Georges Vedel a par ailleurs considéré, après la révision du 23 juillet 2008, que cette introduction de la procédure de contrôle a posteriori n'est "ni gadget ni révolution". Cette réforme, qui a pris la dénomination de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) était cependant nécessaire et conséquente mais elle n'était "ni gadget" ; cette réforme étant limitée, Georges Vedel avait considéré qu'elle n'était pas non plus une "révolution".


La QPC : ni gadget...

Cette réforme de la QPC a été nécessaire ; le projet de loi constitutionnelle, qui est intervenue pour sa part le 23 juillet 2008, s'était appuyé sur la proposition n°77 du Comité Balladur qui arguait en faveur d'un rééquilibrage des pouvoirs au bénéfice du Parlement mais surtout qui permettait à tout justiciable de pouvoir être au coeur du système politique en leur ouvrant la possibilité de contrôler ou du moins de faire contrôler la constitutionnalité des lois qui sont pourtant entrées en vigueur et qui sont par conséquent déjà appliquées. Il n'a toutefois pas été question de permettre une saisine directe du Conseil constitutionnel pour que celui-ci, qui est d'ailleurs seul compétent en la matière, puisse procéder à ce contrôler. Il est apparu alors nécessaire de restreindre sa saisine afin que le recours nouvellement admis ne soit utilisé à tord et à travers par les citoyens ; cela passe nécessairement par le mécanisme du filtrage qui permet en quelque sorte de verrouiller la procédure.

En ce sens, les juges du fond vont connaitre de la question prioritaire de constitutionnalité et vont la transmettre à la juridiction suprême dont ils dépendent, et ces dernières, éventuellement, transféreront la question au Conseil constitutionnel. En fait cette QPC, inscrite au sein des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution, telle qu'elle ressort donc de ces mêmes dispositions de nature constitutionnelle ont pu faire penser au départ à une véritable question préjudicielle de constitutionnalité ; or une loi organique est intervenue et a fait que la QPC dispose d'un statut somme toute particulier, et véritablement sui generis, unique en son genre, notamment du fait que la formulation de cette question n'est pas effectuée par les juges eux-mêmes mais bien par les parties au procès.

Finalement, les articles 61-1 et 62 de la Constitution ont abouti à ce que soit reconnu un changement particulier dans le déroulement des procès, principalement par le fait d'avoir modifié toute la structure juridictionnelle en permettant l'attribution d'une nouvelle fonction aux juridictions suprêmes qui sont habilitées à procéder au filtrage de la question et qui, in fine, les obligent à apprécier la teneur des moyens d'inconstitutionnalité soulevés par les parties au procès.


La QPC : ... ni révolution

La QPC n'est pas réellement une révolution aussi bien au fond que par rapport à la forme. En effet, relativement aux moyens d'inconstitutionnalité pouvant être invoqués, concernant les dispositions législatives, la vision à ce sujet est élargie, et, le pouvoir constituant a limité ces moyens aux seules atteintes aux droits et aux libertés que la Constitution garantit, et protège. Toutefois a priori, ici, il ne s'agira donc pas de nombreuses dispositions contenues au sein du bloc de constitutionnalité, qui pour rappel est de valeur constitutionnelle. Or le pouvoir constituant a décidé de procéder au choix suivant : il a dit que les moyens d'inconstitutionnalité ne concernaient que les droits et les libertés que la Constitution garantit et non que la Constitution reconnait. De fait le champ d'application apparait plus étendu encore que les simples droits et libertés constitutionnellement protégés.

Toutefois le Conseil constitutionnel est intervenu à l'effet de limiter le recours notamment à des moyens tirés de l'incompétence négative ou bien d'un objectif de valeur constitutionnel. A titre d'exemple, par principe les objectifs de valeur constitutionnelle (OVC) ne sont pas invocables à l'occasion de la procédure de contrôle de constitutionnalité a posteriori sauf concernant l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Or dans le cadre de cette exception, il est obligatoire pour le requérant de prouver que la violation de ce même OVC par une disposition législative a porté atteinte, de manière indirecte, à un droit ou à une liberté pourtant garanti par la Constitution.

Finalement, quant à la forme, la QPC ne constitue pas non plus une révolution puisqu'il existe ce mécanisme du double filtrage et puis, le Conseil constitutionnel demeure le seul compétent en matière de contrôle de constitutionnalité des dispositions législatives. En vérité ce choix d'un filtrage est justifié par le fait qu'il est nécessaire de restreindre les possibilités de saisine du Conseil constitutionnel qui pourrait, dans le cas contraire si aucun filtre n'était prévu, être encombré par de trop nombreuses questions. Cela, ici, est d'ailleurs tout à fait révélateur d'une volonté de statu quo relativement au Conseil constitutionnel et sa structure ; le pouvoir constituant a en effet fait le choix de ne pas modifier la structure de cette juridiction. Enfin, seul le Conseil constitutionnel demeure compétent dans le cadre de ces questions et est seul compétent pour connaitre de la constitutionnalité de la loi et la déclarer, éventuellement, contraire à la norme suprême. Cela exclut donc toute compétence des juges du filtrage à l'égard de la constitutionnalité des lois même si ces derniers s'intéressent outre au caractère nouveau de la QPC mais aussi à son caractère sérieux.