I. Les catégories de normes soumises au contrôle de constitutionnalité : la nouvelle création de la QPC en 2008
Il y a trois catégories de normes soumises à un contrôle de constitutionnalité. Tout d’abord, les lois avec l’article 61 de la Constitution qui correspond au contrôle qui est réalisé sur initiative des autorités politiques et l’article 61-1 qui a créé en 2008 la QPC. Les lois ou projets de loi peuvent être déférés au Conseil constitutionnel d’autres manières, en particulier dans le cas des irrecevabilités (des articles 40 et 41) et dans le cadre des procédures de déclassement (article 37 alinéa 2). Il y a ensuite les Traités, en application de l’article 54, le contrôle préventif qui aboutit à faire constater par le Conseil constitutionnel qu’il existe ou non des dispositions du traité contraires à la Constitution, sachant que la ratification d’un traité inconstitutionnel suppose au préalable la révision de la Constitution. La QPC est donc une disposition spéciale parmi ces contrôles possibles. Il faut bien comprendre qu’il existe deux types de contrôle, avec le contrôle classique sur saisine des autorités politiques et le contrôle nouveau, la QPC. Le contrôle sur saisine des autorités politiques, il s’agit d’un contrôle a priori (avant l’entrée en vigueur), ce contrôle est réalisé entre le vote définitif de la loi et la promulgation par le Président de la République. Cela pose une difficulté juridique, d’après la Constitution, le Président dispose d’un délai de 15 jours pour procéder à la promulgation. La saisine du Conseil constitutionnel n’est pas liée à l’expiration du délai de promulgation, mais à la promulgation effective de la loi qui peut intervenir très rapidement après le vote définitif. Ce contrôle a priori est donc abstrait, c’est la conformité générale de la loi qui est confrontée à la Constitution. C’est un contrôle concentré puisque c’est le Conseil constitutionnel qui est seul habilité à prononcer ou examiner la constitutionnalité d’une loi.
II. La QPC comme nouveau contrôle a posteriori
Il s’agit d’un contrôle a posteriori, c’est un contrôle qui se présente comme abstrait, c’est là encore la conformité de la loi qui est examinée par rapport à la Constitution. Malgré tout, il existe un élément de concrétude, la position du Conseil constitutionnel n’est pas du tout la même dans le cadre d’une QPC que dans le cadre d’un contrôle a priori, car dans le cadre d’une QPC, le juge constitutionnel ne contrôle pas une loi qui n’a jamais connu d’application, le Conseil contrôle une loi qui a été interprétée par la jurisprudence. Pour le Conseil constitutionnel, la loi doit être évaluée au regard de la Constitution telle qu’elle est interprétée/appliquée par les juridictions. Ce qui est contrôlé par le Conseil est en réalité la jurisprudence qui donne une signification à la loi déférée. Il faut rappeler que seul le Conseil constitutionnel dans le système QPC peut déclarer une loi contraire à la Constitution.
III. Le filtrage par les plus hautes juridictions françaises
La Cour de cassation et le Conseil d’État doivent exercer un filtrage des questions prioritaires. Cela signifie que les hautes juridictions administratives et judiciaires vont regarder si la question est nouvelle et sérieuse, si la Cour de cassation juge que la question n’est pas sérieuse, elle déclare la loi conforme à la Constitution. Malgré tout, le pouvoir de filtrage octroyé à la Cour de cassation et au Conseil d’État aboutit à déconcentrer les prérogatives du contrôle de constitutionnalité des lois. Lors de l’entrée en vigueur de la QPC, une grande question s’est posée : savoir quelle serait l’attitude de hautes juridictions concernées par le filtrage. Le contrôle du caractère sérieux sera un contrôle léger ou au contraire le contrôle sera très poussé, ce qui conduit au risque que le Conseil constitutionnel se voit privé de statuer sur des lois qu’il aurait pu déclarer non conformes. On peut noter une différence entre le Conseil d’État et la Cour de cassation : le Conseil d’État semble se contenter d’un contrôle léger, il renvoie relativement facilement. Alors que la Cour de cassation et notamment dans les premiers mois a plutôt réalisé un contrôle sévère qui a provoqué la colère du Conseil constitutionnel. C’est un contrôle sur saisine, la question est posée non pas par un citoyen, mais par un justiciable.
IV. Effets du contrôle dans le cadre d’une loi d’une QPC
Dans le cadre d’une QPC, le débat constitutionnel est marqué par une double spécificité. La loi est en vigueur donc se pose la question du sort de la loi. De plus, une QPC a en réalité un double enjeu, tout d’abord, la QPC a un enjeu individuel lié à une instance particulière devant une juridiction, ce qui est en jeu c’est l’issue précise d’un procès. La QPC pour résoudre ce litige aboutit à l’affirmation qu’une norme est ou non conforme à la Constitution, on a donc un enjeu qui ne concerne plus seulement le justiciable, mais un enjeu global : le sort de la loi en tant que tel. Cette question des effets de la QPC est complexe, elle n’a pas été résolue de manière satisfaisante jusqu’alors. Dans certains cas, le justiciable gagne sur la question, mais perd en quelque sorte puisque la solution qui va être dégagée ne lui est pas personnellement appliquée. Il y a un effet à l’égard du justiciable, lorsqu’une loi est déclarée contraire, la loi est inopposable au justiciable. Il y a un effet général puisque lorsqu’une loi est déclarée contraire, elle est considérée comme abrogée à compter de la publication de la décision QPC (non-rétroactivité). Dans certains cas et pour des motifs d’intérêts généraux, le Conseil constitutionnel peut différer dans le temps l’effet d’une QPC (une annulation).
Sources :
- Droit constitutionnel et institutions politiques, Mémentos
- Hypercours, droit constitutionnel, 13e édition - Droit constitutionnel contemporain, Dalloz
- Droit constitutionnel et institutions politiques, Larcier