I. Le Fondement juridique de la polygamie au Maroc
La tradition étant importante dans les pays du Maghreb, la polygamie n’est pas exemptée du religieux. Elle trouve son fondement dans le Coran, qui autorise un homme à épouser jusqu'à quatre femmes, à condition de pouvoir les traiter équitablement. Le Code de la Famille marocain, promulgué en 1957 et réformé en 2004, reprend cette disposition en son article 12.
a. Un droit équilibré mais cependant encadré
La polygamie au Maroc repose donc sur un équilibre délicat entre la reconnaissance d'une pratique traditionnelle ancrée dans le Coran et la volonté de protéger les droits des femmes à travers un encadrement juridique rigoureux.
Le texte de Françoise Monéger, juriste spécialiste en droit marocain, souligne que la Moudawana bien qu’autorisant la polygamie, a instauré des garde-fous importants pour prévenir les abus et garantir un certain équilibre au sein des foyers polygames.
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L'article 12 du Code, qui autorise la polygamie, est ainsi contrebalancé par des dispositions qui en restreignent l'accès et en conditionnent la validité.
D’une part, l’article 42 où l'homme qui souhaite contracter un second mariage doit obtenir l'aval du juge de la famille, qui s'assure du respect des conditions légales et de l'information de la première épouse.
Ensuite, la capacité financière du mari dans l’art 41, où le législateur exige que l'époux potentiel démontre qu'il dispose des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins de toutes ses épouses et de leurs enfants.
Enfin, l’article 43 insiste sur l’obligation d'information et le consentement de la première épouse.
Le non-respect de ces conditions peut entraîner des conséquences juridiques sérieuses, allant de l'annulation du second mariage (art 43) à des sanctions pénales pour le mari (art 361 du Code pénal Marocain).
Le législateur marocain cherche ainsi à concilier le respect de la tradition avec la protection des droits des femmes, en encadrant strictement la pratique de la polygamie.
b. Les effets de la polygamie sur le statut des épouses
Les épouses dans ce nouveau code de 2004 sont mises sur un pied d’égalité. Le code s'efforce de garantir l'égalité des droits et des devoirs entre les épouses d'une polygamie.
Cette volonté se traduit, en effet, dans plusieurs dispositions :
- L'obligation de logement indépendant (article 53) : chaque épouse a droit à un logement décent et indépendant, reflétant la volonté du législateur de préserver l'intimité et la dignité de chacune.
- La pension alimentaire (article 189) : chaque épouse a droit à une pension alimentaire proportionnelle aux ressources du mari, garantissant ainsi sa subsistance et celle de ses enfants.
- L'égalité dans la succession (articles 270 et suivants) : en cas de décès du mari, chaque épouse hérite d'une part égale dans la succession, conformément aux règles de la dévolution successorale en droit musulman.
Cependant, malgré ces garanties légales, la polygamie peut engendrer des difficultés dans la vie quotidienne des épouses. Le partage du temps et de l'attention du mari, source potentielle de frustrations et de jalousies, est une réalité difficile à concilier avec le principe d'équité.
Enfin, bien que le législateur reconnaisse le droit de chaque épouse à travailler (article 54), la réalité socio-économique peut rendre difficile l'exercice de cette liberté pour certaines femmes, renforçant leur dépendance économique vis-à-vis du mari et créant un déséquilibre au sein du foyer polygame.
c. La polygamie en pratique
Si la polygamie est autorisée au Maroc, elle reste une pratique minoritaire. Selon les statistiques, moins de 1% des mariages sont polygames (en 2022, 0,4%). Cette tendance s'explique par l'évolution des mentalités, l'urbanisation et l'amélioration de la condition féminine depuis quelques années au Maroc avec notamment une parité homme-femme s’installant dans l’administration.
Néanmoins, la polygamie continue de susciter des débats au sein de la société marocaine, en cause la société marocaine est en majorité musulmane avec une forte population rurale et croyante. La tradition prenant bien souvent le pas sur la modernité.
Pour aller plus loin :
• Consultez nos articles sur le droit de la famille et la législation au Maroc
- La réception du nouveau code de la famille marocain par le droit international privé français.
- La nouvelle Constitution marocaine
- Commander une analyse plus approfondie auprès de nos rédacteurs sur MyStudies.com
- Lisez les différentes rédactions en droit marocain sur Pimido.com.
II. Aide à la dissertation juridique et au commentaire d'arrêts
La polygamie est un sujet propice aux dissertations juridiques et aux commentaires d'arrêt. Voici quelques pistes de réflexion et des références jurisprudentielles pour vous aider dans vos travaux :
Dissertation juridique :
- Sujet : "La polygamie au Maroc : entre tradition et modernité"
- Plan possible :
- I. La polygamie : une pratique ancrée dans la tradition marocaine
- II. Les évolutions socio-économiques et juridiques remettent en question la polygamie
- III. Vers un encadrement plus strict de la polygamie ou son abolition ?
Commentaires d’arrêt :
- Différentes cours de cassation ont jugé des cas de polygamie. L’arrêt du 23 octobre 2013 de la Chambre civile française ainsi que l’arrêt du 03 décembre 2007 de la Cour de Cassation en Belgique en sont deux exemples de la juxtaposition du droit international avec le droit marocain.
- Cour de cassation, Chambre civile 2, 2 mai 2007, n° 06-11418 - Dans quelle mesure une union polygamique contractée à l'étranger peut-elle permettre à la seconde épouse survivante de se prévaloir des effets patrimoniaux de son mariage en France ?