L'article 1178 du Code civil, tel qu'issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, distingue la nullité relative qui est celle qui intervient « lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé » et qui ne peut donc être soulevée que par les personnes que la loi a voulu protéger en permettant d'obtenir la nullité, de celle absolue.
Focus sur le champ d'application et les effets de la nullité absolue.
I. La sauvegarde de l'intérêt général : terrain d'application de la nullité absolue
L'article 1179 alinéa premier du Code civil pose la définition juridique de la nullité absolue : « La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général ».
Notion transversale au droit, l'intérêt général est défini comme ce qui est nécessaire pour le public, entendu dans le sens de la population[1], voire défini comme « la capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique[2]».
Par conséquent, la nullité absolue a vocation à sanctionner la violation d'une règle particulièrement grave qui porte atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, dont l'appréciation de la gravité s'effectue en corrélation de la définition donnée à la nullité relative, laquelle sanctionne les manquements bénins directement attachés aux intérêts privés.
Il est donc facilement identifiable que tout aspect relatif à des actes illicites et immoraux, tels que la vente de drogue, le commerce de corps humain, la conclusion d'un mariage bigame, etc., seront frappés de nullité absolue.
Mais la jurisprudence apporte plus de précision en admettant, par exemple, qu'encourt la nullité absolue :
- La donation entre vifs acceptée par une procuration établie sous seing privé (Cass. civ 1ère 11/09/2013, n°12-15.618)
- Le contrat de droit privé conclu au nom d'une commune (Cass. com 06/03/2019, n°16-25.117) ;
- L'acte notarié qui n'est pas signé par les parties (Cass. civ 1ère 12/07/2007, n°06-10.362) ;
Découle logiquement de ce principe de protection de l'intérêt général que la nullité absolue d'un acte peut être soulevée par toute personne qui y trouve un intérêt, et bien évidemment par le ministère public[3].
Seule la confirmation du contrat permet d'échapper à sa nullité absolue. Il s'agit alors de la situation où l'une des parties est informée, postérieurement à la conclusion de l'acte, de l'illicéité ou l'immoralité de celui-ci, mais renonce à se prévaloir de la nullité dans un acte qui « mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat [4]». Une telle confirmation est constatée lorsqu'une partie qui a connaissance de la nullité exécute volontairement l'acte[5].
II. Non-rétroactivité et annulation intégrale : effets de la nullité absolue
La question de connaître les effets de la nullité absolue revient à rechercher s'il convient d'annuler le contrat sans sa totalité ou simplement les clauses illicites[6].
À la différence de la nullité relative, celle absolue suppose que le contrat soit annulé dans sa totalité, sauf à ce que les parties ou le juge décident de limiter la nullité en supprimant seulement la clause contraire à l'intérêt général, auquel cas la nullité absolue est dite partielle[7].
À titre d'exemple, sera frappé de nullité absolue dans son intégralité, le contrat de mariage conclu en l'absence d'officier d'état civil.
La nullité partielle n'est cependant admise que lorsque la cause à l'origine de la demande de nullité n'affecte qu'une partie du contrat, c'est-à-dire une ou plusieurs clauses ciblées, lesquelles sont régulièrement des clauses dites « accessoires ». La réalisation de l'acte est donc poursuivie.
A contrario, à partir du moment où la nullité frappe une clause qui s'avère être déterminante à l'engagement d'une ou des deux parties, la nullité absolue frappe l'ensemble de l'acte juridique qui ne peut pas survivre. Il s'agit ici des clauses dites substantielles, à l'instar de celles prises en violation du consentement, qui ont pour effet que, si une partie avait eu connaissance de son illégalité, elle n'aurait pas contracté.
Cette nullité est rétroactive, par conséquent l'acte litigieux est considéré comme ne jamais avoir existé à l'égard des parties et des tiers, de sorte que les parties sont replacées dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de l'acte, quitte à ce que des restitutions, notamment de biens ou de sommes d'argent, aient lieu, y compris en imposant le versement d'une indemnité en cas de dépréciation de la valeur du bien restitué[8].
Des exceptions existent toutefois en matière de rétroactivité, comme dans le cas d'un mariage putatif où les époux, sinon l'époux qui a contracté de bonne foi, continuent de bénéficier des effets passés (nom d'usage, absence de remboursement d'une pension de réversion, etc.).
Par souci de précision, il est à rappeler que la nullité absolue d'un acte peut être soulevée par voie d'action ou par voie d'exception. Depuis la réforme de 2016, le délai de prescription d'une action en nullité absolue est de cinq ans, mais aucune prescription n'est fixée, et la demande de nullité est donc perpétuelle, lorsque l'acte entaché de nullité n'a pas encore été exécuté[9], comme dans le cadre de dispositions testamentaires.
Nullité relative et nullité absolue, toutes deux sanctions à la formation d'un contrat, diffèrent concernant la cause qu'elles défendent et les personnes habilitées à les soulever.
La nullité absolue dessert la sauvegarde de l'intérêt général plus que celui des parties, mais ses effets sont modérés selon la substance des clauses entachées par la nullité, de sorte qu'une annulation rétroactive du contrat dans sa totalité ne sera pas toujours nécessairement requise.
[1] D. TRUCHET « La notion d'intérêt général : le point de vue d'un professeur de droit », LEGICOM, 2017/1 (N° 58), p. 5-11.
[2] Rapport public du Conseil d'État de 1999
[3] Article 1180, al. 1er du Code civil
[4] Article 1182 al. 1er du Code civil
[5] Article 1182 al. 3 du Code civil
[6] Article 1184 du Code civil
[7] Article 1184 du Code civil
[8] Article 1352-1 du Code civil
[9] Article 1185 du Code civil