Propos préliminaire : qu’est-ce qu’une promesse ? 

Dans une célèbre décision rendue le 15 décembre 1993, (cf. Cass. 3e., Consorts Cruz, 15/12/1993, n° 91-10.199), il avait été décidé que le débiteur d’une promesse unilatérale de vente était en mesure de se rétracter avant que l’option ne soit levée par le bénéficiaire. 



La promesse unilatérale de vente constitue un avant-contrat par lequel un contractant (le promettant) s’engage envers un autre contractant (le bénéficiaire) à conclure un acte définitif de vente si le bénéficiaire désire contracter. Il manque donc le consentement du bénéficiaire pour le contrat définitif soit conclu. Le bénéficiaire dispose d’ailleurs d’un choix lors de la période de l’option susmentionné : soit il refuse de contracter et alors le contrat ne peut être formé ; soit il accepte, et dans ce cas, la date de la levée d’option correspond à la formation du contrat de vente concerné. 

Toutefois la pratique a permis de démontrer qu’une troisième hypothèse existe et non des moindres puisque s’est posée la question de savoir quelle est le sens et la portée d’une rétractation par le promettant alors que le bénéficiaire n’a pas encore levé l’option ? Avant la décision du 23 juin 2021, il était considéré par les tribunaux que la rétractation de cette promesse permettait uniquement l’octroi de dommages et intérêts au bénéficiaire. Or depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, qui modifia le droit des contrats, les nouvelles dispositions de l’article 1124, al. 2, du Code civil permettent l’exécution forcée de la promesse en question lorsqu’elles sont conclues après le 1er octobre de cette même année. L’on comprend que des décisions différentes étaient apportés à des faits d’espèce similaires, compte tenu de la date de conclusion de la promesse concernée. La décision de juin 2021 permit alors une harmonisation du régime de la promesse unilatérale de vente si une rétractation intervenait avant que l’option ne soit levée. 

Une exécution forcée des promesses unilatérales ?

La Cour de cassation refusa pendant longtemps toute exécution forcée si le promettant se rétractait avant que l’option ne soit finalement levée. D’abord, celle-ci considéra dans sa décision du 15 décembre 1993 susmentionnée et dans sa décision du 28 octobre 2003 (cf. n° 02-14.459) que l’obligation du promettant « ne constituait qu’une obligation de faire », ouvrant droit pour le bénéficiaire à l’allocation de dommages et intérêts. C’est en fait la nature de l’obligation en question qui justifiait un tel versement, et non l’exécution forcée, en application des anciennes dispositions de l’article 1142 du Code civil. Cependant, par la suite, la Cour pondéra cette règle par l’arrêt du 27 mars 2008 (cf. n° 07-11.721), lorsque les parties avaient décidé, par eux-mêmes et par la voie contractuelle, que le défaut d’exécution de sa promesse par le promettant pouvait se résoudre par la constatation judiciaire de la vente. 

La Cour de cassation changea de nouveau de fondement pour baser ses décisions sur les anciens articles 1101, 1134 et 1583 du Code civil. Sur la base juridique du consentement, il était admis par la Cour que si le promettant se rétracte avant que l’option ne soit levée par le bénéficiaire, alors aucun échange de consentement n’ayant été réalisé, la formation du contrat de vente ne pouvait être valablement considérée et la réalisation forcée de la vente ordonnée (cf. par exemple, Cass. 3e., 11/05/2011, n° 10-12.875 ou Cass. com., 13/09/2011, n° 10-19.526) même si la clause d’exécution forcée en nature restait possible pour les parties. 


Les changements opérés par l’ordonnance de 2016

L’ordonnance de 2016 s’est positionnée en contradiction avec les précédentes jurisprudences en la matière et en érigeant donc l’exécution forcée dudit contrat promis. En d’autres termes, la formation de ce contrat n’est aucunement empêchée par « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter » ou non. Ainsi, pour le cas où l’option est révoquée par le promettant avant que le bénéficiaire ne lève l’option, ce dernier peut tout de même demander l’exécution forcée du contrat.

Cependant, cette réforme n’intéresse que les promesses conclues après son entrée en vigueur : les anciennes règles prétoriennes continuent donc de régir les situations conclues auparavant. Or des solutions différentes peuvent être rendues pour des cas d’espèce similaires, d’où l’intervention de la Chambre sociale de la Cour de cassation le 21 septembre 2017 (n° 16-20.103 et n° 16-20.104). 

Un revirement de jurisprudence progressif

Les bases d’un revirement de jurisprudence débutèrent par deux arrêts rendus le 21 septembre 2017 susmentionnés lorsque la Cour interpréta les règles de la nouvelle réforme entrée en vigueur. 
Par sa décision du 23 juin 2021, la troisième chambre civile décida pour sa part que le promettant ne peut valablement pas se défaire de sa promesse avant que l’option ne soit levée par le bénéficiaire : l’exécution forcée de la vente est donc actée par les juges. La Cour de cassation a retenu que l’obligation de vendre est actée « dès la conclusion de l’avant-contrat [de la promesse], sans possibilité de rétractation » sauf à imaginer une stipulation contraire des parties. 

Si l’exécution forcée est bien de droit, la Cour précise qu’il n’en reste pas moins que les parties puissent aménager par une clause explicite à ce sujet les conséquences juridiques de la rétractation de la promesse par le promettant (exécution forcée ou bien allocation de dommages et intérêts au profit du bénéficiaire). Ces nouvelles règles sont importantes et leur portée encore plus dans la mesure où il existe alors un régime juridique homogénéisé et applicables à l’ensemble des promesses qui datent d’avant 2016, et celles conclues postérieurement à cette date.