I) Le champ d'application de la responsabilitédu fait des produits défectueux

A. Les produits concernés

L'article 1245-2 du Code civil dispose qu'« est un produit tout bien meuble même s'il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche. L'électricité est considérée comme un produit. ».

Cette disposition soumet au nouveau régime de responsabilité les produits manufacturés et ceux issus de l'agriculture. Il en est de même pour les matériaux incorporés dans un bâtiment.

Par ailleurs, le produit doit avoir été mis en circulation après la loi du 19 mai 1998.

L'article 1245-4 précise que la mise en circulation est réalisée quand le producteur s'en est dessaisi, et qu'un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation. En d'autres termes, la sortie des chaînes de production et la volonté de commercialiser le produit constituent la mise en circulation.

B. Les responsables concernés

La loi de 1998 instaure une responsabilité à la charge des producteurs. Elle définit le producteur comme le fabriquant, à titre professionnel d'un produit fini, le producteur d'une matière première, ou encore le fabriquant d'une partie composante.

Les importateurs du produit sont assimilés à des producteurs.

Il est possible d'assigner le fournisseur que si le producteur ne peut être identifié. Le fournisseur peut toutefois se dégager de cette responsabilité s'il désigne le producteur ou son propre fournisseur dans un délai de 3 mois à compter de la demande notifiée par la victime.

C. Les victimes concernées

Le régime de responsabilité du fait des produits est ouvert à toutes victimes contractantes ou non professionnelles.

D. Les dommages couverts

L'article 1245-1 prévoit que toute atteinte est réparée. Il peut s'agir d'une atteinte à l'intégrité corporelle, comme d'une atteinte aux biens. En revanche, le produit défectueux lui-même n'est pas couvert par cette disposition.

Le dommage corporel est indemnisé sans restriction que la victime soit un particulier ou un professionnel.

Concernant les dommages aux biens, l'article 1245-14 prévoit que des clauses limitatives de responsabilité sont possibles entre professionnels. Par ailleurs, une franchise de 500€ est appliquée. Ne sont donc réparables que les dommages nés de la destruction ou de la détérioration d'un bien s'ils sont supérieurs à 500€, ou encore les dommages économiques s'ils sont supérieurs à 500€.

II) La mise en oeuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux

A. Le défaut du produit

L'article 1245-3 dispose qu'un produit est défectueux lorsqu'il ne présente pas la sécurité à laquelle on pourrait légitimement s'attendre.

Il convient donc, in abstracto, de déterminer, selon la nature du produit, le niveau de sécurité que l'on peut en attendre. La notice et les mises en garde doivent permettre d'établir le niveau de sécurité attendu. À cet égard, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 7 novembre 2016, considéré que le défaut de sécurité du produit résultait d'une insuffisance d'information et de mise en garde sur les risques que celui-ci entraîne. En l'espèce, un particulier s'était blessé en étalant du béton dans son jardin. Le fabricant invoquait des documents contractuels soumis au contractant qui faisaient mention de risques de brûlures. La Cour de cassation avait pourtant rejeté cet argument en relevant l'insuffisance d'informations sur les précautions à prendre.

Le bilan bénéfice/risque est également un indice important. Ce critère est souvent utilisé pour apprécier le caractère défectueux d'un médicament. Les effets indésirables d'un médicament ne révèleront un défaut de sécurité du produit que s'ils excèdent les effets thérapeutiques escomptés.

B. Un lien de causalité avec le dommage

La victime doit démontrer le lien de cause à effet entre le défaut du produit et le dommage. Ce lien de causalité sera établi par les circonstances mêmes de l'accident.

En revanche, la preuve du lien de causalité est plus délicate à établir lorsqu'il s'agit de médicaments. Depuis quelques années, la jurisprudence a évolué dans son appréciation du lien de causalité pouvant exister entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques. La Cour de cassation a d'abord subordonné la reconnaissance du lien de causalité à l'existence d'un risque scientifiquement établi. Toutefois, en l'absence de consensus scientifique quant à l'imputabilité de la sclérose en plaques à la vaccination, le fabricant ne voyait pas sa responsabilité retenue. Ainsi, la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence et a censuré des arrêts qui, pour nier la causalité, s'étaient contentés de rapporter qu'il n'existait pas de preuves scientifiques. Pour la Cour de cassation, seule l'analyse des éléments de preuve propres à l'espèce importe aujourd'hui. Ainsi, le juge peut forger sa conviction en se basant sur des présomptions fournies par les parties, c'est-à-dire des indices graves précis et concordants comme l'apparition de la maladie peu de temps après l'administration du vaccin ou encore l'absence d'antécédents de la victime. Ces solutions ont été retenues par la première chambre civile le 9 juillet 2009 et le 25 novembre 2010.

C. Les délais d'action

L'action de la victime est enfermée dans un double délai.

Le premier délai est un délai de garantie prévu à l'article 1245-15. Le producteur ne doit sa garantie que pendant un délai de 10 ans après la mise en circulation du produit.

Si le délai est dépassé, la victime ne peut plus s'appuyer sur le fondement de la responsabilité du fait des produits. En revanche, si elle arrive à prouver la faute du producteur, elle peut agir au-delà du délai sur le fondement du droit commun.

Par ailleurs, la victime dispose d'un délai de 3 ans pour agir à compter de la découverte du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

II) La portée

Si le litige entre dans le domaine de la réglementation et si la victime respecte les délais de procédure et rapporte les conditions de sa mise en oeuvre, la responsabilité de plein droit du producteur est retenue. La victime pourra en principe obtenir une réparation intégrale, à moins que le producteur ne fasse valoir une de ses facultés d'exonération.

En effet, le producteur peut s'exonérer de sa responsabilité s'il démontre que le produit n'a pas été mis en circulation, que le défaut du produit ne lui est pas imputable, que le produit est conforme à des règles impératives ou qu'il existe un risque de développement.

S'agissant de la conformité à des règles impératives, la loi prévoit que le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve que le défaut du produit est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif et réglementaire auxquelles il a dû se conformer.

S'agissant du risque de développement, le producteur va être responsable à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit n'a pas permis de déceler l'existence du défaut.

Sources :

- Hypercours, « Droit des obligations », Stéphanie Porchi-Simon, 2022
-
Répertoire civil, Responsabilité du fait des produits défectueux, Catherine Caillé, juil. 2018