Les pourparlers : de quoi parle-t-on ?

Les pourparlers précontractuels constituent, comme mentionnés en propos introductifs, des échanges de différentes natures qui interviennent entre deux ou plusieurs parties avant que le contrat projeté ne soit finalement conclu. En vertu des dispositions de l'article 1113 du Code civil, le contrat est conclu, on dit qu'il est formé, dès lors que deux volontés au minimum sont rencontrées, soit une offre et une acceptation de contracter. Cette rencontre de volontés, libres et éclairées, revêt la nature d'une manifestation de volonté de s'engager contractuellement pour les deux parties. La période qui précède la conclusion du contrat projeté est irriguée par le principe de la liberté même si ce principe n'est pas absolu. De même, des obligations sont à la charge des parties au cours des pourparlers, notamment les obligations d'information de confidentialité.

Le principe de liberté à l'occasion des pourparlers

Les pourparlers sont irrigués par le principe de liberté qui s'applique aussi bien dans le fait d'entamer les négociations précontractuelles que de les rompre en effet. Cela signifie que les parties ne sont pas contraintes à conclure le contrat projeté entre elles. Toutefois si la liberté est le principe, il n'en demeure pas moins que la rupture des négociations précontractuelles peut engager la responsabilité de son auteur.

Notons effectivement que la liberté dans les pourparlers est restreinte par l'exigence de bonne foi. Le Code civil, en son article 1104, prévoit par ailleurs sous ce rapport que les contrats doivent être négociés de bonne foi. Ce sera la commission d'une faute par son auteur qui pourra entraîner sa responsabilité délictuelle (le contrat n'étant pas formé il ne pourra jamais s'agir de sa responsabilité contractuelle). L'autre partie délaissée pourra obtenir des dommages et intérêts. Cette faute peut revêtir différents aspects : il pourra, entre autres, s'agir d'une rupture brutale et inattendue des négociations. Dès lors, même si le principe est bien la liberté, la responsabilité extracontractuelle de celui qui rompt les négociations pourra être engagée en cas de rupture dite abusive.

Soulignons cependant que la réparation du préjudice subi par l'autre partie ne pourra pas compenser "la perte d'une chance de réaliser les gains" que la conclusion du contrat aurait pu lui laisser espérer (cf. célèbre arrêt Manoukian, Cass. com., 26/11/2003, n°00-10.243 et 00-10.949). Cette décision sera par la suite inscrite dans son principe aux dispositions de l'article 1112, al. 2, du Code civil.

Si les négociations doivent nécessairement être menées de bonne foi, l'obligation d'information est elle aussi primordiale à cette occasion.

L'obligation d'information dans le cadre des négociations

L'article 1112, al. 1er, du Code civil est très clair à cet égard. En effet, lorsque les parties entament la phase de négociations précontractuelles, si l'une d'entre elles détient une information déterminante au regard du consentement de l'autre partie, alors elle doit nécessairement l'en informer.

En quoi consiste, dans la pratique, une telle information ? En réalité, cette réponse est multiple. Tout d'abord, l'estimation de la valeur de prestation en cause ne tombe pas sous le coup de cette information. Autrement dit, chacune des parties doit personnellement se renseigner au regard de la valeur du bien ou la valeur du service, objet du contrat projeté (cf. Cass. civ., 1ère, 03/06/2000, Baldus, n°98-11.381, ou Cass. civ., 3e, 17/01/2007, n°06-10.442).

Ensuite, ce devoir d'information intéresse toutes les informations qui, si elles sont connues par l'autre partie aux négociations, la pousseraient à ne pas conclure le contrat projeté ou à modifier les conditions de son acceptation de l'offre de contracter. Ces règles sont précisées par les dispositions de l'article 1112-1, al. 3, du Code civil.

À la lecture de l'article 1112-1, al. 1er, il faut toutefois immédiatement ajouter que ce devoir d'information trouve à s'appliquer dès lors que l'autre partie aux négociations ignore de manière légitime cette information ou si elle fait effectivement, et de manière légitime, confiance en son cocontractant. Au surplus, il convient d'observer que cette obligation est d'ordre public, et à cet égard le cinquième alinéa de l'article 1112-1 prévoit que les parties en négociation ne sont pas autorisées à limiter ni exclure ce devoir d'information.

Comment finalement apporter la preuve d'un manquement à cette obligation d'information ? Ce sont les dispositions de l'article 1112-1, al. 4, du Code civil qui répondent à cette question. Ainsi, il revient à la personne qui prétend qu'une ou plusieurs informations ne lui ont pas été transmises d'apporter cette preuve. Néanmoins l'autre partie, c'est-à-dire la débitrice de l'obligation en cause, est en mesure de prouver le contraire et donc qu'elle a bien fourni les éléments d'information concernés. L'autre partie débitrice pourra, en pareil cas et donc si elle parvient à prouver le contraire que ce qui est affirmé par le créancier, s'exonérer de sa responsabilité. Diverses sanctions sont possibles dès lors qu'est prouvé un tel manquement à cette obligation. On peut en effet retrouver l'attribution de dommages et intérêts au bénéfice du créancier en mettant en cause la responsabilité délictuelle du débiteur. On pourra également retrouver l'annulation du contrat pour le cas particulier où l'absence d'information en cause a résulté sur un vice du consentement de l'autre partie contractante (il pourra alors s'agir de l'erreur ou bien du dol).

Il nous reste finalement à nous intéresser à l'obligation de confidentialité. À quoi renvoie-t-elle ?

La portée de l'obligation de confidentialité dans le cadre des pourparlers précontractuels

Il arrive fréquemment qu'à l'occasion des négociations précontractuelles les futures parties contractantes disposent d'éléments d'information d'une certaine nature et qui sont finalement considérés comme des éléments confidentiels. Par leur nature et leur caractère particuliers, ces informations doivent être protégées. D'où le principe résultant des dispositions de l'article 1112-2 du Code civil c'est-à-dire que les parties ne doivent pas utiliser ni encore divulguer des informations d'une nature confidentielle sans autorisation explicite de l'autre partie. Si l'une des parties ne respecte pas ce principe, de fait elle engage sa responsabilité à l'égard de l'autre partie au contrat projeté.