Les res nullius et leur définition en droit des biens
§ Rappels liminaires
Pour comprendre l’essence des res nullius, il convient de mettre en lumière cette notion avec celle des res communis, et des res propria pour en affiner la définition, et ne pas commettre de confusion.
En effet, les choses communes sont constituées de tous les biens comme la mer, l’espace, l’air, etc. qui par nature ne sont pas appropriables par l’homme puisqu’ils appartiennent à tous (article 714 du Code civil), tandis que les res propria sont les biens possédés par un propriétaire, désigné notamment en vertu d’un droit et titre de propriété.
Dans le langage usuel, les res nullius sont les biens mobiliers qui ne sont pas encore appropriés, mais qui pourraient l’être par occupation. Bien que proches des res derelictae, également des choses mobilières sans maître et résultant d’un abandon volontaire de leur ancien propriétaire sans intention pour ce dernier de continuer de se comporter comme maître (perte du corpus et de l’animus), et dont l’acquisition de la propriété se fait par occupation de celui qui les recueille, elles ne doivent pourtant pas être confondues avec.
Étant précisé que la situation particulière propre aux trésors obéît à un régime juridique spécifique (article 716 du Code civil).
§ La définition du Code général de la propriété des personnes publique
Bien qu’elle soit implicite, la définition des res nullius est donnée par l’article L1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, qui définit les choses sans maître comme toutes celles exclues du champ d’application de l’article L1122-1 du même Code. La disposition distingue alors trois catégories de choses sans maître :
- Les biens d’une succession ouverte depuis plus de 30 ans, sans qu’aucun successible ne se soit présenté dans ce laps de temps ;
- Les immeubles dont « aucun propriétaire n’est connu, pour lesquels la taxe foncière sur les propriétés bâties n'a pas été acquittée depuis plus de 3 ans (ou a été acquittée par un tiers) » ;
- Les immeubles « dont aucun propriétaire n’est connu, qui ne sont pas assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, et pour lesquels depuis plus de trois ans la taxe foncière n’a pas été acquittée (ou a été acquittée par un tiers) ».
Outre les ouvrages mentionnés à l’article L 1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques relative aux biens immobiliers vacants dont les propriétaires sont inconnus, les res nullius peuvent également être pris en la forme des animaux sauvages (gibiers, poissons, coquillages, etc.) dès lors qu’ils sont à l’état sauvage.
Cette précision fait donc échec aux situations où ces animaux ont fui leurs propriétés, ou encore celle des essaims d’abeilles, qui appartiennent au propriétaire du terrain sur lequel se situe le nid (article L211-9 du Code rural et de la pêche maritime).
L’acquisition de la propriété des res nullius
L’acquisition de la propriété des res nullius s’effectue par l’occupation, plus particulière celle de la puissance publique.
§ Les res nullius sauvages
Lorsque les res nullius sont des animaux sauvages, la personne qui les capture en devient immédiatement propriétaire (article 712 du Code civil).
§ Les immeubles vacants
Pour la situation des immeubles vacants, la situation est régie par l’article 713 du Code civil qui dispose que « les biens qui n’ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés ». Si la commune renonce à exercer son droit de propriété sur le bien, elle peut par délibération du conseil municipal en donner la propriété à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre.
L’article L1123-3 du Code de la propriété des personnes publiques régit la situation concernant un immeuble dont « aucun propriétaire n’est connu, pour lequel la taxe foncière sur les propriétés bâties n'a pas été acquittée depuis plus de 3 ans (ou a été acquittée par un tiers) », un arrêté est alors publié puis affiché (par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre) constatant que cet immeuble rempli les conditions posées par l’article L1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. Si l’immeuble est habité, les occupants reçoivent une notification de cet arrêté, tout comme la tierce personne qui se serait acquittée des impôts fonciers. Six mois après, si aucun propriétaire ne s’est fait connaître, « la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent décider d’incorporer l’immeuble dans leurs domaines », sinon à défaut d’une telle initiative, l’immeuble devient propriété de l’État.
L’article L1123-4 du Code général de la propriété des personnes publiques régit quant à lui la situation de l’immeuble « dont aucun propriétaire n’est connu, qui n’est pas assujetti à la taxe foncière sur les propriétés bâties, et pour lequel depuis plus de trois ans la taxe foncière n’a pas été acquittée (ou a été acquittée par un tiers) », un signalement est alors effectué chaque 1er mars par les centres d’impôts fonciers.
Avant le premier juin de cette même année, les services départementaux de l’État publient et affichent une liste des immeubles concernés par cette situation juridique, et adressent si possible, une notification aux derniers domiciles et résidences du dernier propriétaire connu. S’il n’y a pas de manifestation d’un quelconque propriétaire, la commune peut incorporer le bien dans son domaine communal, sinon et passé un délai de 6 mois après la notification, l'immeuble est considéré comme propriété de l’État.
Ici, une particularité existe pour les biens situés dans l’une des zones définies à l’article L 322-1 du Code de l’environnement, « ils peuvent être possédés par le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres sinon le conservatoire régional d’espaces naturels », à condition que ces deux organismes en fassent la demande.
§ Les successions sans héritiers
Concernant les biens d’une succession ouverte depuis plus de 30 ans sans que ce soit manifesté un héritier, les biens de cette succession sont automatiquement transférés à l’État, compte tenu des dispositions de l’article 539 du Code civil.