intervenu pour annuler un décret au motif que celui-ci violait les dispositions de l'article 22 de la Constitution relatif au contreseing des ministres étant chargés de l'exécution des actes du Premier ministre.

En fait, il faut comprendre la distinction qui existe entre les décrets délibérés ou non en Conseil des ministres. Si le décret est délibéré en Conseil des ministres, alors il relève de la compétence du Chef de l'État et est contresigné, conformément à l'article 13 de la Constitution, par le Premier ministre et les ministres responsables ; si le décret n'est pas délibéré en Conseil des ministres, alors il relève de la compétence du Premier ministre et est contresigné, conformément à l'article 22 de la Constitution, par les ministres qui sont chargés de son exécution.

Les juges du Conseil d'État sont donc intervenus pour clarifier la situation quant à la détermination des titulaires du pouvoir réglementaire, ainsi qu'aux règles relatives à la signature des décrets.


Dans le cas de l'espèce, le Conseil d'État a affirmé la possibilité qu'il se réserve de trouver, au sein même d'un traité international, un principe constitutionnel de façon à sanctionner un acte administratif contraire à la fois au traité, mais aussi à la Constitution.

En fait, le raisonnement opéré par les juges du Palais Royal a été le suivant : dès lors qu'un acte est contraire à une disposition contenue dans un traité international et que cette disposition conventionnelle est la même que celle contenue dans la Constitution, alors l'acte est considéré comme étant contraire à la Constitution.

Le Conseil d'État reprend la notion d'exception d'inconventionnalité qui permet de déclarer qu'un acte interne (une loi, un règlement, ou un décret par exemple) n'est pas compatible avec un traité international.


5. CE, Assemblée, 20 octobre 1989, Nicolo, n 108243

Dans le cas de l'espèce, le Conseil d'État a eu à répondre à la question de savoir quelle était la place respective d'une loi et d'un traité au sein de l'ordre juridique français.

Les juges du Palais Royal retiennent qu'il est possible d'écarter l'application d'une loi qui serait incompatible avec un traité international même si la loi interviendrait postérieurement au traité.

De ce fait, le Conseil d'État fait prévaloir un traité international sur une loi interne postérieurement ; l'arrêt en question ne concerne que les stipulations claires.


6. CE, Section, 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, n 69751

Dans le cas de l'espèce, il s'agissait d'une vendeuse de journaux qui s'était vu retirer l'autorisation de vendre des journaux sur la voie publique. Le motif qui avait été argué pour la lui retirer était qu'elle aurait commis une faute. Or il n'y a pas eu de procédure contradictoire ; de ce fait, les juges du Conseil d'État ont retenu qu'il était nécessaire d'annuler la décision de retrait de ladite autorisation.

Les juges du Conseil d'État ont considéré que les droits de la défense avaient été violés. Il s'agit ici d'un arrêt de principe et ces juges permettent, par cette décision, d'étendre à toute personne l'exigence d'une telle procédure contradictoire avant que ne soit finalement prise une décision qui revêt le caractère d'une sanction.

Le principe des droits de la défense est alors reconnu expressément par cet arrêt.


7. CE, 8 aout 1919, Labonne, n 56377

Cette décision Labonne de 1919 avait trait à une décision prise par le Chef de l'État et qui créait le permis de conduire. Le sieur Labonne considère que le Chef de l'État n'est pas en mesure de créer une règle de droit par le biais d'un règlement.

Cependant, les juges du Conseil d'État mettent en évidence la théorie du vide juridique, et considèrent que pour le cas où le législateur n'était pas intervenu alors qu'il l'aurait dû, il revient de manière provisoire au pouvoir réglementaire de combler ce vide, justement par le biais de ces règlements.

Donc, dans le silence gardé par le législateur, il est possible que le pouvoir règlementaire intervienne, prenne le relais, et ce, directement par le biais d'un règlement. Le principe absolu qui voulait que l'administration ne puisse créer de droit que pour le cas où une loi existait expressément s'est estompé avec cette décision.


8. CE, Section, 18 décembre 2002, Duvignères

Par cette décision du 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat abandonne sa jurisprudence du 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker. Les juges du Palais Royal ont eu à s'intéresser aux circulaires susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Dans cet arrêt, les juges réalisent une innovation importante. Ils considèrent qu'il est possible que des dispositions impératives se trouvent directement au sein des circulaires interprétatives.

De ce fait, un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de ces dispositions impératives peut être mené, sans que ne soit attaquée l'intégralité de la circulaire interprétative.


9. CE, Section, Société Anonyme Entreprise Marchand, 18 novembre 1977, n 00619

C'est en 1973 que le ministre de l'Équipement décide de prendre une circulaire dite « anti-marina ». Celle est interprétative, mais supprime des dispositions contenues dans une loi de 1963. La société Anonyme Entreprise Marchand forme alors un recours pour que soit finalement appliquée la jurisprudence de 1954 (Institution Notre-Dame du Kreisker).

Théoriquement, le Conseil d'État aurait dû annuler ladite circulaire, mais il la considère comme étant une directive. En tant que mesure d'ordre intérieur, la circulaire est insusceptible de recours : par conséquent, les juges du Conseil d'État se déclarent incompétents.

Ici, le Conseil d'Etat permet de distinguer les directives au sens de la jurisprudence Crédit Foncier de France du 11 décembre 1970 des autres directives qui sont, elles, applicables en matière de protection du littoral. Il permet alors de consacrer l'utilisation, dans sa jurisprudence, des directives qui relèvent de cet arrêt du 11 décembre 1970 dans le domaine de l'urbanisme, mais aussi de l'aménagement du territoire français.


10. CE, 18 décembre 1919, Dol et Laurent

Divers arrêtés préfectoraux ont été pris et ceux-ci interdisent aux débitants de boissons de servir des verres aux prostituées ; leur interdisent de racoler dès lors qu'elles se trouvent hors d'un périmètre délimité ; leur interdisent de tenir un débit de boissons.

Les juges du Conseil d'État ont eu à répondre à la question de savoir si les actes pris étaient ou pas légaux. Le Conseil d'État répondra par l'affirmative. En fait, les juges du Palais Royal ont retenu que les limites inhérentes au pouvoir de police diffèrent selon que l'on soit en temps de paix ou en temps de guerre.

Donc, l'ordre public diffère, fluctue réellement en raison de textes spéciaux applicables et appliqués ou bien par l'appréciation du contexte.
Le Conseil d'État reconnaît alors ici expressément la théorie des circonstances exceptionnelles et évoque aussi la notion de « circonstances de temps et de lieu ».



Sources : Légifrance, Conseil d'État, Affaires publiques



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