Rappels liminaires concernant l’indivision successorale
Dans le cadre d’une indivision, et plus particulièrement l’indivision successorale, plusieurs personnes, en l’occurrence les héritiers, détiennent ensemble des droits sur les biens formant le patrimoine du défunt, sans en être individuellement propriétaires. La situation est alors caractérisée d’indivision, et les héritiers désignés sous l’appellation « coindivisaires ».
- Cours sur l'indivision successorale
- Commentaire d'arrêt en droit de la famille : Cour de cassation, 1re chambre civile, 26 septembre 2007 - Hypothèse successorale contentieuse
Chaque indivisaire possède une quote-part abstraite dans la succession, déterminée en pourcentage, mais toute décision quant à la gestion des biens suppose l’accord unanime des indivisaires, à l’exception des actes de gestion courante (administration des biens indivis, entretien, renouvellement des baux, vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision, conclure ou renouveler les baux, etc.), pris à la majorité des 2/3 des droits indivis.
Par ailleurs, un indivisaire peut entreprendre seul toutes actions nécessaires pour préserver les biens indivis, et utiliser les fonds de l'indivision à cet effet ou, à défaut, contraindre ses coïndivisaires à participer aux dépenses indispensables.
Quant à la notion d’indivisaire majoritaire, en droit des successions, elle désigne un coïndivisaire qui détient, seul ou en cumul avec d’autres indivisaires, une part des droits indivis équivalente ou supérieure à la majorité des droits indivis (50 % + 1). Situation qui lui confère une influence notable dans la gestion, sans pour autant lui accorder une autorité absolue sur les décisions majeures concernant les biens indivis, à l’instar de leur vente.
La vente du bien indivis par l’indivisaire majoritaire
La vente du bien indivis figure parmi les actes dits de dispositions (au même titre que la donation, l’hypothèque, etc.), qui par principe requiert l’accord de l’ensemble des indivisaires, en ce qu’un tel acte entraîne la disparition du bien de sorte qu’il demeure fondamental de protéger les intérêts de chaque héritier.
Depuis la loi de simplification et de clarification du droit du 12 mai 2009, si le ou les indivisaires qui souhaitent vendre le bien détiennent au moins les 2/3 des droits indivis (majorité qualifiée), et sauf si l’un d’eux est sous mesure de protection juridique (tutelle ou curatelle) alors la vente du bien indivis est possible.
Une notification de l’intention de vendre est adressée au notaire, qui informe les autres indivisaires, lesquels disposent d’un délai de trois mois pour répondre. Sans accord explicite, la vente ne peut se faire, car le silence équivaut à un refus.
En cas de désaccord, le notaire établit un procès-verbal de difficulté, permettant aux indivisaires vendeurs de saisir le tribunal pour autoriser la vente. Le juge ne peut l’ordonner que si cela ne cause pas de préjudice excessif, notamment d’ordre moral, matériel ou financier, aux indivisaires minoritaires.
Si la vente est autorisée, le bien est souvent vendu aux enchères. Le produit sert à régler les frais de justice avant d’être réparti selon les parts de chacun.
À défaut de respecter cette majorité, vendre le bien indivis est impossible, à deux exceptions près :
- Sur autorisation judiciaire de vente du bien dans l’intérêt commun, prononcée par le juge à la demande d’un indivisaire, afin d’éviter la dégradation du bien, sinon rembourser les dettes successorales ;
C’est l’exemple d’un coïndivisaire qui constate que l’entretien d’un immeuble indivis est impossible à financer, et qui menace par conséquent de tomber en ruine. Après analyse de la situation, le juge peut en ordonner la vente.
- L’absence d’un coïndivisaire ou sa renonciation expresse à ses droits sur le bien indivis.
Par exemple : un des héritiers est établi à l’étranger et ne répond pas aux sollicitations des coïndivisaires ou du notaire.
Enfin, rien n’empêche un coïndivisaire de vendre sa quote-part de l’indivision afin d’en sortir.
Conséquences d’une vente illégale
En dehors des situations précédentes, l’indivisaire qui procède à la vente du bien indivis de manière unilatérale, sans remplir les conditions de majorité ou d’autorisation judiciaire ou des coïndivisaires, s’expose à une action en justice diligentée par les autres héritiers, afin que l’acte soit annulé et le bien restitué, ainsi que les fruits et les revenus potentiellement tirés.
En outre, l’indivisaire ayant agi seul pourra être contraint de réparer le préjudice (pertes financières, remboursement des frais de justice engagés, préjudices moraux, etc.) subi par le coïndivisaire dans le cadre de versement de dommages et intérêts.
Par ailleurs, si l’indivision devient une véritable source de conflit, notamment en cas de blocage en raison d’un ou plusieurs indivisaires qui refuserait la vente de biens indivis, par application du célèbre adage juridique : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision », tout héritier est en mesure de demander au juge le partage des biens, dans le cadre d’un partage judiciaire, procédure qui met fin à l’indivision et attribue à chaque héritier, si nécessaire par tirage au sort, sa part dans la succession sous la forme de lot, sinon par compensation financière.
Exemple : si une indivision se retrouve bloquée en raison de la volonté de vendre un bien indivis par un coïndivisaire, contre opposition des autres, cette situation peut être résolue par le partage judiciaire qui peut attribuer le bien à l’héritier contre indemnisation des autres.
Pour aller plus loin…
Pour pallier tout risque de blocage concernant la liquidation d’une succession, notamment concernant la problématique de la vente d’un bien indivis, souhaité par certains héritiers tandis que d’autres préfèrent en conserver la gestion, compte tenu notamment d’une attache émotionnelle et des souvenirs liés aux biens, l’anticipation est vivement recommandée.
Par le biais de dispositions testamentaires, il est toujours possible de composer des lots entre les héritiers, sinon attribuer un bien spécifique à un héritier, dans la limite des parts réservées aux autres, tant qu’il n’y a pas atteinte à la réserve successorale, évitant ainsi toute indivision sur le bien.
De même, le mécanisme des donations faites du vivant, et plus particulièrement des donations-partages, permet de répartir les biens entre les héritiers de manière équilibrée et définitive, et ce avant le décès, par l’attribution également de lots distincts, permettant une répartition claire de l’actif successoral, et évitant une fois de plus que les héritiers se retrouvent contraints de gérer ensemble un bien indivis.
Du côté des héritiers, libres à eux de conclure une convention d’indivision, pour assouplir les règles et faciliter la gestion des biens indivis, tout en encadrant cette gestion conventionnelle dans un délai précis (maximum 5 ans, renouvelables).
Si des conflits apparaissent tout de même et immobilisent la succession, les coïndivisaires, outre se tourner vers l’accompagnement d’un professionnel du droit, pourront toujours avoir recours à la médiation familiale pour faciliter la communication entre eux et parvenir à un accord.
Sources :
- Articles 815 et suivants du Code civil ;
- Article 840 du Code civil ;
- Loi n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;
- Notaires de France : « Le règlement d'une succession » ;
- Notaires de France : « Indivision : Achat en indivision et régime d'indivision ».