Eléments introductifs
Il faut débuter notre développement par le constat suivant : il n’existe pas de définition légale du contrat de travail. C’est donc un travail prétorien qui a permis l’établissement des critères de ce contrat.
Par un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation, le 22 juillet 1954, il a été prévu que le contrat de travail comprend trois critères, à savoir : la prestation de travail ; la rémunération ; enfin, le lien de subordination entre le salarié et son employeur. C’est donc la rencontre de ces trois critères cumulatifs qui permet de démontrer l’existence (ou non) d’un contrat de travail et donc de le qualifier en effet.
Qu’est-ce que la prestation de travail ?
Ce critère de la prestation de travail, que l’on appelle également la fourniture d’une activité, est essentiel pour la qualification du contrat de travail. Elle renvoie à la réalité suivante : un individu réalise une prestation de travail, à titre purement personnel, pour autrui, aux risques et profits de ce dernier. Il y a alors une finalité dite économique de cette prestation (cf. Cass. soc., 25/06/2013, n° 12-17.660).
Quid de la rémunération ?
La rémunération constitue le second critère de qualification d’un contrat de travail. Il ne saurait exister de contrat de travail sans l’existence même de ce critère. Dans le cas contraire, s’il n’existe aucune rémunération, alors il pourra s’agir d’un travail certes, mais d’un travail bénévole.
Il est utile de bien garder à l’esprit qu’au gré des jurisprudences, il fut admis par les juridictions compétentes que cette rémunération puisse revêtir la nature d’avantages en nature. Il y a donc une conception véritablement extensive de cette notion de rémunération : elle peut être à la fois versée au bénéfice du salarié en espèces ou bien en nature (cf. Cass. soc., 07/04/1994, n° 89-45.796 ; Cass. soc., 29/01/2002, n° 99-42.697).
Enfin, qu’en est-il du lien de subordination ?
Si les deux premiers critères précités sont nécessaires pour la qualification du contrat de travail, le critère tenant au lien de subordination est en vérité le plus important, primordial. Pourquoi ? Parce que les deux premiers critères peuvent être retrouvés dans d’autres catégories de contrat, le lien de subordination non. C’est l’existence de ce critère qui permet de valider ou non la qualification d’une relation contractuelle directement en un contrat de travail.
Mais qu’est-ce que le lien de subordination ? A nouveau il est revenu à la jurisprudence de préciser le sens et la portée de cette notion, de ce critère. C’est le très célèbre arrêt de principe de la Chambre sociale de la Cour de cassation, rendu le 13 novembre 1996, dit Société Générale (n° 94-13.187), qui évoque le triple pouvoir cumulatif détenu par l’employeur, à savoir : un pouvoir de donner des ordres ; de contrôle ; enfin, de sanction.
Cependant, la mise en lumière de ce lien de subordination revient au juge qui utilisera le système du faisceau d’indices. Par conséquent, cette reconnaissance s’effectuer au cas par cas, en fonction des faits qui lui sont présentés. Le juge a donc été en mesure de requalifier des situations juridiques en contrat de travail (cf. par exemples, les jeux de téléréalité : Cass. soc., 03/06/2009, Ile de la Tentation, n° 08-40.981, ou encore, les prestations de travail au profit des plateformes : Cass. soc., 04/03/2020, Uber, n° 19.13.316).
- Cour de cassation, Chambre sociale, 4 mars 2020, n° 19-13.316 et 13 avril 2022, n° 20-14.870 - Le contrat conclu entre un chauffeur VTC et une plateforme numérique de mise en relation avec une clientèle nécessite-t-il d'être requalifié en contrat de travail ?
- Cour de cassation, chambre sociale, 8 mars 2000, n° 98-14222 ; 29 janvier 2002, n° 99-42697 ; 3 juin 2009, n° 08-40.981 à 08-40.983 / 08-41.712 à 08-41.714 ; 20 janvier 2010, n°08-42207 ; 25 juin 2013, n°12-13.968 ; 4 mars 2020, n° 19-13.316 - Le travail salarié
Pourquoi requalifier un contrat de travail ?
Cette requalification d’une situation juridique qui revêt la forme d’une relation professionnelle en un contrat de travail est importante pour le salarié dans la mesure où celui-ci pourra bénéficier personnellement d’un ensemble de droits qui découlent de son statut (par exemple en matière de durée du travail). Néanmoins, cette requalification en contrat de travail est moins avantageuse pour l’employeur concerné dans la mesure où celui-ci sera le débiteur d’un ensemble d’obligations qu’il devra nécessairement remplir (par exemple concernant les charges afférentes). Dit autrement, le salarié bénéficie non seulement des règles du droit du travail mais aussi du droit de la sécurité sociale.
Enfin, comment procéder à cette requalification ?
Il convient de retenir, tout d’abord, qu’une relation professionnelle soit requalifiée en contrat de travail, sans prendre en considération la rédaction d’un quelconque contrat - le contrat de travail n’ayant pas à être écrit. Si le contrat est écrit, le juge est en mesure de passer outre puisqu’il n’est juridiquement pas tenu de s’attacher à la qualification choisie par les parties en cause. Cependant, il conviendra comme précisé dans nos développements précédents qu’il y ait la nécessaire rencontre des trois critères cumulatifs. En fait il faut garder à l’esprit que ce qui compte, dans le cadre de cette requalification et donc dans la preuve de l’existence d’une relation de travail dite salarié, ce sont « les conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité [du salarié] » et non une quelconque volonté des parties, et encore moins la dénomination effectivement donnée à la convention qui les lie (cf. Cass. Ass, Pl., 04/03/1983, n° 81-11.647, 81-15.290). Qu’il y ait un écrit, qu’il n’y en ait pas, que les parties aient ou non une quelconque volonté n’importent pas dans la requalification de la situation juridique en contrat de travail. : c’est ainsi exclusivement la réunion des trois critères susmentionnés qui importe.