Par principe, ce licenciement est entaché d’illégalité…

La lecture de l’article 1152-1 du Code du travail nous renseigne sur la définition du harcèlement moral. En effet, il s’agit d’un ensemble « d’agissements répétés [qui ont] pour objet ou pour effet » que les conditions de travail du salarié se dégradent et qu’ils sont « susceptibles de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Le Code du travail intervient également pour protéger l’ensemble des victimes de harcèlement moral mais aussi ceux qui en sont témoins, prévoyant qu’ils ne sauraient valablement être sanctionnés ou licenciés. Il est ainsi prévu que la rupture du contrat de travail, d’une ou plusieurs de ses dispositions ou bien « tout acte contraire » aux règles précitées est considéré comme nul.

Ces premières constatations étant effectuées, l’on comprend que, par principe, le salarié qui dépose plainte pour harcèlement moral ne saurait être licencié du fait du dépôt de cette plainte et que ce licenciement sera nécessairement considéré comme nul. Le salarié pourra alors être réintégré dans l’entreprise s’il le souhaite ou, dans le cas contraire, il pourra bénéficier d’indemnités élevées. Il conviendra de noter ici que la protection juridique dudit salarié ne vaut que pour le cas où le licenciement dont il a fait l’objet est directement motivé par la plainte déposée pour harcèlement moral. 

Il est toutefois possible à l’employeur de licencier son salarié pour le cas où le licenciement en cause se fonde sur « des motifs étrangers à la demande d’intervention psychosociale formelle pour des faits (…) de harcèlement moral (…) ou à la plainte, à l’action en justice » (cf. Cass. soc., 20/01/2020). Il conviendra donc que l’employeur apporte la preuve qu’il n’a pas licencié son salarié expressément du fait de sa plainte déposée mais bien pour un autre motif extérieur. Dans le cas contraire, il devra au salarié évincé une indemnité du fait du licenciement nul. 

Nous devons maintenant pondérer quelque peu nos propos puisque cette protection juridique du salarié ne vaut que s’il a effectivement qualifié les faits de harcèlement moral à l’occasion de son dépôt de plainte (cf. Cass. soc., 13/09/2017). Il apparait aussi utile de retenir que dès lors que l’employeur utilise lui-même l’expression de harcèlement moral, le salarié est bien protégé par les règles juridiques précitées : en effet, il s’agissait dans le cas d’espèce d’un licenciement intervenu après le dépôt de plainte d’une salariée, celle-ci se plaignant notamment de nombreux « agissements » de diverses natures à l’image de « dénigrements » ou encore de « comportements et propos vexatoires » qui résultaient sur « une grave dégradation de son état de santé physique et mental » au sens des dispositions susmentionnées en début de ce développement (cf. Cass. soc., 09/06/2021). Ici, même si la salariée évincée n’a pas explicitement fait mention de la notion de harcèlement moral, il n’en reste pas moins que les juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation ont considéré que la protection qui revient à tout salarié dans son cas devait lui être appliquée. Pourquoi ? Tout simplement parce que son employeur lui-même a fait mention de manière explicite, dans le contenu de sa lettre de licenciement, à des « accusations de harcèlement tout à fait inexactes ». Celui-ci ayant fait mention de cette notion, la salariée évincée a pu bénéficier de cette protection juridique.


Mais par dérogation, pour le cas où le salarié est de mauvaise foi, la protection ne joue pas

En cas de mauvaise foi du salarié qui relate des faits de harcèlement moral alors qu’il sait pertinemment que ces faits ne sont pas véridiques, celui-ci ne saurait bénéficier de la protection juridique précisée dans le premier paragraphe de notre développement. 

Cette première constatation étant effectuée, il est nécessaire de retenir ensuite qu’il appartiendra à l’employeur d’apporter la preuve de la mauvaise foi du salarié. Par voie de conséquence, il appartient à l’employeur de prouver que le salarié, qui s’est en effet plaint d’être victime de harcèlement moral, avait personnellement connaissance de la non véracité des faits en question lorsque celui-ci les a en effet dénoncés.

Nous pouvons retenir un exemple, parmi tant d’autres, concernant la preuve de cette mauvaise foi du salarié. Un litige oppose un salarié évincé et son employeur. Le salarié évincé reproche à son employeur de ne pas lui avoir expliquer les raisons pour lesquelles celui-ci a décidé de le sortir de mission. Or la mauvaise foi du salarié a été prouvée par l’employeur qui a donc réussi à apporter la preuve que les accusations portées à son encontre étaient fausses puisqu’il a pu, à de nombreuses reprises, inviter le salarié à le rencontrer personnellement pour justifier sa décision (il avait également apporté la preuve que ces justifications lui avaient été communiquées par écrit) et que le salarié n’avait jamais donné suite favorable à ses sollicitations. Le salarié ayant fait preuve de mauvaise foi, puisqu’il savait que les allégations qu’il portait à l’encontre de son employeur étaient sans fondement, la protection juridique a été écartée. 

Quid des faits non avérés ? Ici, les règles sont différentes car la situation l’est également malgré une apparente ressemblance. En effet, le salarié qui souhaite dénoncer des faits de cette nature mais qui ne sont pas (encore) avérés n’agit aucunement par mauvaise foi. Il sait que les faits sont véridiques, mais n’a pu en apporter la preuve. S’il dénonce de tels faits et qu’il est licencié pour ce motif, alors le licenciement est bien entaché de nullité. C’est ici le cas d’une salariée qui fut licenciée parce qu’elle avait déposé plainte pour harcèlement moral mais qui vit le licenciement dont elle fit l’objet être entaché de nullité malgré le fait que les éléments qui illustraient ses dires ne revêtaient pas la nature d’éléments factuels. Ici, la salariée était atteinte d’une pathologie psychique qui l’avait amenée à penser qu’elle était effectivement la victime de faits de harcèlement moral.