Encadrée aux articles 1240 et suivants du Code civil, la responsabilité délictuelle joue un rôle essentiel dans la protection des droits des victimes, tout en imposant des obligations aux personnes qui génèrent des dommages.
Responsabilité délictuelle : définition et typologies
La responsabilité délictuelle trouve sa définition dans l’article 1240 du Code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », disposition fondatrice du principe de la réparation du fait personnel.
En d’autres termes, cette forme de responsabilité est une obligation légale, qui naît dès lors qu’une personne cause, par sa faute, un dommage à autrui.
En ce qu’elle repose sur un fait dommageable indépendant de tout lien contractuel, la responsabilité délictuelle se distingue de la responsabilité contractuelle, qui intervient quant à elle dans le cadre d’un contrat.
En pratique, la responsabilité délictuelle peut se présenter sous deux principales formes :
- La responsabilité pour faute, dès lors que la personne à l’origine du dommage a agi avec imprudence, négligence ou intention malveillante ;
- La responsabilité sans faute, qui intervient dans des cas spécifiques, où la responsabilité délictuelle d’une personne est engagée alors même qu’elle n’a commis aucune faute, à l’instar de celle des parents pour les faits commis par leurs enfants mineurs.
La responsabilité délictuelle trouve des applications variées dans des contextes très divers, comme dans le cadre des accidents de la route, avec l’engagement de la responsabilité des conducteurs pour les dommages causés aux tiers, ou encore celle des fabricants, tenus responsables des préjudices causés par leurs produits défectueux.
Les trois conditions de mise en œuvre de la responsabilité délictuelle
Engager la responsabilité délictuelle d’une personne suppose que les trois conditions suivantes soient réunies.
D’une part, un fait générateur, qu’il s’agisse directement d’un acte ou d’une omission, doit être à l’origine du dommage.
Ce fait peut prendre la forme d’une faute, et plus particulièrement d’un comportement de l’auteur contraire à une obligation légale ou aux règles de prudence, mais également d’un fait de nature (une chute), ou encore un fait d’une chose (un objet défectueux).
D’autre part, un dommage doit résulter du fait générateur, et une atteinte subie par la victime doit être constatée, atteinte qui doit pouvoir être réparable juridique. Pour ce faire, le dommage doit lui-même satisfaire trois critères cumulatifs, et être :
- Certain : il ne doit pas résulter d’une hypothèse ;
- Direct : il puise son origine dans le fait générateur ;
- Légitime : les préjudices contraires aux bonnes mœurs ou illégitimes ne sont pas indemnisables.
Concernant la caractérisation du dommage, il peut être autant matériel, comme une destruction de bien ou une perte financière, que moral, avec par exemple une atteinte psychologique ou à l’honneur d’une personne.
Enfin, un lien de causalité c’est-à-dire la relation directe entre le fait générateur et le dommage doit être démontré, et deux théories permettent ici d’évaluer ce lien :
- La théorie de l’équivalence des conditions : tous les faits ayant contribué au dommage sont pris en compte ;
- La théorie de la causalité adéquate : seuls les faits ayant un caractère déterminant sont retenus.
Dans la pratique judiciaire, les juges évaluent au cas par cas le lien de causalité en fonction des circonstances.
Conséquences juridiques de la responsabilité délictuelle
Le cœur de la responsabilité délictuelle réside dans sa fonction réparatrice, puisque son objectif principal est de rétablir la situation d’équilibre que la victime aurait connue en l’absence du dommage.
Ce mécanisme juridique impose par conséquent, à celui qui cause un préjudice, l’obligation de le compenser, selon deux modalités principales : la réparation en nature ou par équivalent.
D’une part, avec une réparation en nature, qui vise à restituer à la victime sa situation antérieure au dommage, par exemple, par la restitution ou le remplacement d’un bien détérioré, ou encore la remise en état d’un bien endommagé.
Cette forme de réparation privilégie une réponse directe au préjudice causé, mais certaines situations rendent la réparation en nature difficile, voire impossible, notamment en cas de disparition du bien de manière irréversible ou lorsqu’il n’existe pas de moyen concret de rétablir la situation initiale.
Par conséquent, lorsque la remise en état matérielle n’est pas envisageable, la réparation s’effectue sous forme d’une indemnisation financière, compensation monétaire qui vient évaluer l’étendue du préjudice afin de couvrir les pertes subies par la victime.
Ici, plusieurs éléments sont pris en considération pour fixer cette indemnité, et plus particulièrement : la gravité du dommage et les conséquences pour la victime (notamment les impacts sur sa vie personnelle, professionnelle ou familiale).
La réparation par équivalent repose sur le principe d’intégralité : l’indemnité accordée doit permettre de compenser pleinement le préjudice, sans procurer d’enrichissement ni causer d’appauvrissement injustifié à la victime.
Quelle que soit la forme de réparation, afin de déterminer le montant de l’indemnisation, des évaluations précises sont effectuées, souvent dans le cadre d’une procédure judiciaire. Si la responsabilité délictuelle est engagée du fait de dommages corporels, des rapports d’experts permettent d’apprécier les souffrances endurées, les incapacités permanentes ou temporaires, ainsi que les pertes économiques liées au préjudice.
Exonérations et prescription
Certaines circonstances, strictement encadrées par la loi, permettent à l’auteur de ne pas voir sa responsabilité délictuelle engagée.
Il s’agit plus particulièrement :
- De la force majeure : un événement exceptionnel qui présente trois caractéristiques essentielles : il doit être imprévisible, irrésistible et extérieur ;
- De la faute de la victime : lorsque la victime a contribué, par son propre comportement, à la survenance ou à l’aggravation de son dommage, cette faute personnelle peut exonérer totalement ou partiellement l’auteur du dommage, par exemple : le cas d’une personne qui traverse la route, hors passage piéton ou lorsque le feu piéton est rouge ;
- Du fait d’un tiers : si le dommage résulte exclusivement de l’acte ou de la faute d’un tiers, l’auteur initialement visé peut être totalement exonéré de sa responsabilité.
Par ailleurs, les actions en responsabilité délictuelle sont soumises à un délai de prescription fixé à cinq ans, et celui-ci commence à courir à partir du moment où la victime découvre le dommage, mais des exceptions existent, notamment en matière de dommages corporels, où des délais spécifiques plus longs peuvent s’appliquer.
Références :
- Articles 1240 et suivants du Code civil ;
- « Droit des obligations » - Nathalie BLANC, Mathias LATINA, Denis MAZEAUD – LGDG, 2021.