La force majeure : de quoi parle-t-on ?

La notion de force majeure peut se définir comme étant constitutive d’un évènement particulier qui doit, pour être effectivement reconnue, revêtir trois traits : d’abord, l’imprévisibilité ; ensuite, l’irrésistibilité ; et enfin, l’extériorité. En droit du travail, c’est parce qu’un tel évènement est survenu que le contrat de travail liant le salarié à son employeur ne peut valablement continuer à être exécuté.

Cour de cassation, 1re chambre civile, 11 décembre 2019, n°18-13.840 - La force majeure


Dans la matière contractuelle, et conformément aux dispositions contenues au sein de l’article 1218 du Code civil, la force majeure est reconnue pour le cas où un évènement particulier ne peut être contrôlé par le débiteur ; que cet évènement n’a pu être prévu de manière raisonnable lorsque le contrat fut conclu ; enfin lorsque les effets de cet évènement n’ont pu être prévenus par la prise de mesures adaptées. En pareille circonstance, le débiteur ne peut pas exécuter son obligation.

Les clauses de force majeure en droit des contrats

En jurisprudence la Cour de cassation, en sa Chambre sociale, a retenu que la force majeure peut effectivement exonérer aussi bien en tout ou partie l’employeur de ses obligations découlant de la conclusion du contrat de travail dès lors que l’évènement en cause est à la fois extérieur, imprévisible le jour le contrat a été passé avec le salarié, et enfin qu’il est irrésistible dans son exécution (cf. Cass. soc., 16/05/2012, n° 10-17.726).

La force majeure en droit civil


Prenons deux exemples pour montrer l’évènement pouvant, ou non, résulter sur la reconnaissance prétorienne d’un cas de force majeure. Dans un cas d’espèce, il avait été relevé qu’un incendie, d’origine criminelle, avait résulté sur la reconnaissance d’un cas de force majeure dans la mesure où l’entreprise était devenue inexploitable (cf. Cass. soc., 02/12/1992, n° 89-44.620).
Cependant, dans un autre cas d’espèce, la force majeure ne fut pas retenue par les juges : le fait d’invoquer une interdiction administrative d’exploiter une plage ne peut résulter sur la reconnaissance d’un cas de force majeure dans la mesure où le secteur avait déjà été déclarés comme étant pollués lors des saisons précédentes. Ici, le caractère imprévisible de l’évènement faisant défaut, la force majeure fut écartée (cf. Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 01/02/1982, n° 80-5761).

L’impact de la reconnaissance de la force majeure sur les règles de licenciement

Après avoir vu ce en quoi consiste la force majeure, il est intéressant maintenant de se pencher sur les règles relatives au licenciement en pareil cas. En effet, il faut immédiatement retenir la règle selon laquelle lorsqu’un cas de force majeure est reconnu et qu’il entraine la rupture du contrat de travail entre le salarié et son employeur, celle-ci n’est en rien constitutive d’un licenciement et ne saurait donc utilement disposer de ses effets (cf. en ce sens, Cass. soc., 24-4-1986, n° 83-43.220). Pourquoi une telle règle ? Tout simplement dans la mesure où le contrat de travail est directement rompu du fait de l’évènement de force majeure et non d’une quelconque intention émanant de l’employeur.
La Cour de cassation a retenu que l’employeur se doit uniquement de constater que le contrat est effectivement rompu pour force majeure (cf. Cass. soc., 19/11/1980, n° 78-41.574). Par ailleurs, celui-ci ne saurait valablement être condamné au versement de dommages et intérêts au bénéfice de son salarié évincé même en l’absence d’un entretien préalable à la rupture de la relation contractuelle (cf. Cass. soc., 27/04/1989, n° 86-41.217).
S’il n’est pas attendu de l’employeur qu’il respecte une quelconque procédure, il convient néanmoins de relever qu’il se doit d’informer son salarié de la rupture à venir de leur relation contractuelle et cette information doit revêtir un caractère formel.

La rupture du contrat de travail

Quid enfin des indemnités de rupture au profit du salarié ?

Le salarié sera en droit de bénéficier d’indemnités de rupture lorsque le contrat de travail est rompu par un cas de force majeure. Attention toutefois, celles-ci se distinguent les unes des autres compte-tenu de l’évènement ayant entrainé la reconnaissance de la force majeure : la rupture découle-t-elle d’un sinistre ou ne découle-t-elle pas d’un sinistre ? Là réside le cœur de la question.
S’il n’y a pas eu sinistre, selon le Code du travail, pris en son article L. 1234-12, le fait pour une entreprise de cesser son activité résulte sur une libération de l’employeur de se conformer aux règles relatives au préavis mais aussi au versement de l’indemnité contenue à l’article L. 1234-9 dudit code.
Pour le cas où l’employeur ne peut continuer à exécuter le contrat de travail de manière absolue, alors il ne peut valablement être condamné à verser au salarié évincé l’indemnité de préavis ni même l’indemnité de licenciement (cf. respectivement Cass. soc., 02/05/1978, n° 77-40.406 et 03/12/1975, n° 74-40.354). Cependant, si une clause du contrat de travail prévoit explicitement que ces deux indemnités devront être versées au salarié, peu importe la cause de la rupture du contrat de travail, et donc même à un cas de force majeure, alors l’employeur ne saurait s’en exonérer (cf. Cass. soc., 23/05/1962, n° 60-40.762).
S’il y a eu sinistre, et que le contrat de travail à durée indéterminée est rompu du fait de ce dernier, et qu’il découle d’un cas de force majeure, alors le salarié évincé est en droit d’obtenir une indemnité dite compensatrice et dont le montant doit être égal au montant qu’il aurait obtenu en application des articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code travail, respectivement relatifs à l’indemnité compensatrice de préavis et à l’indemnité de licenciement. Cette indemnité doit par ailleurs être versée par l’employeur.
Aussi, il est important de retenu qu’en cas de sinistre, le salarié est en mesure d’obtenir l’indemnité de congés payés mais aussi les éléments de salaire qui lui restent en effet dus le jour où le contrat de travail a été rompu par l’employeur.

Les modes de rupture du contrat de travail : résumé