De ce fait, pour obtenir réparation du préjudice subi, la victime ne peut s’appuyer que sur cette loi à l’exclusion de la responsabilité délictuelle et contractuelle : « l’indemnisation d’une victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 » (Cass. Civ. 2ème, 4 mai 1987).

I°) Les conditions d’applications de la loi Badinter

Pour que la loi Badinter puisse s’appliquer, il faut qu’un certain nombre de conditions requises soient validées, que ce soit lié à l’évènement ou que ce soit liées aux personnes.


A.    Les conditions liées à l’évènement

La loi Badinter s’applique si les 4 conditions liées à l’évènement sont remplies. Il faut que l’accident soit un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur qui est lui-même impliqué dans l’accident et ayant causé des dommages lors de l’accident.
Le véhicule terrestre à moteur (VTAM) est défini par l’article L110-1 du Code de la Route comme « tout véhicule terrestre pourvu d’un moteur de propulsion, y compris les trolleybus, et circulant sur la route par ses moyens propres, à l’exception des véhicules qui se déplacent sur rails ». C’est donc un véhicule qui circule sur le sol avec une force motrice comme les voitures, les camions, les tracteurs, etc.
L’accident de la circulation est défini comme devant être involontaire, non intentionnel, c’est un évènement fortuit. Il ne peut survenir que sur la route et que si le dommage est causé par « la fonction de déplacement du véhicule ». Par exemple, le véhicule était en déplacement ou en stationnement sur la voie publique.

Ensuite, il faut que le véhicule (VTAM) soit impliqué dans l’accident c’est-à-dire que le VTAM ait été en contact avec le lieu du dommage, qu’il soit à l’arrêt ou en mouvement, il suffit d’avoir le contact et il est donc impliqué dans l’accident (Cass. Civ. 2ème, 25 janv. 1995). C’est une présomption irréfragable (ne peut pas être renversée).
Il peut tout de même être impliqué sans contact mais c’est alors à la victime de prouver que le VTAM a joué un rôle dans l’accident comme un VTAM qui roulait si vite qu’il en a perturbé le conducteur d’un autre et a causé l’accident (Cass. Civ. 2ème, 25 mai 1994).

Enfin, il faut un dommage causé par l’accident donc que le dommage et l’accident soit lié. C’est une présomption simple de causalité entre le dommage et l’accident quand le dommage est concomitant à l’accident (Cass. Civ. 2ème, 16 oct. 1991). Si jamais le dommage ne survient pas au même moment que l’accident ou dans un laps de temps proche, c’est à la victime de prouver le lien de cause à effet entre l’accident et le dommage.
De plus, dans le cadre d’une série d’accidents impliquant plusieurs VTAM, cela est considéré comme un seul accident complexe dans lequel tous les VTAM sont impliqués. La victime peut engager la responsabilité de n’importe lequel des conducteurs (Cass. Civ. 2ème, 17 juin 2010).


Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 24 juin 1998 - Qui, dans un accident complexe doit être tenu de réparer le dommage de la victime ?

B.    Les conditions liées aux personnes

En plus des conditions liées à l’évènement en tant que telles, la loi Badinter ne s’appliquera qu’à certaines personnes.
Dans un premier temps, elle ne s’applique qu’aux victimes d’accidents de la circulation, que ce soit un piéton, un passager, un cycliste etc.  Elles peuvent obtenir de ce fait, réparation pour les préjudices subi sur le fondement de la loi Badinter.
Toutes les victimes par ricochet peuvent aussi obtenir réparation. Ce sont les tiers qui ont subi aussi un dommage par les dommages causés aux victimes directes de l’accident.

De plus, elle ne s’applique qu’à l’encontre du conducteur ou du gardien du VTAM impliqué dans l’accident. De ce fait, les victimes de l’accident de la circulation dans lequel un VTAM est impliqué, ne pourront être indemnisées que par l’intermédiaire du conducteur ou gardien du VTAM. La victime gardienne mais non conductrice du VTAM impliqué dans l’accident peut utiliser la loi Badinter contre le conducteur (Cass. Civ. 2ème, 3 oct. 1990), ainsi que la victime conductrice mais non gardienne du VTAM peut aussi l’utiliser contre le gardien (Cass. Civ. 2ème, 28 janv. 1998).


II°) Les causes d’exonérations  


Lorsque les conditions nécessaires à l’application de la loi Badinter du 5 juillet 1985 sont remplies, la victime peut alors réclamer la réparation de son préjudice. Sauf dans certains cas où il existe des causes d’exonérations.

A.    Une victime fautive

De prime abord, le conducteur ou le gardien du VTAM impliqué dans l’accident ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité, en toute hypothèse, même s’il peut prouver la faute de la victime.
Dans le cas de figure d’un dommage à la personne, il faut distinguer le cas où la victime est conductrice ou non.
En ce qui concerne le cas où la victime n’est pas conductrice, elle ne peut être considérée fautive que si elle est a volontairement recherché le dommage comme un suicide (article 3 alinéa 3 de la loi Badinter du 5 juillet 1985) ou qu’elle a commis une faute inexcusable c’est-à-dire « une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience », étant l’unique cause de l’accident comme traverser une autoroute (Cass. Civ. 2ème, 2 mars 2017).
Quand la victime est la conductrice, la faute qu’elle commet a pour effet de limiter ou même d’exclure l’indemnisation des dommages qu’elle a subi comme un motard qui remonte la file par la gauche sans voir qu’une voiture ayant mis son clignotant tourne à gauche et la heurte. Le motard est donc fautif, il a causé le dommage. Ce sont les juges qui détermineront si la faute de la victime conductrice d’un VTAM doit exclure ou simplement limiter l’indemnisation (Cass. Civ. 2ème, 22 nov. 2012).

En ce qui concerne, les cas de dommage aux biens, la faute de la victime va limiter ou exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle a subis (article 5 alinéa 1 de la loi Badinter du 5 juillet 1985). Ce sont toujours les juges qui détermineront si la faute de la victime doit exclure ou simplement limiter l’indemnisation (Cass. Civ. 2ème, 28 janv. 1998).


La faute de la victime - l'indemnisation de la victime fautive


B.    Des cas particuliers

La loi ne sera pas applicable si le VTAM est à l’arrêt lors de l’accident de la circulation ou encore quand l’origine du dommage n’a pas de lien avec la fonction de déplacement du VTAM comme être un instrument de travail (camion-pizza).

III°) L’indemnisation


A.    Indemnisation des victimes

La loi Badinter garantit à toutes les victimes d’un accident de la circulation d’être indemnisées à 100% par la responsabilité civile du conducteur responsable de l’accident des dommages subis que ce soit matériels et/ou des dommages corporels portant atteintes à l’intégrité psychologique ou physique de la victime de l’accident.  

B.    Indemnisation des conducteurs

Selon l’article 4 de la loi Badinter, « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’ils ont subis ».  
De ce fait, le conducteur ne pourra être totalement indemnisé qu’à la seule condition de n’avoir commis aucune infraction, ou si les circonstances sont indéterminées et ne permet pas de prouver de faute, même si l’obligation d’assurance est effective. Il aura donc droit a une indemnisation totale.

En conclusion, la loi Badinter permet de la façon la plus juste possible d’indemniser qui de droit lors d’un accident de la circulation engageant la responsabilité civile du conducteur responsable de l’accident quand il est possible d’en définir un.
Toutes les victimes même par ricochet sont indemnisées sauf si la victime est aussi la fautive (suicide). De plus, le responsable de l’incident peut être limité ou exclut d’indemnisation mais sera totalement indemnisé si aucune faute ne peut lui être incombée.