Une notion, largement utilisée par les juristes, mais qui demeure complexe et sujette à interprétation, tant sa mise en œuvre varie selon les branches du droit et les évolutions jurisprudentielles.
La définition du lien de causalité
En matière de responsabilité, la notion de lien de causalité joue un rôle décisif, en ce que par définition, cette notion illustre le rapport direct entre un fait générateur et un dommage, et permet d’établir que ce dernier est la conséquence de l’action ou de l’inaction d’un individu.
Une telle exigence est fondamentale, car sans elle, aucune responsabilité ne peut être imputée. En droit civil, elle conditionne l’octroi d’une indemnisation, tandis qu’en droit pénal, elle fonde l’établissement d’une culpabilité.
La simple commission d’une faute ne suffit pas : encore faut-il démontrer son influence déterminante sur la survenance du préjudice.
Les fondements de la notion du lien de causalité reposent sur des bases juridiques solides, inscrites dans plusieurs dispositions légales.
En matière civile, l’article 1240 du Code civil consacre le principe selon lequel tout fait ayant causé un dommage oblige son auteur à en répondre : la responsabilité repose donc sur la démonstration d’une relation directe entre la faute et le préjudice subi.
En droit pénal, l’article 121-3 du Code pénal affirme qu’un crime ou un délit suppose une intention de le commettre, sauf exceptions prévues par la loi. Ainsi, l’établissement du lien de causalité constitue une condition préalable incontournable à toute action en responsabilité, qu’il s’agisse d’obtenir une réparation ou d’engager des poursuites pénales.
Enfin, concernant sa typologie, le droit distingue plusieurs formes de causalité afin d’appréhender la relation entre un fait et un dommage.
La causalité matérielle est celle qui correspond à un enchaînement de faits objectifs conduisant à la réalisation du préjudice, tandis que la causalité juridique introduit des critères normatifs permettant d’attribuer la responsabilité à un individu ou une entité.
La distinction entre causalité directe et indirecte est également essentielle : un dommage peut être directement imputable à un acte précis ou résulter d’une série de faits successifs qui en ont facilité la survenance.
Comment s’apprécie le lien de causalité
L’appréciation du lien de causalité repose sur plusieurs doctrines et sur l’interprétation des juges.
La théorie de l’équivalence des conditions repose sur l’idée que tous les faits ayant contribué à la réalisation du dommage doivent être considérés comme des causes juridiquement pertinentes. Cette approche large de la causalité permet de retenir la responsabilité dès lors qu’un fait a joué un rôle dans la survenance du dommage, mais peut conduire à des imputations excessives, notamment en droit de la santé, puisqu’elle pourrait entraîner la reconnaissance de la responsabilité d’un praticien même si son acte n’a été qu’un élément parmi d’autres ayant conduit au dommage.
La théorie de la causalité adéquate est quant à elle plus restrictive, puisque ne sont uniquement retenus les faits qui sont la cause normale et prévisible du dommage.
Autrement dit, seule une cause juridiquement pertinente, ayant conduit de manière directe au préjudice, peut être retenue.
Il s’agit de la théorie la plus souvent adoptée en matière de responsabilité contractuelle et en droit pénal, puisqu’elle limite l’imputabilité aux seuls faits ayant directement entraîné le dommage.
Par ailleurs, l’examen du lien de causalité ne saurait se faire sans prendre en compte certaines circonstances étrangères, susceptibles de l’interrompre ou de l’atténuer, à l’instar de la force majeure (caractérisée par un événement extérieur, imprévisible et irrésistible), qui a pour effet de rompre cette relation causale et d’exonérer l’auteur présumé de toute responsabilité.
En parallèle, la faute de la victime peut également jouer un rôle clé, notamment s’il est établi que le comportement de la victime a contribué, de manière directe ou indirecte, à la réalisation de son propre préjudice, la responsabilité du tiers peut être réduite, voire totalement écartée.
La preuve du lien de causalité
Aborder la notion de preuve du lien de causalité suppose de s’interroger concernant la charge de la preuve.
En application de l’article 1353 du Code civil, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».
Ainsi, la victime d’un dommage doit démontrer l’existence d’un lien entre le fait générateur et le préjudice subi.
Toutefois, certaines présomptions légales allègent la charge de la preuve pour certaines victimes, comme en matière de produits défectueux ou d’accidents médicaux, pour lesquels des régimes spécifiques facilitent la reconnaissance de la responsabilité.
Concernant les moyens, la preuve du lien de causalité peut être apportée de différentes manières :
- Les témoignages et attestations : ils permettent d’établir les circonstances factuelles du dommage ;
- Les expertises judiciaires : fréquemment utilisées en matière médicale, technique ou financière ;
- Les présomptions de fait : déductions que le juge peut tirer de circonstances établies.
En tout état de cause, les juges disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour établir le lien de causalité. Et en fonction des faits et du contexte, ils peuvent retenir une causalité directe ou indirecte, ou encore considérer que celle-ci est insuffisante pour fonder une responsabilité.
Références
- Code civil, articles 1240 et 1353 ;
- Code pénal, article 121-3 ;
- « Droit de la responsabilité et des contrats », Philippe le Tourneau; Cyril Bloch; André Giudicelli