Cela voudrait dire qu’une loi mise en place aujourd’hui pourrait remettre en cause tous les faits et les jugements du passé. Ce qui serait contraire à la sécurité juridique.
C’est pourquoi, la loi part d’un principe de non rétroactivité, donc même si différentes lois successives portent sur un même objet, seulement celles antérieures à la situation juridique pourront s’y appliquer. Il y a donc une distinction à faire entre la loi antérieure et la loi nouvelle et en définir leurs périmètres d’actions.
I- Le principe de non-rétroactivité de la loi
A. Un principe du Code civil
Selon l’article 2 du Code Civil, « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif », c’est un principe général du droit qui régit l’application de la loi dans le temps.
Ainsi, une nouvelle loi ne peut modifier les conséquences passées d’un acte ou fait juridique (contrat, situation juridique déjà régit par une loi antérieure). Le citoyen sait donc quelle loi s’applique ou non pour telle situation juridique et ne pourra pas être condamné à posteriori, sauf rétroactivité exceptionnelle sous certaines conditions.
Cette non rétroactivité en droit est complétée par l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui prévoit en droit pénal que « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit ». Il a donc une valeur constitutionnelle.
B. Une sécurité juridique
Effectivement une loi qui vient d’être décrétée ne peut servir à punir un acte antérieur. Cependant, une décision de justice ne peut être prise que par rapport à un litige qui est révolu.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que même si le jugement se fait plusieurs années après les faits, les lois permettant de le rendre, ne peuvent être que celles qui existaient au moment de l’infraction.
Par exemple, considérons que la polygamie n’était pas une infraction pénale jusqu’à la date du 9 Mai 2001, mais le lendemain une loi entre en vigueur et l’interdit. Si cette loi devait être rétroactive, elle s’appliquerait à tous les polygames existants avant cette date. Cela voudrait dire que les droits obtenus avant que cette loi ne soit légiférée, seraient caduques (se marier avec plusieurs femmes). Cela engendrerait désordre et anarchie. L’application de la non rétroactivité permet de ne pas remettre en cause la situation des personnes polygames et leurs droits antérieurs à cette date.
Ce principe est un garde-fou, une sécurité juridique. La loi a comme objectif d’ordonner les relations sociales, elle ne peut donc pas changer les règles pour le passé et accepter les désordres que ça générerait. En effet si les lois avaient un effet rétroactif, pourquoi les respecter ? Elles seraient facilement remises en cause. Il n’y aurait plus de sécurité juridique puisque tout pourrait être renversé par une nouvelle loi.
Cependant, ce principe de non rétroactivité de la nouvelle loi comprend des exceptions, ce n’est pas un principe absolu.
II- Les nuances de la non rétroactivité
La règle établie est certes qu’une situation juridique ne peut être jugée que par les lois déjà en vigueur au moment des faits, et non les nouvelles promulguées à posteriori. Cependant, il arrive que la nouvelle loi puisse rétroagir et s’appliquer à certaines situations juridictionnelles en droit pénale et en droit civil.
En effet, le principe de la non rétroactivité est considéré comme une norme ordinaire. Il peut donc être contourné mais cette possibilité reste toutefois limitée car ne concerne que certaines lois et est très encadrée.
A. Les lois pénales dites « douces »
Comment sont définit des lois pénales dites « douces » ? Ce sont des « lois pénales moins sévères, qui suppriment ou adoucissent une pénalité » (CC. Décision n°80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981). Elles s’appliquent dès leurs entrées en vigueur sur toutes les situations juridictionnelles pénales, même antérieures. C’est la rétroactivité in mitius.
Pourquoi cette rétroaction est-elle possible ? Il est considéré que si cette nouvelle loi est plus douce que la précédente, c’est parce que cette dernière plus sévère n’a plus d’utilité sociale et donc la nouvelle peut rétroagir.
Il faut savoir que le droit pénal s’appuie également sur le principe de légalité et de stricte nécessité des peines. C’est de ce fait que les lois pénales « douces » sont rétroactives in facto au contraire des plus sévères. Cela permet de garder le contrôle sur les lois à caractères de punition, et d’éviter tout abus éventuel.
Ce principe est appuyé par le Conseil Constitutionnel via l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle plus douce revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l’appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires ». C’est donc un principe constitutionnel d’appliquer immédiatement les lois plus douces à des faits en cours de jugement.
B. En droit civil, les lois dites rétroactives
Certaines lois sont considérées par leur essence comme rétroactives. Ce sont les lois interprétatives, les lois de validation et les « lois expressément rétroactives ».
Qu’est-ce une loi interprétative ? C’est quand elle vient « préciser et expliquer le sens obscur et contesté d’un texte déjà existant » ou pour la Cour de Cassation, c’est une « loi qui se borne à reconnaître, sans rien innover, un droit préexistant qu’une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse ».
De ce fait, comme son existence est d’expliciter une loi, elle s’y incorpore, la complète et prend donc la date d’entrée en vigueur de ce texte, elle rétroagit à cette date.
Maintenant, en quoi consiste une loi de validation ? C’est une loi qui permet d’acter la validation de situations juridiques qui ne le seraient pas sans celle-ci, car ils leur manquent des conditions, d’où la rétroaction.
Mais il est impératif qu’elle sauvegarde le principe de la séparation des pouvoirs, rappelé par le juge constitutionnel en ses termes : il « n’appartient ni au législateur ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d’adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ».
Enfin, le législateur peut parfois juger que les nouvelles lois ont une telle importance majeure, qu’elles nécessitent d’être appliquées à toutes les situations antérieures d’où les lois « expressément rétroactives ».
Ou inversement, il leur est possible de différer leurs décisions et ses conséquences dans le temps pour limiter la rétroactivité. Par exemple, en 2010, le Conseil Constitutionnel et la Cour de Cassation ont ajourné leurs décisions, qui auraient eu pour effet d’invalider les termes d’application de la garde à vue, et ainsi, éviter d’annuler les procédures en cours (Décision QPC décision QPC 2010-14/ 22 du 30 juillet 2010 et trois arrêts d'octobre 2010).
Ces trois catégories de lois (rétroactives par essence, validations, interprétations) sont strictement encadrées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elles ne peuvent remettre en cause les décisions juridiques passées et déjà jugées seulement si elles ont « un but d'intérêt général suffisant ».
En conclusion, le principe de non rétroactivité est essentiel puisqu’elle garantit la sécurité juridique (ne pas être poursuivi pour des faits légaux à un moment T qui ne le seraient plus à un moment T+1 et d’en être sanctionné) et la stabilité des rapports sociaux via le gage du respect de la loi.
Il y a certes des exceptions à ce principe, mais elles répondent et doivent répondre à une logique sociétale et d’intérêt commun général suffisant et sont encadrées strictement pour éviter les effets délétères.