En quoi consiste la peine de réclusion criminelle à perpétuité incompressible ?

Cette notion comprend deux réalités : il s’agit d’une peine mais aussi d’une modalité d’exécution de celle-ci (la période de sûreté). 

Au sens de l’article 132-23 du Code pénal, il est possible que les peines privatives de liberté soient pourvues d’une période de sûreté en fonction de ce que la loi pénale prévoit (modalités et conditions). 

Cette période de sûreté, dont la durée varie, permet l’exécution effective de la peine. À cette occasion, l’individu condamné n’est pas en mesure de profiter d’un quelconque aménagement de peine et donc d’une libération anticipée. 

La peine de réclusion criminelle à perpétuité revêt la nature de la peine privative de liberté la plus élevée, surpassant alors les autres peines d’une durée maximale de 15, 20 ou 30 ans. Ce qu’il faut retenir ici réside dans le fait qu’un individu qui a été condamné à une peine de réclusion criminelle à perpétuité est en mesure de demander une libération conditionnelle au bout de 18 ans (période portée à 22 ans si récidive il y a). Par exception, il est possible pour certains crimes, pour lesquels la peine de réclusion criminelle à perpétuité est encourue, que la cour d’assise décide d’une peine « incompressible » ou « perpétuité réelle ». Ceci résulte sur une absence totale d’aménagement de peine. La période de sûreté est ainsi intégralement couverte par cette peine. 

Cette peine constitue le remplacement de la peine de mort en tant que peine la plus lourde pouvant être prononcée par une juridiction pénale et elle fut créé en 1994. 

 

La sollicitation possible du relèvement de la période de sûreté ?

En dépit du but de cette peine, qui vise à refuser la libération de l’individu incarcéré, ce dernier est néanmoins autorisé à demander un relèvement de la période de sûreté à l’issue de l’exécution de 30 années de sa peine. Attention ceci n’implique pas automatiquement sa libération. 

Cette procédure est prévue par les dispositions du 3e alinéa de l’article 720-4 du Code de procédure pénale. Elle garantit le respect du principe de la nécessité des peines (cf. en ce sens Cons. const., 20/01/1994, n93-334 DC) mais également des dispositions de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dispositions qui, pour rappel, interdisent les actes inhumains et dégradants (cf. en ce sens, CEDH, 13/11/2014, n40014/10, Bodein c/ France). Dès l’instant où l’individu qui a été condamné fait preuve d’efforts considérés comme sérieux quant à une réadaptation sociale, alors le juge de l’application des peines peut accorder ce relèvement et il doit, conjointement, statuer à l’égard d’un aménagement de peines. Toutefois la décision en cause ne pourra être utilement prise que lorsqu’un collège composé de 3 experts médicaux ait effectué une expertise quant à la dangerosité de l’individu condamné. Pour le cas où une mesure d’aménagement est accordée, dans ce cas le tribunal est habilité à prononcer des mesures aussi d’assistance que de contrôle et ce, sans qu’il ne soit nécessaire de prévoir une quelconque limitation dans le temps. 

 

Quid de cette peine dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?

La lutte contre le terrorisme implique que le régime juridique qui entoure le prononcé et l’application de cette peine soit constitutif d’une certaine singularité. En effet cette peine est inscrite dans l’arsenal pénal français depuis peu, à savoir depuis la loi du 3 juin 2016. Plus exactement, il faut se reporter aux dispositions de l’article 421-7 du code pénal pour en comprendre les tenants et les aboutissants et ainsi comprendre ses dispositions particulières solennelles. D’abord elle peut être prononcée uniquement pour les faits qui sont intervenus après l’entrée en vigueur de la loi susmentionnée. C’est pourquoi l’auteur des faits de l’attentat de la Basilique de Nice a été condamné à cette peine. Quid cependant de la peine prononcée à l’encontre de Salah Abdeslam ? Ce dernier est un des auteurs des attentants intervenus le 13 novembre 2015, soit avant l’entrée en vigueur de cette loi. Celui-ci fut condamné à cette même peine sur le fondement de l’article 221-4 du Code pénal concernant la tentative de meurtre sur des représentants des forces de l’ordre, et déjà prévue par la loi au moment des faits en cause. 

Par ailleurs la décision d’un relèvement doit respecter des mesures particulières rigoureuses. Ce dernier peut être décidé à titre strictement exceptionnel lorsqu’une commission composée par 5 magistrats de la Cour de cassation donne son avis à ce sujet ; en complément, il existe des conditions cumulatives devant impérativement être rencontrées. Ainsi, il s’agira pour l’individu condamné d’avoir purgé 30 années d’incarcération au moins; ce dernier doit démontrer des gages de réadaptation sociale sérieux; un collège d’experts doit avoir évalué la dangerosité de l’individu; il faut avoir obtenu l’avis des victimes qui se sont portées partie civile lors du procès; aussi, et finalement, cette réduction de la période de sûreté ne doit pas causer de trouble qualifié de grave à l’ordre public. L’on voit donc que ces conditions cumulatives ont pour résultat de restreindre les possibilités d’obtenir en effet un tel relèvement. 

Pour clore notre développement, nous pouvons aussi garder à l’esprit que le législateur français a limité de manière considérable toute possibilité d’aménagement de peine privative de liberté concernant les personnes qui ont été condamnées pour des faits de terrorisme.

 

Références

https://www.actu-juridique.fr/droit-penal/terrorisme/attentat-de-la-basilique-de-nice-le-proces-de-lattaque-qui-a-fait-trois-morts-souvre-lundi/

https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/26/attentat-de-la-basilique-de-nice-brahim-aouissaoui-condamne-a-la-perpetuite-incompressible_6565691_3224.html

https://www.bfmtv.com/amp/cote-d-azur/attentat-de-la-basilique-de-nice-l-assaillant-condamne-a-la-perpetuite-incompressible_AN-202502260773.html

https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/terrorisme/attentat-a-la-basilique-notre-dame-a-nice/