Dans une décision toute récente, la Cour de cassation a rappelé un célèbre adage selon lequel « Les décisions de la juridiction pénale ont au civil autorité de chose jugée », où ici le juge civil saisit « reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé ».
Mais outre cette spécificité relative aux interactions entre juridictions civiles et pénales, de manière générale, l’autorité de la chose jugée représente le principe juridique selon lequel dès qu’un jugement est rendu, toute demande qui porterait sur une cause et un objet identique, et qui concernerait les mêmes parties, ne pourrait faire l’objet d’un nouveau jugement, si ce n’est celui issu des voies de recours autorisées contre la première décision.
Dans la pratique, l’autorité de la chose jugée ne doit cependant pas être confondue avec la notion voisine de « force jugée », qui a vocation à désigner une décision dont l’ensemble des voies de recours ont été épuisées, de sorte que le jugement devient alors irrévocable.
La distinction et la compréhension du principe de l’autorité de la chose jugée s’apprécient notamment par sa portée à l’égard des parties au litige, ainsi qu’envers les tiers et le juge.
L’autorité de la chose jugée à l’égard des parties
L’autorité de la chose jugée d’une décision implique trois conséquences concernant les parties qui sont intervenues à l’audience.
D’une part, l’autorité de la chose jugée a pour effet d’octroyer au jugement, une présomption irréfragable quant au fond et à la forme qu’elle revêt, puisque ni le formalisme, ni la validité du jugement qui a acquis autorité de la force jugée, ne peuvent être contestés par l’apport de preuves inverses ou d’arguments nouveaux.
D’autre part, il est reconnu à l’autorité de la chose jugée d’une décision son effet exécutoire, c’est-à-dire que pour la partie envers laquelle le jugement reconnaît une situation juridique ou qui lui confère des droits, celle-ci est fondée à demander à ce que la décision soit exécutée, notamment en ayant recours à son exécution forcée par intervention d’un Commissaire de Justice, sinon de la force publique.
Enfin, le dernier effet de l’autorité de la chose jugée, et non l’un des moindres est qu’elle rend impossible le fait pour les parties de soumettre à nouveau au juge une demande « fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité », de sorte qu’en ces termes, la décision ne peut être remise en cause.
Sur ce dernier point, il est régulièrement question d’une triple identité de l’autorité de la chose jugée, puisque toute demande qui tend à porter sur le même objet, la même cause et est formulée par les mêmes parties prises en la même qualité, serait susceptible d’être annulée, voire immédiatement rejetée.
Par souci de précision, l’identité d’objet correspond au résultat recherché par l’action, tandis que celle de cause concerne tous faits matériels identiques à ceux dont la décision a acquis autorité de la chose jugée, mais également sur toute demande de reconnaissance de droits directement rattachés à cette cause. En somme cette identité de cause et d’objet est entendue comme toute demande appuyée sur les mêmes fondements juridiques. À ce titre, les parties sont par ailleurs invitées, compte tenu du principe de la concentration des moyens, à présenter l’ensemble des moyens qui fondent leur action, dès la première instance .
Enfin, concernant l’identité des parties, il s’agit de manière évidente, de celles représentées dans la décision ayant acquis autorité de la chose jugée, mais également leur ayant-droits, et dont la qualité lors de la deuxième action est similaire à celle de la première.
Pour illustrer ce dernier point, il reste par conséquent possible pour une partie ayant préalablement agi conjointement avec une autre pour une même demande formulée contre un assureur, d’intenter une action contre ce même assureur, cette fois-ci à titre personnel .
L’autorité de la chose jugée à l’égard des tiers et du juge
Il est dit de l’autorité de la force jugée qu’elle n’a qu’un effet relatif à l’égard des tiers, alors que celui-ci est absolu pour les parties directement concernées par l’instance et son issue.
Toutefois, toute décision de justice, en ce qu’elle leur est opposable, est de nature à avoir des conséquences à l’égard des tiers, en les obligeant à respecter cette décision, notamment lorsqu’il s’agit d’actes administratifs annulés. L’annulation d’une décision qui comporte par exemple des conséquences sur les mentions apportées à un acte civil, comme l’annulation d’un mariage, s’impose aux tiers lorsqu’ils utilisent ces mêmes mentions.
Quant au juge confronté à l’autorité de la force jugée, dans une conception civiliste, celle-ci peut être soulevée comme moyen par une partie au litige et est alors frappée d’une fin de non-recevoir , là où au pénal, en vertu de l’adage « non bis in idem », le juge est tenu de soulever d’office cette irrecevabilité.
À l’exception que le juge civil doit également, relever d’office les fins de non-recevoir pour motif d’autorité de la force jugée, dès lors qu’elles revêtent un caractère d’ordre public « notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours ».
Comme la justice n’est pas sans failles, les règles procédurales qui régissent le système juridique français, rendent possible le réexamen de toute demande, tant que l’ensemble des voies d’action n’ont pas été épuisées et qu’une décision n’a pas acquis force jugée.
Pour autant, par souci de sécurité juridique, il est logique qu’une même affaire ne puisse faire l’objet de recours incessants dès lors qu’elle concerne les mêmes personnes et des demandes identiques, dont les effets recherchés sont également analogues. C’est donc à cet objectif que répond le principe d’autorité de la chose jugée.