C'est ainsi qu'en septembre 2023, le règlement intérieur du Parlement européen fut révisé de façon à raffermir les « règles en matière d'intégrité, de transparence et de responsabilité ». Elles entrèrent en vigueur le 1er novembre suivant. Intéressons-nous à ces règles.
Le problème du registre de transparence
Il faut noter qu’à l’échelle européenne, le registre de transparence constituait le cadre privilégié en matière de lobbying. Base données principale en la matière, et outil commun à la Commission européenne, au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen, ce registre classifiait les entités qui désirer effectuer des activités de lobbying.
Au moment des faits, le lobbying au niveau européen était principalement encadré par le registre de transparence. Mise en place en 2011 et révisée dix ans plus tard, cette base de données – commune à la Commission, au Parlement et au Conseil de l’UE – répertorie l’ensemble des entités qui souhaitent mener des activités de lobbying. Premier bémol : en dépit d’une inscription facultative, celle-ci devenait nécessaire pour être notamment accrédité au Parlement européen. Cependant, les contrôles étaient quasi inexistants et surtout l’inscription souffrait de nombreuses exceptions.
Les députés européens devaient également respecter un code de conduite en matière d’intérêts financiers et de conflits d’intérêts. Au sein du règlement intérieur du Parlement était d’ailleurs inscrit l’obligation, pour certains de ses membres, de publier les rencontres organisées avec des représentants d’intérêts.
Deuxième bémol ici : faute de sanction et de règles suffisamment contraignantes, la règle n’était que trop peu respectée
Notons également, concernant le Qatargate, que les règles qui existaient en la matière ne concernaient pas les rencontres entre les lobbies et les personnalités politiques en dehors des locaux officiels.
Les incidences du Qatargate
Les révélations de ce scandale ont ébranlé l’institution européenne qui a de ce fait rapidement souhaité revoir ces différentes règles et surtout leur contenu trop peu respecté et les contrôles inhérents sûrement trop laxistes. C’est en ce sens qu’au tout début de l’année 2023 Roberta Metsola, la Présidente du Parlement européen, avait proposé aux parlementaires européens tout un ensemble de propositions de réformes à ce sujet, et qui devaient in fine permettre de « renforcer l’intégrité, l’indépendance et la responsabilité » du Parlement.
Il a notamment été décidé, en date du 1er mai de la même année, d’enjoindre aux anciens parlementaires européens une période de six mois dite de « réflexion », période à l’occasion de laquelle il ne leur est pas possible d’exercer de telles activités de lobbying suivant le terme de leur mandat. Lorsque cette période est achevée, et s’ils souhaitent mener de telles activités et leur présence acceptée au sein des locaux du Parlement européen, ces derniers doivent alors être répertoriés au registre de transparence. Les nouvelles règles proposées impliquaient une modification du règlement intérieur de l’institution. C’est ce qui fut officiellement acté le 13 septembre 2023, soit quelques mois après les révélations du Qatargate. Cette officialisation de ces nouvelles règles a par ailleurs fait l’unanimité parmi les membres du Parlement européen en ce qu’elles furent adoptées à 505 voix pour. Ces règles entrèrent finalement en vigueur le 1er novembre suivant.
Au titre de ces nouvelles mesures, il est intéressant de noter que la notion de conflit d’intérêts a été clarifiée : de ce fait, il est dorénavant prévu pour les députés européens une interdiction d’entre dans toute « [activité] de lobbying rémunérée en relation directe avec le processus décisionnel de l’Union. » Il leur revient également de respecter l’obligation selon laquelle toutes les activités rémunérées, et dont le montant annuel dépasse 5000 euros, doivent être notifiées et ce, en spécifiant les qualités de l’employeur, l’activité concernée, et enfin la nature de la tâche en question. Les parlementaires européens sont par ailleurs tenus de procéder à la déclaration officielle de leur patrimoine à deux reprises : à l’occasion du début de leur mandat et au terme de celui-ci.
Il est finalement intéressant de relever que les députés européens mais également leurs assistants ont l’obligation de procéder à la publication de l’ensemble de leurs rendez-vous que ceux-ci réunissent des lobbyistes ou bien encore des représentants d’Etats tiers à l’Union européenne.
Une réforme controversée
A toute réforme ses controverses : cette réforme ne fait donc pas défaut à la règle. En effet, même si ces règles furent adoptées à une écrasante majorité des parlementaires européens, démontrant ainsi une réelle volonté d’affermir l’ensemble des règles de transparence pour cette institution européenne et ses membres, certains considèrent toutefois qu’elles ne vont pas assez loin.
Certains considèrent néanmoins que les règles nouvelles en la matière doivent permettre in fine de « [rétablir] la confiance de nos concitoyens dans nos institutions » à la suite des révélations de ce scandale de corruption, selon Gilles Boyer (Renew). Pour d’autres, à l’image de Raphaël Glucksmann (S&D), il semble difficile, au vu de la composition actuelle du Parlement européen, de faire mieux, considérant que ces nouvelles règles ne semblent pas être « suffisantes à long termes » afin que cette institution européenne devienne finalement « transparente » et pour empêcher tout type de conflits d’intérêts.
D’autres députés de la branche gauche du Parlement, comme ce fut le cas pour Manon Aubry, avaient tenté, sans succès, d’interdire l’ensemble des revenus annexes que pourraient percevoir les députés européens. Enfin, ces nouvelles règles prêtent le flan à la critique pour de nombreuses associations. Ainsi, pour ne reprendre que les considérations de celle-ci, Transparency International a considéré que les membres du Parlement européen, par ce vote, « ont manqué l’occasion d’améliorer les règles éthiques » de l’institution. Il est sûrement vrai que ces nouvelles règles, bien que plus contraignantes dans la forme par rapport aux règles précédemment en vigueur, ne sont pas accompagnées de sanctions suffisamment décourageantes, et surtout le contrôle des actions des députés n’est pas non plus prévu. Pour certaines associations finalement, ces mesures accompagnées de véritables sanctions et de contrôles indépendants auraient, si elles avaient été adoptées dès le départ, pu permettre d’éviter le scandale de corruption qui a durement touché le Parlement européen…