Cet article prévoit une procédure exceptionnelle de destitution concernant le Président de la République "en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat", conformément aux dispositions de son alinéa premier ; cet alinéa poursuit en disposant que cette destitution est "prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour". Cette nouvelle notion de "manquements" remplace l'ancienne notion de "haute trahison".


En quoi consiste cette nouvelle procédure exceptionnelle ?

Si la destitution du Chef de l'Etat est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour, il faut noter que cette Haute Cour remplace la Haute cour de justice. Cette dernière, pour le cas où la procédure est mise en mouvement, est réunie sur proposition des deux chambres composant le Parlement et sera présidée par le Président de l'Assemblée nationale. Plus précisément encore, il est prévu par le second alinéa de cet article 68 de la Constitution que la proposition de réunion de cette Haute Cour est adoptée par l'une des deux assemblées avant que celle-ci ne soit transmise à l'autre chambre qui doit se prononcer dans un délai de quinze jours.

A cet égard, la loi organique du 24 novembre 2014 est intervenue, notamment, à l'effet de préciser les conditions entourant la réunion de cette Haute Cour : la proposition de résolution doit être motivée ; elle doit être signée par un dixième des députés ou bien des sénateurs et ne pouvant être adoptée qu'à la majorité des deux tiers des membres de chacune de ces deux assemblées.

Il est également prévu par son troisième alinéa que cette Haute Cour statuera sur cette destitution dans un délai déterminé d'un mois et ce, "à bulletins secrets". Pour le cas où la destitution serait décidée, "à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour", celle-ci est immédiatement applicable. Toutefois une limite fut instaurée, à savoir que toutes les délégations de vote sont proscrites, et, selon les termes de l'alinéa 4 de cet article, seuls seront recensés et pris en compte "les votes favorables" soit à la proposition de réunion de la Haute Cour, soit à la destitution elle-même.


Une procédure semblable à celle de l'impeachment américain ?

S'il est vrai que cette procédure exceptionnelle de destitution peut s'apparenter à la procédure américaine de l'impeachment, il faut cependant noter ici que cette procédure n'est pas pénale ni politique ; elle constituerait simplement un mécanisme exceptionnel. En effet, ici, la Haute Cour ne jugera pas le Président de la République pénalement mais pourra le soumettre au juge pénal de droit commun et ce, parce qu'il aura été préalablement destitué, et donc, après avoir mis fin prématurément à son mandat.

Malgré une certaine indétermination quant à la notion même de "manquement" ainsi que de son appréciation, il n'en demeure pas moins que le Parlement français dispose dorénavant d'une arme importante en ce qu'il est en mesure de destituer le Président de la République. Toutefois elle peut apparaitre relativement impossible, du moins très peu probable, à mettre en oeuvre notamment du fait majoritaire dès lors que la majorité présidentielle et la majorité parlementaire sont issues du même bord politique.


Quelques précisions supplémentaires

Quelques précisions supplémentaires semblent opportunes ici notamment au regard de la révision constitutionnelle intervenue en 2007. Ainsi, l'immunité présidentielle concernant l'ensemble des accomplis dans l'exercice de ses fonctions demeure, mais celle-ci peut tomber si la procédure exceptionnelle de destitution est mise en place. De même, l'inviolabilité temporaire concernant les actes détachables de ses fonctions est elle aussi confirmée. Or cette inviolabilité à la fois civile, pénale et administrative n'est que temporaire et cesse à l'issue d'un mois après l'expiration du mandat.