Ainsi, le lien de causalité se définit « comme le lien de cause à effet entre le fait générateur de responsabilités et le dommage dont il est demandé réparation ». On retrouve cette exigence de causalité dans plusieurs textes, dont l'article 1240, 1241, et 1242 du Code civil. Il est à noter qu'une simple coïncidence dans l'espace et le temps entre le fait générateur et le dommage ne suffit pas. Il faut que le dommage se rattache à la faute par un lien de cause à effet. La notion de lien de causalité est une notion de droit et non simplement une relation de fait. Pour cela, l'exigence d'un lien de causalité tombe sous le contrôle de la Cour de cassation. Le plus souvent, c'est la victime du dommage qui tentera d'établir l'existence de causalité (et donc la preuve) afin d'être indemnisée, alors que l'auteur du dommage lui, le plus souvent, essaiera de démontrer la rupture du lien de causalité pour faire échec à l'action en responsabilité. Mais attention, la preuve n'est pas facile à rapporter, pour cela il est admis qu'elle soit rapportée par tous moyens. Le juge peut forger sa conviction sur des indices et des présomptions de faits ou un calcul de probabilité. Parfois, cette causalité est présumée.
Or la détermination du lien de causalité n'est pas toujours facile et cette question donne lieu à diverses controverses doctrinales et hésitations jurisprudentielles.
Ainsi, comment prouver et apprécier le lien de causalité ?
Dès lors, nous étudierons les différents moyens d'appréciation selon la doctrine (I) pour ensuite nous attarder sur les positions jurisprudentielles de l'appréciation et preuve du lien de causalité (II).
I- L'appréciation du lien de causalité selon la jurisprudence
La constatation d'un lien de causalité aurait été facile à constater si dans la pratique chaque dommage relevait d'une cause isolée. Or, dans la pratique, un dommage résulte souvent de plusieurs facteurs dont la conjonction a été nécessaire à sa production.
Donc très souvent lorsqu'il y a un préjudice, on ne peut le rattacher à une seule cause, mais plusieurs causes qui s'étalent dans le temps.
Deux théories doctrinales d'appréciation du lien de causalité ont émergé. La première est la théorie de l'équivalence de conditions (A), la deuxième est la théorie de la causalité adéquate (B).
A- Théorie de l'équivalence des conditions
D'après cette théorie “de l'équivalence des conditions”, un évènement mérite le nom de cause à chaque fois que l'on peut affirmer que sans lui, le dommage ne se serait pas produit.
En d'autres termes, suivant cette théorie, on admet que tous les événements ayant concouru à la réalisation du dommage sont équivalents, et que l'auteur de l'un de ses évènements peut être condamné à la réparation de l'entier préjudice, quitte à ce qu'il se retourne s'il le souhaite contre les autres auteurs.
Donc aucune sélection ne se justifie entre les évènements nécessaires à la production du préjudice, car si l'une d'entre elles avait manqué, le préjudice n'aurait pas eu lieu.
On retient selon cette théorie que toutes les circonstances qui sont intervenues dans le processus duquel le dommage est résulté doivent être considérées comme en étant la cause, si bien que la responsabilité du débiteur ne peut être écartée que s'il est certain que ce dommage se serait de toute façon produit s'il avait ponctuellement respecté ses obligations.
B- Théorie de la causalité adéquate
D'après cette théorie, tous les éléments ayant concouru à la réalisation du dommage n'ont pas pu jouer le même rôle dans sa naissance.
Ainsi, parmi ses évènements, il faut distinguer entre ceux qui ont été la cause du dommage, et ceux qui auraient pu normalement se produire.
Comment opérer cette distinction / comment choisir et sélectionner l'événement qui a été la cause du dommage, et celui qui devait normalement se produire ?
Les partisans de la théorie de la causalité adéquate proposent d'effectuer une recherche de probabilité/calcul de probabilité. Un évènement doit être considéré comme la cause du dommage comme s'il rendait à lui seul le dommage probable. Elle doit aboutir normalement au dommage subi par la victime.
Donc l'inexécution de l'obligation ne mérite d'être considérée comme la cause du dommage invoqué par le créancier que si elle a été la condition sine qua non de ce dommage, en ce sens qu'il est certain que sans elle, celui-ci ne se serait pas produit.
II- Le lien de causalité selon la jurisprudence
Il serait intéressant d'analyser la position jurisprudentielle (A) pour ensuite s'attarder sur le détournement fait par la jurisprudence de la notion de causalité (B).
A- L'absence de position jurisprudentielle stable
Avec ces deux théories, la jurisprudence ne s'est jamais prononcée expressément sur quelle théorie retenir.
La démarche de la jurisprudence est empirique.
Il existe des cas où la jurisprudence adopte la théorie de la causalité adéquate, et des cas où elle adopte la théorie de l'équivalence des conditions - selon les cas, elle semble favorable à l'une ou l'autre des théories.
La jurisprudence n'adopte pas une position claire, en réalité le lien de causalité est un outil entre les mains de la jurisprudence. Lorsqu'elle souhaite élargir le champ de la responsabilité, elle adopte la théorie de l'équivalence des conditions. En revanche, si elle souhaite adopter une conception stricte de la responsabilité, elle adoptera la théorie de la causalité adéquate. Le lien de causalité dépend donc de la politique jurisprudentielle.
B- La jurisprudence tente de détourner cette question de causalité
La jurisprudence a accepté d'ériger en espèce de dommages indemnisables « la perte d'une chance », qui permet dans certains cas de surmonter l'obstacle de la causalité.
En déclarant ce préjudice indemnisable, les tribunaux déplacent donc simplement la difficulté sur le terrain de son évaluation.
De plus lorsqu'un dommage unique semble avoir pour origine l'inexécution des obligations incombant à plusieurs cocontractants, les tribunaux ne cherchent plus la responsabilité de chacun en fonction de sa participation causale, mais c'est in solidum que les débiteurs de ces obligations sont condamnés à le réparer. Ce n'est plus la causalité qui entre en jeu, mais la gravité de la faute.
Sources : L.G.D.J, Bertrand Fages, Droit des obligations édition 2021 ; Dalloz