Les faits des deux espèces rapportées

Dans notre première décision, il s’agissait du licenciement d’un salarié de la RATP suite à une verbalisation de celui-ci sur la voie publique, pour détention et consommation de produits stupéfiants. Cette arrestation avait eu lieu en dehors de son temps de travail. Cependant, la police judiciaire, compte tenu de la profession du salarié, avait décidé de prévenir la RATP afin de la tenir informée des possibles risques relatifs à la sécurité des voyageurs

Depuis un arrêt du 3 mai 2011, un licenciement disciplinaire ne saurait être justifié par un motif tiré de la vie personnelle d’un salarié, sauf à imaginer que ce motif revêt la nature d’un manquement de celui-ci à une obligation qui découle directement de son contrat de travail (cf. n° 09-67.464). Toutefois, dans notre cas d’espèce, la Cour d’appel décida de l’annulation du licenciement, compte tenu de l’atteinte apportée au droit fondamental de l’intéressé à sa vie privée. Et la Chambre sociale de décider in fine de casser la décision rendue dans la mesure où les faits ne relèvent pas « de l’intimité de sa vie privée ».



Dans notre seconde décision, un salarié avait été licencié pour faute grave compte tenu de différents motifs retenus par son employeur, notamment l’envoi répété d’e-mails contenant des propos vulgaires et qui transgressaient la charte de l’entreprise mise en œuvre afin de prévenir le harcèlement sexuel

La Cour d’appel décida d’annuler le licenciement en cause, en se fondant sur les dispositions de l’article L.1121-1 du Code du travail ainsi que sur les dispositions de l’article 10, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Plus exactement, ces textes intéressent la liberté d’expression du salarié aussi bien au sein de l’entreprise qu’en dehors de cette dernière. Cette liberté ne saurait être absolue : des restrictions peuvent y être apportées pour le cas où elles sont justifiées non seulement par la nature des tâches à accomplir mais aussi si elles sont proportionnées au but recherché. Pour la Cour d’appel, le licenciement est nul. Et la Cour de cassation de confirmer la décision rendue par les juges d’appel.

Ces deux décisions impliquent alors pour tout juge de procéder à la vérification suivante : le licenciement est-il motivé, même en partie, par des faits qui relèvent expressément de l’intimité de la vie privée du salarié ? S’il l’est, alors le licenciement est nécessairement nul, le salarié devant disposer du respect de l’intimité de sa vie privée même au temps et au lieu du travail (cf. Cass. soc., 02/10/2001, n° 99-42.942).


Se pose la question des implications pratiques et juridiques de cette nullité ?

Dès que le licenciement est nul, le salarié est en mesure de demander à être réintégré dans son emploi (cf. Cass. soc., 21/06/2017, n° 15-21.897) ; il s’agit ici d’une option qui lui est attribuée et n’est donc aucunement obligé d’en accepter le principe ni même encore de la demander (cf. Cass. soc., 16/02/1987, n° 84-42.569). S’il la demande, il se doit de lui en faire droit à partir du moment où il n’est pas établi qu’il existe une impossibilité d’y recourir (cf. Cass. soc., 14/02/2018, n° 16.22-360). D’un point de vue pratique, cette réintégration du salarié nécessite de le réintégrer dans son poste, à tout le moment dans un poste équivalent à celui précédemment occupé. 



En sus de sa demande de réintégration, le salarié concerné peut demander à bénéficier du paiement d’une somme qui équivaut à la réparation du préjudice subi par celui-ci entre la rupture de son contrat de travail et sa réintégration. Par voie d’exception, il sera en mesure de profiter d’une réparation forfaitaire dès que la nullité du licenciement dont il a fait l’objet est le résultat d’une atteinte à un liberté fondamentale protégée sur le plan constitutionnel. Lorsqu’un licenciement est fondé par des faits qui sont liés à l’intimité de la vie privée du salarié, sa nullité suivra le même régime juridique en ce qu’une liberté fondamentale aura été méconnue par l’employeur. 



Quid du défaut de réintégration ?

En pareille hypothèse, si le salarié ne fait pas de demande expresse de réintégration, ou bien que celle-ci n’apparait pas possible, l’employeur se verra contraint de lui attribuer une indemnité par le juge. Ainsi le salarié a droit à la réparation de la rupture du contrat de travail mais aussi à la réparation du préjudice qui découle directement du caractère illicite du licenciement dont il a fait l’objet (Cass. soc., 30/11/2010, n° 09-66.210). Il apparait intéressant de relever le fait que l’indemnité due concernant une rupture illicite du contrat de travail qui lie le salarié à son employeur n’est en rien plafonnée : cela implique donc, en d’autres termes, que le montant de cette indemnité est apprécié par le juge qui doit connaitre de l’affaire (cf. Cass. soc., 18/12/2000, n° 98-41.608). Sous ce rapport, qu’en est-il du barème « Macron » ? Le concernant, il convient de rappeler qu’il existe bien une indemnité mais que celle-ci est strictement encadrée à la fois par des plafonds et des planchers. Or, selon les dispositions contenues au sein de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail, dès lors qu’est reconnu un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en cas de nullité dudit licenciement, ce barème n’est pas applicable.