Cette méthode rigoureuse et méthodique est essentielle tant pour les praticiens que les théoriciens du droit, et incarne l’art de relier des principes abstraits d’une norme complexe à des réalités de la vie quotidienne.
Qu’est-ce que le syllogisme juridique ?
Forme de raisonnement juridique, le syllogisme juridique se compose de 3 éléments : une prémisse majeure, une prémisse mineure et une conclusion.
En droit, la prémisse majeure correspond à la règle de droit applicable, tandis que la prémisse mineure correspond de son côté aux faits en question. La conclusion, quant à elle, est le résultat de l'application de la règle aux faits.
Le syllogisme juridique tire ses origines de la logique aristotélicienne, et trouve son application dans de nombreux domaines, mais c'est en droit qu'il est particulièrement pertinent, puisque les juristes l'utilisent pour justifier d'une décision, ou analyser une situation juridique.
Illustrons, de manière basique, un cas de syllogisme juridique :
- Prémisse majeure : toute personne majeure peut signer un contrat ;
- Prémisse mineure : Jean a 25 ans ;
- Conclusion : Jean peut signer un contrat.
Les étapes du raisonnement syllogistique
L'application du syllogisme suppose une première étape qui consiste à identifier la règle juridique applicable. Cette règle peut être issue d'une loi, de la jurisprudence ou de toute autre source normative, à l'instar d'un article d'un traité, de la Constitution française, d'une directive européenne, etc.
Par exemple, en matière de responsabilité civile, l'article 1240 du Code civil pose la règle générale selon laquelle « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
La deuxième étape consiste en une analyse des faits, puisqu'il est nécessaire d'examiner ceux-ci pour les qualifiés juridiquement. Cette démarche demande une compréhension approfondie de la situation, et une capacité à interpréter les éléments de preuve.
In fine, pour une application complète du syllogisme juridique, il faut appliquer la règle de droit aux faits de manière logique, et cette application aboutit à une conclusion juridiquement fondée. En somme, cette conclusion est déterminée par la confrontation de la prémisse mineure à la prémisse majeure.
L'importance du syllogisme juridique dans la pratique
En matière judiciaire, les juges utilisent quotidiennement le syllogisme juridique afin de motiver leurs décisions.
Si l'on prend par exemple une affaire de responsabilité contractuelle, le syllogisme pourrait s'établir ainsi :
- Prémisse majeure : le vendeur qui n'exécute pas son obligation engage sa responsabilité, sur la base de l’article 1217 du Code civil ;
- Prémisse mineure : dans les faits portés devant le juge, le vendeur n'a pas livré la marchandise convenue ;
- Conclusion : le vendeur est responsable.
Le syllogisme juridique trouve également toute son application et son utilité dans le cadre de l’activité de conseil juridique, et les professionnels du droit, comme les avocats et notaires, utilisent cette méthodologie afin de conseiller leurs clients. En effet, cette méthode leur permet de démontrer pourquoi une action est ou non, conforme au droit.
Les limites du syllogisme juridique
La principale limite à l'application du syllogisme juridique est la complexité des faits. En effet, ceux-ci ne sont pas toujours clairs ou évidents, et dans certains cas leur qualification juridique est discutée, ce qui complique l'établissement du syllogisme.
Autre frein à cette méthodologie : les lacunes du droit. Comme démontré précédemment, le syllogisme juridique suppose l’existence d'une règle claire et précise, mais il arrive que le droit soit ambigu, ou qu'il manque de dispositions spécifiques, laissant place à interprétation.
Enfin, le faux syllogisme est également une limite de cette méthodologie, lorsque celle-ci est utilisée en inversant volontairement le raisonnement pour aboutir à la conclusion souhaitée.
L'illustration de ces limites peut être prise notamment dans une affaire de troubles du voisinage, où le raisonnement suivant pourrait être tenu :
- Prémisse majeure : tout propriétaire doit utiliser son bien sans causer de trouble anormal au voisinage (Civ. 3e, 13 novembre 1986, Bull. Civ. III, n°172) ;
- Prémisse mineure : Des nuisances sonores sont générées par le restaurant de Monsieur X, voisin d’immeubles d’habitation ;
- Conclusion : Monsieur X doit réduire les nuisances. Cependant, la détermination de ce qui constitue un trouble anormal, et souvent subjective.
Références :
§ « L’argumentation juridique » Stefan Goltzberg, Dalloz, 4ème édition, 2019