Le Code civil dispose d'un certain nombre d'articles concernant le contrat et sa formation afin que celui-ci soit valide. Ainsi, le contrat anciennement défini à l'article 1101 du Code civil disposait que "le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose". Aujourd'hui, la définition du contrat est toujours insérée à l'article 1101, mais celui-ci renvoie à "un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations". L'article 1134 prévoit, en son alinéa premier, que le contrat constitue la loi des parties, son dernier alinéa qu'il doit être exécuté de bonne foi. Ainsi, le contrat aura une force obligatoire pour les parties.
Une réserve cependant, il faut que les conventions soient légalement formées. Sinon la sanction réside dans la nullité du contrat. Un acte invalide est frappé de nullité soit lorsqu'il lui manque le formalisme imposé par la loi, soit lorsqu'il lui manque un élément matériel. De fait, l'acte nul est détruit et ses conséquences sont dans la majorité des cas supprimées rétroactivement. Ceci signifie qu'il n'a jamais été formé et par conséquent qu'il n'a jamais existé.
Dans quelle mesure le juge peut-il intervenir dans la formation du contrat et son éventuelle annulation au regard de la loi ?
La loi définit les cas pour lesquels le contrat sera frappé de nullité, mais le juge est tenu de la prononcer seulement dans ces cas prévus par la loi : c'est l'adage "pas de nullité sans texte". Ainsi, le juge peut annuler un contrat qui ne respecte pas les conditions prévues par la loi.
Il convient de voir dans un premier temps la formation du contrat et les différentes caractéristiques qui doivent être remplies afin que celui-ci soit légalement formé (I), puis dans un second temps comment le juge peut apprécier la validité d'un contrat et les moyens dont il dispose quant à cette validité (II).
I) Les conditions de la formation du contrat
Pour qu'un contrat soit valable, il doit remplir des conditions. D'abord, le consensualisme permet de créer le contrat par seul échange des consentements (A). Puis, il doit aussi y avoir la capacité de contracter, un objet certain et une cause licite dans l'obligation (B).
A. Consensualisme, consentement et vices de consentement
D'abord, le consensualisme signifie que le seul échange de volonté suffit à former le contrat. Au fond, le consensualisme, c'est la liberté de la forme sauf lorsqu'un écrit est exigé. Il présente des avantages (rapidité et efficacité) et des inconvénients (il n'y a pas de trace et donc la preuve de l'existence du contrat est difficile, de plus il ne permet pas d'attirer telle ou telle partie sur les dangers éventuels liés à la formation du contrat). Ainsi, le consensualisme peut être écarté pour certains types de contrats : les contrats solennels et réels. Les contrats solennels sont des contrats dont la formation dépend de l'accomplissement de formalité, à peine de nullité. Un contrat à durée déterminée exige un écrit sans lequel il ne peut être valablement formé et sans quoi il sera frappé de nullité par le juge. Cet écrit va aussi pouvoir être utilisé comme un moyen de protection du contractant. Les contrats réels touchent à une chose (et forment l'accomplissement de la tradition qui est la remise matérielle de la chose) objet du contrat. Ainsi, le contrat n'est pas formé tant qu'il n'y a pas eu la remise de la chose. Ainsi, pour ces deux types de contrats, des formalités sont exigées pour leur validité, sinon le juge pourra les frapper de nullité.
De plus, l'article 1128 du Code civil dispose que "sont nécessaires à la validité d'un contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité à contracter ; 3° Un contenu licite et certain". Ainsi, ces trois conditions renvoient à la double dimension du contrat : les parties d'une part, l'économie d'autre part. Le consentement ou échange de consentements est synonyme d'accord de volonté. De fait, la volonté est un accord des parties sur les conditions essentielles de la convention, peu importe la durée de la négociation.
Lorsque le contrat est présenté, il faut dissocier deux phases : l'un offre un contrat et l'autre accepte. Ainsi, l'offre ou pollicitation doit présenter des caractéristiques sans lesquelles elle n'est pas valable. Elle peut être définie comme une manifestation de volonté unilatérale qui suffit à former le contrat par seule acceptation de son destinataire. L'offre doit être ferme et précise (le destinataire doit être déterminé) et ne contenir aucune réserve. L'offre peut être déduite d'un comportement, et dans ce cas présent, c'est une offre tacite. Il est possible de révoquer l'offre, toutefois, il y a un double tempérament qui réside dans le délai. Ainsi, si l'offre est dépourvue de délai, la jurisprudence déclare que l'offrant devra respecter un délai raisonnable afin que le destinataire ait le temps d'examiner l'offre. Lorsque l'offre est accompagnée d'un délai, l'offrant devra maintenir son offre jusqu'à expiration de celui-ci. Enfin, il faut souligner le fait que l'offre peut être caduque. Mais dans quels cas ? Le promettant peut être frappé d'incapacité ou lorsqu'un autre évènement survient et dans ce cas, si l'offre est accompagnée d'un délai, l'offre est caduque à la fin de celui-ci et si aucun délai n'est présent, alors le délai raisonnable est utilisé pour la caducité. Il est aussi possible que l'offrant meurt, alors l'offre sans délai devient caduque au décès de l'offrant, mais s'il y a délai, l'offre conserve sa validité et s'impose aux héritiers.
L'acceptation quant à elle est une manifestation de volonté unilatérale par laquelle un individu déclare sa volonté de contracter. L'acceptation doit être pure et simple et ne doit pas contenir de réserves. Une question se pose : le silence vaut-il acceptation ? Le silence peut valoir acceptation seulement si les circonstances qui l'entourent permettent de l'interpréter ainsi. Des exceptions existent cependant : lorsque la loi ou les usages en disposent autrement, les parties sont déjà liées par des affaires antérieures, la convention dans le cas où la valeur attribuée à un silence gardé vaut acceptation et enfin le juge lorsque l'offre est dans l'intérêt exclusif du bénéficiaire.
Enfin, il y a les vices de consentement : ce sont l'erreur, le dol et la violence. L'erreur est une fausse appréciation de la réalité par l'une des parties au contrat. Ainsi, elle n'aurait pas contracté si elle avait eu connaissance de son erreur. Le juge pourra donc, selon les cas, prononcer la nullité du contrat en présence d'une erreur. Le dol, quant à lui, consiste en des manoeuvres destinées à tromper l'autre contractant. Sans ces manoeuvres, l'une des parties n'aurait pas contracté. Le contrat pourra être frappé de nullité par le juge. La violence est une contrainte physique ou morale qui a pour but de forcer le cocontractant à s'engager, et sans cette violence, le cocontractant n'aurait pas contracté. Cette violence peut être exercée par le cocontractant, voire un tiers. La violence est toujours illégitime et est cause de nullité du contrat.
B. La capacité et l’objet du contrat
L'article 1145 du Code civil dispose que "toute personne physique peut contracter sauf en cas d'incapacité prévue par la loi". La capacité de contracter peut être définie comme l'aptitude d'une personne à être titulaire de droits et à les exercer. La capacité juridique est donc une condition essentielle dans la formation du contrat. Qui plus est, les mineurs non émancipés et les majeurs protégés (en tutelle et curatelle) sont incapables de contracter
En outre, l'objet du contrat est une condition essentielle dans la validité de celui-ci. Cet objet doit être certain, déterminé ou déterminable et licite. En quelques mots, le contrat ne peut exister que lorsque la prestation promise est possible quand bien même elle a lieu dans le futur en vertu de l'ancien article 1130 du Code civil, même s'il n'est pas possible d'avoir une appréhension matérielle de ce que sera la chose.
La question de la détermination de l'objet est complexe et une question en découle : l'objet peut-il aussi être le prix ? Le 1er décembre 1995, l'Assemblée plénière a rendu quatre arrêts et a considéré que l'article 1129 du Code civil ("il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce") n'est pas applicable à la détermination du prix et ne s'applique donc à aucun contrat, sauf dispositions légales particulières. Ces arrêts disposent que l'abus dans la fixation du prix donne lieu à une résiliation et une indemnisation. Le contentieux est donc déplacé du stade de la validité du contrat vers le stade de l'exécution de celui-ci. Finalement, la chose doit être licite, c'est-à-dire qu'elle doit être dans le commerce selon l'article 1128 du Code civil. Alors, le corps humain et sa patrimonialisation (recevoir une contrepartie financière en échange), tout ce qui relève de l'État tel que le domaine public ou le vote, les choses dangereuses comme les drogues ou encore les clientèles civiles sont hors commerce et ne peuvent donc pas faire l'objet de contrat.
Le contrat doit lors de sa formation remplir un certain nombre de critères afin d'être valable. Toutefois, le juge peut apprécier la validité de la formation du contrat en recherchant d'éventuelles causes de nullité.
II) L'appréciation du juge
Le juge va pouvoir apprécier si la formation du contrat est valable. Il peut apprécier les effets de la force obligatoire et la bonne foi dans le contrat (A) et sanctionner le contrat par la nullité de celui-ci (B).
A. Les effets de la force obligatoire et de la bonne foi par rapport au juge
L'article 1134 du Code civil dispose que "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites". Le contrat oblige les parties qui ne peuvent s'en délier. Deux limites sont énoncées dans cet article : il faut que la convention soit légalement formée (en respectant les conditions de formation du contrat) et les parties qui l'ont formé sont obligées par celle-ci.
Pourquoi une force obligatoire ? Les parties doivent exécuter le contrat comme il a été initialement prévu. La force obligatoire est une des conséquences de la formation du contrat. Le juge peut interpréter les contrats, ce qui revient à dire que le juge peut déterminer le sens et la portée des obligations contenues dans le contrat. Il peut ainsi opérer deux types d'interprétations : d'abord une interprétation explicative en vertu de l'ancien article 1156 du Code civil qui dispose que "on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes". Ainsi, lorsque le contrat est obscur, ambigu ou contradictoire, le juge recherche l'intention des parties.
Ensuite, le juge dispose d'une interprétation créatrice selon les articles 1134, in fine ("elles [les conventions] doivent être exécutées de bonne foi") et anciennement 1135 ("les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature"), il peut créer le contrat. Ceci est donc plus qu'un forçage obligationnel du contrat, c'est clairement un forçage direct du contrat. Le rôle de la Cour de cassation se cantonne simplement à sanctionner un juge qui aurait dénaturé une clause claire du contrat.
Par ailleurs, le juge refuse la révision pour imprévision. Cela veut dire que si un contrat est correctement formé et que son équilibre économique est ensuite perturbé, le juge ne peut pas en modifier les termes par sa propre initiative. Ceci ressort d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 mars 1876, Canal de Craponne. Trois tempéraments existent à cela : conventionnel (les parties, dans le cas de survenance d'un déséquilibre économique, peuvent prévoir des clauses de renégociation) ; local (la loi permet au juge de modifier le contrat, notamment les clauses pénales pour lesquelles les parties vont convenir dès l'origine du montant des dommages-intérêts en cas de mauvaise exécution du contrat) et jurisprudentiel (première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 16 mars 2004, Commune de Cluses : le juge se sert de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil pour obliger la partie non lésée à renégocier le contrat et pourra être obligé de verser des dommages-intérêts s'il vient à refuser la renégociation. Toutefois, il faut nuancer, car il existe des éléments qui justifient le refus d'une généralisation de la renégociation.
La bonne foi est prévue à l'article 1134 alinéa 3 du Code civil. La bonne foi est la croyance qu'a une personne de se trouver dans une situation conforme au droit, et la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui. Aujourd'hui, la bonne foi est utilisée par la jurisprudence et le juge dans le cadre de la formation et la rupture du contrat. Elle constitue un standard juridique. En principe, la bonne foi est présumée et c'est à celui qui évoque la mauvaise foi de l'établir, la prouver. Le juge devra alors après avoir reçu les preuves de mauvaise foi invoquée par l'une des parties au contrat dire si cette dernière est établie ou non. La bonne foi correspond, dans le contrat, à la bonne volonté contractuelle et trouve son fondement dans la force obligatoire du contrat. Le juge a déduit des obligations nouvelles de la bonne foi qui s'imposent aux parties dans l'exécution du contrat. Elle emporte ainsi un devoir de loyauté envers les contractants. L'absence d'exécution de bonne foi peut correspondre à un manquement contractuel et justifie alors la résolution du contrat ou l'engagement de la responsabilité contractuelle du cocontractant.
B. Les sanctions prononcées par le juge
Si les conditions de formation du contrat ne sont pas respectées, le juge peut prononcer la nullité du contrat. La nullité est une sanction prononcée par le juge et consistant dans la disparition rétroactive de l'acte juridique qui ne remplit par les conditions requises pour sa formation. Il convient de distinguer la nullité relative de la nullité absolue.
Ainsi, l'acte est frappé de nullité absolue lorsque les conditions imposées par la loi sont essentielles et tendent à protéger l'intérêt général, l'ordre public ou les bonnes moeurs. Toute personne qui est intéressée peut demander la nullité de l'acte juridique et le juge la prononcera d'office. La nullité absolue se prescrit, depuis la loi du 17 juin 2008, par 5 ans et est désormais prévue à l'article 2224 du Code civil. Elle peut être invoquée lorsqu'il n'y a pas de consentement, lorsque l'obligation n'a pas d'objet, ou quand celui-ci est illicite ou indéterminé ou encore lorsque la cause du contrat n'existe pas.
Par ailleurs, la nullité est dite relative lorsqu'elle sanctionne une règle destinée à protéger une partie de l'acte. Ainsi, elle sera invoquée si un seul intérêt particulier est concerné. Ici, seul le cocontractant qui en subit les préjudices peut l'invoquer, et ce, dans un délai de 5 ans à partir du jour de la conclusion du contrat. Ceci est un principe, mais il peut être mentionné que concernant les vices de consentement, ce délai ne court qu'à compter de la découverte du vice ou lorsque la violence a cessé.
Il convient de distinguer la nullité virtuelle de la nullité textuelle. La nullité virtuelle peut être prononcée alors qu'aucun texte de loi ne la prévoit expressément. La nullité textuelle ne peut être prononcée que si un texte le prévoit de manière formelle.
Quelles sont les conséquences de la nullité ? Lorsqu'il y a nullité, le contrat est rétroactivement anéanti, aussi bien pour le passé que pour le futur. Il est réputé ne jamais avoir existé. Les parties doivent alors restituer les prestations dont elles ont bénéficié, mais il y a des cas pour lesquels il n'est pas possible de revenir sur le passé. Ces contrats-là sont donc annulés pour l'avenir. Quelle est l'étendue de la nullité ? Si la clause qui est frappée de nullité est déterminante du contrat, celui-ci sera totalement éradiqué alors que si la clause ne l'est pas, seulement celle-ci sera annulée. Le juge s'interroge sur le but poursuivi dans le contrat par la règle violée et de cela, il détermine si la nullité doit être partielle ou intégrale. C'est une approche téléologique de la nullité. En principe, la restitution se fait en nature. Si celle-ci est impossible au cas d'espèce, il faut restituer en équivalent, à savoir : une compensation pécuniaire. Une exception réside dans l'exception d'indignité et a un effet sur les restitutions. Ainsi, lorsque le contrat est nul pour avoir été contraire aux bonnes moeurs (article 6 du Code civil) l'action en nullité est recevable, mais vient paralyser les restitutions et cette règle concerne uniquement les relations contractuelles. Celle-ci est mise en jeu dans deux cas : immoralité et illicéité. Il se peut finalement que, lorsque les restitutions sont faites, un préjudice subsiste. Une demande en réparation de celui-ci est possible sur le fondement de l'ancien article 1382 du Code civil, reporté à l'article 1240, qui dispose que "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer".
Sources :
- Gazette du palais
- Adeline Villain. L’immixtion du juge dans les contrats. Droit. 2013. dumas-00870586
- CMS Laws