Une lutte annoncée contre ce qu’il considère comme « l’impuissance publique » 

À l’occasion de ce meeting l’ancien Premier ministre a déclaré qu’il souhaite vivement et activement lutter contre ce qu’il qualifie de « désenchantement démocratique » qui constitue le résultat de « l’impuissance publique ». Les mots sont posés, et la volonté de réformer ne saurait être plus évidente. Toutefois il faudra encore attendre le printemps 2026 et l’issue des élections municipales pour connaître le contenu exact de son programme et de sa méthode pour le mener à bien. 

Toujours pendant ce meeting, Edouard Philippe a esquissé une partie de sa méthode s’il accéderait à la présidence de la République à l’issue du second tour de l’élection présidentielle de 2027. Il a ainsi annoncé sa volonté de procéder à la dissolution de l’Assemblée nationale afin que les élections législatives se tiennent courant juin. Il souhaite, en parallèle, qu’un référendum soit mis en place. Selon ses propos, faire de la sorte lui donnerait davantage de légitimité. Il précise en effet à ce sujet que le chef de l’Etat « est élu au deuxième tour par des français qui ont parfois voté plus contre son adversaire que pour lui », rappelant ici les élections présidentielles de 2017 et 2022 lorsqu’Emmanuel Macron l’avait emporté face à Marine Le Pen. Le programme du vainqueur n’est alors pas, poursuit-il, nécessairement validé par ce vote ce qui, in fine, peut s’avérer dangereux pour la suite du quinquennat. 

Le candidat précise que deux référendums exactement seront instaurés et porteront sur deux sujets tenant à coeur des français, à savoir : la réforme des retraites, puis l’organisation administrative de l’Etat (qui devrait permettre d’ajouter au sein du texte constitutionnel suprême la règle d’or en matière budgétaire). Il précise également qu’il vise un équilibre budgétaire d’ici 2037. 

Edouard Philippe a également ajouté qu’une « série d’ordonnances, dont l’habilitation pourra être confiée au gouvernement par référendum » devraient être activées. Celles-ci auraient en vérité trait à l’éducation, la justice et la santé « qui sont les trois services publics [devant] être considérablement et rapidement réformés ». En bref il s’agit là d’une ambition bien marquée pour l’ex Premier ministre. Toutefois il semble nous manquer des éléments clés sur la manière dont seront mis en œuvre de telles propositions. 

Parce qu’Edouard Philippe a mentionné la notion d’ordonnance, il apparaît intéressant de revenir dans notre développement sur les ordonnances de l’article 38 de la Constitution. 

 

Qu’est-ce qu’une ordonnance ?

Conformément aux dispositions contenues au sein de l’article 38 de la Constitution, il est possible pour le pouvoir exécutif de demander au Parlement de prendre un texte, de prendre des mesures qui, par principe relèvent du domaine de la loi, et ce pendant un délai limité. Ceci sinscrit dans lobjectif pour le gouvernement dexécuter son programme.


Il est à noter ici une certaine habitude prise par le pouvoir exécutif d’utiliser la procédure des ordonnances de l’article 38 afin de précipiter l’entrée en vigueur de certaines mesures, d’alléger l’ordre du jour des deux chambres. La procédure consiste notamment en une autorisation, dénommée « habilitation législative » dont il est loisible au Gouvernement de l’utiliser ou pas. 

Il est des délais qui doivent être respectés. En ce sens, le projet de loi concerné doit nécessairement déterminer non seulement le délai d’habilitation mais aussi le délai de ratification. Pendant que ces délais courent, il est primordial de garder à l’esprit, que les deux chambres peuvent être privées de l’exercice de leur pouvoir législatif au sein des domaines de l’habilitation en cause. En ce sens, l’article 41 du texte constitutionnel prévoit qu’il est possible pour le pouvoir exécutif d’opposer une irrecevabilité à toute proposition ou à tout amendement qui entre en effet dans ce cadre spécifique. Notons que la pratique est différente de la théorie et du droit constitutionnel à cet égard dans la mesure où cette irrecevabilité n’est que peu invoquée par le Gouvernement. 


Pour le cas où un projet de loi de ratification n’est pas déposé par le Gouvernement, avant l’issue du délai déterminé par la loi d’habilitation, l’ordonnance devient alors caduque. Au surplus, tant que les ordonnances n’ont pas été ratifiées, ces dernières revêtent une nature nécessairement réglementaire et partant, celles-ci peuvent être critiquées devant l’office du juge administratif. 

Il est important également de souligner le fait que depuis la réforme constitutionnelle intervenue le 23 juillet 2008, inhérente à la modernisation des institutions de la Ve République, la ratification en question doit obligatoirement être explicite. Il n’est alors plus possible d’user de la pratique de la ratification « implicite », celle-ci étant en effet depuis lors jugée contraire aux règles constitutionnelles suprêmes. 

Seule la loi pourra valablement modifier une ordonnance, à l’expiration du délai d’habilitation, lorsqu’elle intervient dans le domaine législatif. Dès l’instant où l’ordonnance est ratifiée, cette dernière acquiert de manière rétroactive une valeur législative. 


Toutes les matières qui relèvent du domaine de la loi peuvent faire partie du domaine de l’habilitation. En vérité il faudrait plutôt dire : toutes les matières ou presque, car l’ensemble des dispositions qui relèvent en effet de lois organiques, de lois de finance ou de lois de financement de la sécurité sociale sont purement et simplement exclues. 

Si le Conseil constitutionnel commande au pouvoir exécutif de préciser aux deux chambres la finalité des mesures quil souhaite prendre en vertu de ces ordonnances, ainsi que leur domaine spécifique dans lesquels elles interviennent, il n’a pas à leur communiquer d’informations relativement à la la teneur des ordonnances concernées au titre de cette habilitation. 

Ces deux lois d’habilitation d’une part, de ratification d’autre part sont mises en œuvre d’après la règle classique de la procédure législative. 

Le droit d’amendement des parlementaires est exercé sur le dispositif du projet de loi mais aussi sur les autres textes que l’ordonnance impacte effectivement.


Références

https://www.lefigaro.fr/politique/referendum-ordonnances-edouard-philippe-devoile-sa-methode-contre-l-impuissance-publique-20250316

https://www.rtl.fr/actu/politique/edito-les-ordonnances-d-edouard-philippe-une-bonne-idee-selon-etienne-gernelle-7900483797

https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur#:~:text=à%20caractère%20expérimental.-,ARTICLE%2038.,avis%20du%20Conseil%20d'État.

https://www.senat.fr/connaitre-le-senat/role-et-fonctionnement/les-ordonnances.html