Propos introductifs sur la hiérarchie des normes

Au sein de l’ordonnancement juridique français, l’ensemble de ces différentes sources juridiques écrites coexistent : cette coexistence résulte dans bien des cas sur une articulation qui n’est aisée et des conflits de normes peuvent apparaitre. Ces conflits doivent nécessairement être résolus et partant, l’instauration d’une hiérarchie est obligatoire. 

Ce principe hiérarchique fut théorisé par le juriste Hans Kelsen, sous la forme d’une pyramide : selon ce dernier, l’ordre juridique doit être hiérarchisée, et surtout, ce qu’il faut en retenir réside dans le fait que l’autorité d’une norme dépend en fait de sa place au sein même de cette pyramide. Ainsi, il apparait impossible pour une norme inférieure sur le plan hiérarchique d’être en opposition avec une norme qui lui serait hiérarchiquement supérieure. 

Sur le plan national, par tradition, la hiérarchie des normes s’illustre par une pyramide au sommet de laquelle se trouve la Constitution en tant que norme suprême sur l’ensemble des autres règles. La loi, pour sa part, dispose aussi d’une importance remarquable en ce qu’elle est supérieure au règlement.

Quid de la supériorité de la Constitution ? 

Cette supériorité de la Constitution implique que toutes les règles hiérarchiquement inférieures lui sont obligatoirement conformes. Partant, même si la loi dispose aussi d’une importance particulière, elle doit lui être conforme. Cela signifie qu’un contrôle doit exister à son égard et ce dernier se singularise par le contrôle de constitutionnalité. L’organe compétent pour l’exercer est le Conseil constitutionnel. Notons immédiatement que le contrôle de constitutionnalité des règlements autonomes revient, pour sa part, au Conseil d’Etat, lorsqu’ils sont adoptés, et ce contrôle spécifique s’inscrit dans le contrôle de légalité. 



Ensuite, il nous faut retenir qu’eu égard aux lois ordinaires, ce contrôle n’est pas obligatoire conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 61 de la Constitution, si bien qu’une loi peut entrer en vigueur alors qu’elle est contraire au texte constitutionnel. Toutefois, d’autres contrôles sont obligatoires, à l’égard des lois organiques par exemple. 

Dans tous les cas, le Conseil constitutionnel contrôlera la constitutionnalité des lois aussi bien avant ou après leur promulgation. Ainsi, dans le cadre du contrôle a priori, intervenant avant l’entrée en vigueur de la loi, et conformément à l’article 61 du texte constitutionnel, certaines personnalités politiques à l’instar du Chef de l’Etat peuvent lui demander de se prononcer sur cette constitutionnalité, dans différents délais, compris entre 8 jours et un mois à compter de sa saisine, et selon l’urgence. Pendant ce temps d’examen du texte et ce, jusqu’à la décision finale rendue, ce dernier ne peut être promulgué. Si le Conseil constitutionnel censure toute ou partie de la loi en question, la ou les dispositions ne peuvent entrer en vigueur et donc être appliquées (cf. article 62 de la Constitution). Il est possible pour le Chef de l’Etat de demander à ce que la ou les dispositions censurées soient retirées du texte, soit demander une nouvelle délibération aux parlementaires. 

Par la révision constitutionnelle intervenue le 23 juillet 2008 et l’instauration du contrôle a posteriori (prenant la forme d’une question prioritaire de constitutionnalité) furent insérées les nouvelles dispositions de l’article 61-1 de la Constitution. Il est depuis lors possible pour tout justiciable de combattre une disposition législative, devant une juridiction, à l’occasion d’une instance en cours, pour le cas où ce dernier considère qu’elle porte une atteinte à ou plusieurs droits et libertés pourtant protégés par le texte constitutionnel. De nouveau, le Conseil constitutionnel est seul compétent pour connaitre de l’examen de la disposition en cause, sur renvoi express de la Cour de cassation ou bien du Conseil d’Etat. Il conviendra cependant que les conditions cumulatives suivantes soient bien rencontrées, à savoir : que la disposition en cause s’applique soit à la procédure, au litige, ou constitue le fondement juridique des poursuites ; que celle-ci n’a pas été déclarée conforme à la Constitution, sauf à imaginer un changement de circonstances (cf. en ce sens, Cons. const., 03/12/2009, n° 2009-595DC) ; enfin, la question ne doit pas être dépourvue ni de caractère nouveau ni de caractère sérieux. Il revient au Conseil constitutionnel de rendre sa décision dans un délai prédéterminé de trois mois à compter de sa saisine. Il apparait ici utile de relever la règle selon laquelle la loi, pour être jugée constitutionnelle et donc en adéquation avec la Constitution, doit respecter certes le texte constitutionnel suprême mais également d’autres textes qui viennent l’enrichir, à savoir : le bloc de constitutionnalité (par exemple, les préambules de la Constitution de 1958 mais aussi de la Constitution de 1946). Ici, si la norme est jugée non conforme, alors elle sera abrogée (cette abrogation prendra soit effet pour l’avenir, soit le jour où est prise la décision, soit à une date directement déterminée par le Conseil constitutionnel lui-même, selon les dispositions de l’article 62 susmentionné).



Quid maintenant de la supériorité de la loi au regard des règlements ?

Comme précisé ci-dessus, la loi dispose aussi d’une suprématie au sein de l’ordonnancement juridique français, et celle-ci s’illustre par le principe de légalité. Cela signifie que les règlements, peu importe leur nature (autonomes ou d’application) se doivent de respecter la loi qu’ils mettent en œuvre sans qu’ils n’interviennent pour en dénaturer, en désavouer les dispositions. 

Notons toutefois que pour les règlements d’application, ces derniers ne sauraient contrevenir aux lois qu’ils doivent mettre en œuvre. Pour les règlements autonomes, qui n’ont pas pour objet l’exécution d’une loi, il n’est pas obligatoire de rechercher à savoir s’ils sont ou pas conformes à cette dernière (cf. article 37 de la Constitution). Le principe de légalité s’impose pourtant les concernant car ils doivent respecter la loi lato sensu : cela implique de rechercher s’ils n’empiètent pas sur le domaine de la loi (cf. article 34 du texte constitutionnel) ou bien qu’ils sont conformes à la norme suprême et/ou aux principes généraux du droit.

Les juridictions administratives sont compétentes pour connaitre de ce contrôle, et peuvent être saisies par tout justiciable soit par voie d’action (et donc le recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation d’un règlement considéré comme étant illégal), soit par voie d’exception (dont le but n’est pas d’obtenir son annulation, mais bien de ne pas l’appliquer au litige en cause et au sein duquel l’exception est donc demandée). 



Références

https://www.vie-publique.fr/infographie/23806-infographie-la-hierarchie-des-normes

https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/Media/files/autour-de-la-loi/guide-de-legistique/2024_02_07_fiche_1.3.1_differentes_normes.pdf

https://www.justice.gouv.fr/justice-france/fondements-principes/sources-du-droit

https://www.toupie.org/Dictionnaire/Hierarchie_normes.htm