Il devrait par ailleurs s’agir d’une notion qui sera étudiée par le Conseil constitutionnel, notamment dans le cadre de la saisine effectuée par les parlementaires de la Nupes, suite à l’adoption sans vote de cette réforme, conséquente à l’actionnement de la procédure tirée de l’article 49, al. 3, de la Constitution. Décryptage.
Il s’agit par conséquent d’une conduite qui, dans la pratique, permet d’insérer des mesures législatives supplémentaires en usant, pour ses auteurs, de l’absence de techniciens spécialistes en la matière. Pour contrer le plus possible cette pratique, le texte constitutionnel, en son article 45, alinéa premier, prévoit expressément que l’ensemble des amendements, qu’ils soient gouvernementaux ou parlementaires, doivent disposer d’un lien, direct ou indirect, avec la loi en discussion au Parlement. Si aucun lien d’une telle nature n’est observé, alors, conformément à ces mêmes dispositions, l’amendement sera considéré comme irrecevable. Néanmoins force est de constater qu’en l’état actuel du droit et de la jurisprudence, aucune définition n’est apportée au regard de cette notion de lien indirect.
Dans tous les cas, cela n’empêche pas les sages du Conseil constitutionnel de censurer ces cavaliers législatifs, sans nécessairement procéder à une censure totale du texte soumis à leur examen dans le cadre des dispositions de l’article 61 de la Constitution.
Ces derniers s’attèlent essentiellement à épurer le texte de possibles « cavaliers budgétaires » et de « cavaliers sociaux ».
Autrement dit, les cavaliers législatifs constituent des dispositions insérées dans une loi en discussion au Parlement, par le biais particulier d’un amendement qui ne dispose d’aucun lien direct ou indirect avec le projet ou la proposition de loi qui fut déposé devant l’Assemblée nationale ou le Sénat. Cette introduction d’une telle disposition, même au stade de la discussion d’une loi, dans le cadre de la procédure législative, est strictement prohibée par les dispositions des articles 39 et 44 du texte constitutionnel suprême.
Le Conseil constitutionnel a reconnu l’existence de cette notion à l’occasion de sa décision rendue en date du 28 décembre 1985 (cf. n° 85-199 DC) sans pour autant censurer de tels cavaliers. Il faudra attendre la décision rendue par cette même juridiction le 12 janvier 1989 pour que la toute première censure ait lieu (cf. n° 88-251 DC).
Sur le plan strictement politique, l’usage de ce type de projet de loi pourrait se comprendre à l’aune de la règle selon laquelle, une fois adopté, cette loi de nature budgétaire peut être révisée à différentes reprises dans les mois suivants son adoption par l’actionnement de l’article 49, al. 3, du texte constitutionnel suprême, sans que les opposants au Gouvernement ne puissent réellement arguer d’une impossibilité de l’utiliser.
Laurent Fabius, Président du Conseil constitutionnel, avait précédemment alerté sur la présence de tels cavaliers qui constitue une menace au regard des dispositions hors du champ strictement financier de cette loi.
Dans ce texte sont retrouvés ce qui apparait très clairement comme des cavaliers sociaux : pour s’en convaincre, il suffit de relever la présence phare de deux d’entre eux : ce qui est dénommé l’index senior et le CDI senior qui, pour le premier met en place des indicateurs d’emploi concernant les salariés âgés de plus de 55 ans pour les entreprises de plus de 300 salariés en 2024, pour le second favorise l’embauche des demandeurs d’emploi âgés de plus de 60 ans.
Ces mesures, pour Anne-Charlène Bezzina, Maître de conférences à l’Université de Rouen, pourraient d’ailleurs être censurées, soulignant le caractère rigoriste du Conseil constitutionnel eu égard aux mesures n’entrant pas dans le domaine prévu pour chaque type de loi.
Reste au Conseil constitutionnel à rendre sa décision tant attendue au regard de cette réforme qui, pour le moment, n’a pas fini de susciter de vives réactions dans l’échiquier politique et dans la population. Une censure totale de la loi serait-elle décidée ? ou bien simplement une censure partielle ? Que décideront les sages au regard des cavaliers sociaux présents dans cette loi ?
Références
https://www.lexpress.fr/politique/retraites-le-conseil-constitutionnel-va-t-il-retoquer-les-cavaliers-budgetaires-VZ2CNVXQCRBQVN3QGJO24NBGEQ/
https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/entretien-reforme-des-retraites-le-conseil-constitutionnel-va-t-il-censurer-le-texte-db7f89be-c7c8-11ed-80c7-e23f0fe16482
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1985/85199DC.htm
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1989/88251DC.htm
La notion de « cavaliers législatifs »
Avant de s’intéresser à la notion de « cavaliers sociaux », il apparait opportun de s’intéresser à la notion de « cavaliers législatifs ». De quoi s’agit-il ? En droit français, les cavaliers législatifs sont constitutifs d’articles, de dispositions de nature légale qui intéressent des mesures qui n’entrent pas dans le champ d’application, dans l’objet de la loi en devenir et en discussion au Parlement ; il peut aussi bien s’agir d’un projet que d’une proposition de loi.Il s’agit par conséquent d’une conduite qui, dans la pratique, permet d’insérer des mesures législatives supplémentaires en usant, pour ses auteurs, de l’absence de techniciens spécialistes en la matière. Pour contrer le plus possible cette pratique, le texte constitutionnel, en son article 45, alinéa premier, prévoit expressément que l’ensemble des amendements, qu’ils soient gouvernementaux ou parlementaires, doivent disposer d’un lien, direct ou indirect, avec la loi en discussion au Parlement. Si aucun lien d’une telle nature n’est observé, alors, conformément à ces mêmes dispositions, l’amendement sera considéré comme irrecevable. Néanmoins force est de constater qu’en l’état actuel du droit et de la jurisprudence, aucune définition n’est apportée au regard de cette notion de lien indirect.
Dans tous les cas, cela n’empêche pas les sages du Conseil constitutionnel de censurer ces cavaliers législatifs, sans nécessairement procéder à une censure totale du texte soumis à leur examen dans le cadre des dispositions de l’article 61 de la Constitution.
Ces derniers s’attèlent essentiellement à épurer le texte de possibles « cavaliers budgétaires » et de « cavaliers sociaux ».
Cavaliers budgétaires, cavaliers sociaux, de quoi parle-t-on ?
La précision étant faite concernant la notion de « cavaliers législatifs », il est utile de s’intéresser aux notions de « cavaliers budgétaires » et de « cavaliers sociaux ». En vérité, « les cavaliers budgétaires » constituent des mesures qui sont introduites au sein des lois de finances. Les cavaliers sociaux, qui nous intéressent tout particulièrement dans le cadre de cet article, revêtent pour leur part la nature de dispositions insérées non pas dans une loi de finances, mais au sein d’une loi de financement de la Sécurité sociale. On voit donc que chacun de ces deux types de cavaliers législatifs s’appliquent dans des cas bien déterminés, au regard de lois elles aussi bien distinctes.Autrement dit, les cavaliers législatifs constituent des dispositions insérées dans une loi en discussion au Parlement, par le biais particulier d’un amendement qui ne dispose d’aucun lien direct ou indirect avec le projet ou la proposition de loi qui fut déposé devant l’Assemblée nationale ou le Sénat. Cette introduction d’une telle disposition, même au stade de la discussion d’une loi, dans le cadre de la procédure législative, est strictement prohibée par les dispositions des articles 39 et 44 du texte constitutionnel suprême.
Le Conseil constitutionnel a reconnu l’existence de cette notion à l’occasion de sa décision rendue en date du 28 décembre 1985 (cf. n° 85-199 DC) sans pour autant censurer de tels cavaliers. Il faudra attendre la décision rendue par cette même juridiction le 12 janvier 1989 pour que la toute première censure ait lieu (cf. n° 88-251 DC).
Pourquoi entendons-nous parler de cavaliers sociaux dernièrement ?
Cette notion a été entendue à maintes reprises depuis le dépôt de trois recours devant le Conseil constitutionnel, dont nous avons fait état lors d’un précédent article, et qui fait suite à l’adoption, sans vote, de la très controversée réforme des retraites, concomitamment à l’actionnement de la procédure tirée du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution par Elisabeth Borne. Au titre de ces recours déposés le 21 mars 2023, deux d’entre eux, portés par les parlementaires de la Nupes et du Rassemblement National, font grief à cette loi de financement rectificative de la Sécurité Sociale de contenir des cavaliers sociaux et donc des mesures qui ne sont pas du ressort juridique exclusif de tels projets de loi.Sur le plan strictement politique, l’usage de ce type de projet de loi pourrait se comprendre à l’aune de la règle selon laquelle, une fois adopté, cette loi de nature budgétaire peut être révisée à différentes reprises dans les mois suivants son adoption par l’actionnement de l’article 49, al. 3, du texte constitutionnel suprême, sans que les opposants au Gouvernement ne puissent réellement arguer d’une impossibilité de l’utiliser.
Laurent Fabius, Président du Conseil constitutionnel, avait précédemment alerté sur la présence de tels cavaliers qui constitue une menace au regard des dispositions hors du champ strictement financier de cette loi.
Dans ce texte sont retrouvés ce qui apparait très clairement comme des cavaliers sociaux : pour s’en convaincre, il suffit de relever la présence phare de deux d’entre eux : ce qui est dénommé l’index senior et le CDI senior qui, pour le premier met en place des indicateurs d’emploi concernant les salariés âgés de plus de 55 ans pour les entreprises de plus de 300 salariés en 2024, pour le second favorise l’embauche des demandeurs d’emploi âgés de plus de 60 ans.
Ces mesures, pour Anne-Charlène Bezzina, Maître de conférences à l’Université de Rouen, pourraient d’ailleurs être censurées, soulignant le caractère rigoriste du Conseil constitutionnel eu égard aux mesures n’entrant pas dans le domaine prévu pour chaque type de loi.
Reste au Conseil constitutionnel à rendre sa décision tant attendue au regard de cette réforme qui, pour le moment, n’a pas fini de susciter de vives réactions dans l’échiquier politique et dans la population. Une censure totale de la loi serait-elle décidée ? ou bien simplement une censure partielle ? Que décideront les sages au regard des cavaliers sociaux présents dans cette loi ?
Références
https://www.lexpress.fr/politique/retraites-le-conseil-constitutionnel-va-t-il-retoquer-les-cavaliers-budgetaires-VZ2CNVXQCRBQVN3QGJO24NBGEQ/
https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/entretien-reforme-des-retraites-le-conseil-constitutionnel-va-t-il-censurer-le-texte-db7f89be-c7c8-11ed-80c7-e23f0fe16482
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1985/85199DC.htm
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1989/88251DC.htm