Lors de précédentes publications, nous nous étions intéressés à la question du choix du Premier ministre mais aussi à la question du partage des pouvoirs entre le Chef de l’Etat et ce dernier.
Dans le cadre du présent développement, et suite à la nomination de Michel Barnier, nous allons revenir sur un certain nombre de notions relatives au Gouvernement sous la Ve République. Décryptage.
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Comment se forme le Gouvernement ?
Après la nomination du Premier ministre, il revient à ce dernier de former l’équipe gouvernementale. Ses membres sont en vérité nommés par le Chef de l’Etat, sur proposition expresse du Premier ministre conformément à l’article 8 du texte constitutionnel suprême. Lors d’une période de cohabitation, ce texte est respecté ; l’inverse n’est cependant pas vrai puisqu’en période de concordance des majorités, le Chef de l’Etat est un acteur clé dans ce choix, pouvant aller jusqu’à prescrire au Premier ministre un ou plusieurs noms qu’il souhaite voir intégrer le Gouvernement.
Quid de l’investiture et donc de l’entrée en fonction du Gouvernement ?
A partir du moment où le Chef de l’Etat signe le décret de nomination, le Gouvernement entre en fonction (cf. respectivement, CE, 29/01/1965, Mollaret, et, Cons. const., 06/09/2000). Autrement dit, l’on comprend qu’il n’existe aucun type d’investiture devant être respectée, cette règle s’inscrivant dans une opposition totale avec ce qui était de coutume sous les IIIe et IVe Républiques.
Qu’en est-il cependant des dispositions de l’article 49, al. 1er, de la Constitution qui prévoit que le Premier ministre « engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement » ? En vérité, il s’agit ici d’une simple aptitude, d’un choix propre au Premier ministre. Il n’existe donc pas de corrélation juridique entre un quelconque vote de confiance par les députés et la nomination du Premier ministre. Nous pourrions arguer de l’utilisation du présent de l’indicatif « engage » dans ces dispositions pour le contraindre à s’y plier : cependant, notons qu’il n’y a aucun délai prévu afin de le contraindre. Le Premier ministre dispose donc de ce choix personnel : il peut ou non demander le vote de confiance sur son programme.
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Article 20 de la Constitution : la détermination et la conduite de la politique de la Nation
Au sens des dispositions contenues au sein de l’alinéa premier de l’article 20 de la Constitution, il revient au Gouvernement la détermination et la conduite de la politique de la Nation. Cette formulation prête néanmoins le flanc à la critique en période de concordance des majorités. En effet, en pareille hypothèse, la réalité est toute autre du fait de deux réformes : la première, l’élection du Président de la République au suffrage universel direct depuis 1962 ; la seconde, la réforme du quinquennat datant de l’an 2000. Depuis lors, il appartient en réalité au Chef de l’Etat de procéder à la détermination de la politique de la Nation. Pourquoi ? Car au moment de son élection, le Chef de l’Etat a présenté aux électeurs français un programme qu’il doit mettre en œuvre. Par voie de conséquence, il détermine et conduit la politique de la Nation lorsqu’il est élu.
Toutefois, lors d’une période de cohabitation, le contenu de cet alinéa reprend son sens initial puisqu’il revient au Premier ministre de déterminer et conduire la politique de la Nation ; il en devient, en d’autres termes, le véritable acteur et non un simple exécutant.
Depuis les élections législatives anticipées de l’été 2024, il est clair que le Premier ministre devra négocier avec les nombreuses et différentes forces politiques en présence au sein de l’Assemblée nationale pour que les différents projets de loi présentés puissent être votés et ainsi entrer en vigueur.
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L’article 23 de la Constitution et les incompatibilités
Lors de l’élaboration de la Constitution de 1958, le pouvoir constituant, fort des constats effectués sous les régimes précédents, ont prévu des régimes d’incompatibilités. Ainsi, il n’apparait pas possible pour un ministre de détenir, en parallèle, un mandat parlementaire et ce, afin de garantir la stabilité gouvernementale. En effet, pour rappel, sous les régimes précédents, il était tout à fait possible pour un ministre de détenir un mandat parlementaire de manière concomitante. Ils étaient donc à la fois contrôlés en leur qualité de ministre, mais aussi contrôleurs en leur qualité de députés. Il leur était donc possible de voter les lois tout en étant membres du Gouvernement.
Il convient en outre de noter qu’actuellement les membres du Gouvernement ne sont pas en mesure d’exercer une activité professionnelle qu’elle soit publique ou privée et ce, dans l’objectif principal de restreindre au maximum les pressions d’intérêts d’ordre privé au sein de l’équipe gouvernementale, ni même encore d’exercer des fonctions de représentation professionnelle à caractère national.
Qu’en est-il de la déontologie au sein du Gouvernement ?
Depuis la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, il existe un ensemble de règles devant être respectées par les membres du Gouvernement. De la sorte, outre la nécessité pour ces derniers d’exercer leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité, ils doivent aussi faire en sorte de prévenir ou bien faire cesser d’emblée tout conflit d’intérêts possiblement en présence. Lorsqu’ils ont été nommés, et dans un délai prédéterminé de deux mois, ils se voient également contraints de communiquer, de manière personnelle, au Président de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique une déclaration concernant leur situation patrimoniale (cette déclaration se doit de revêtir certains caractères obligatoires en ce qu’elle doit être exhaustive, exacte et sincère).
Les membres du Gouvernement sont-ils pénalement responsables ?
La lecture et les règles contenues au sein des dispositions des articles 68-1 à 68-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 nous renseignent sur la responsabilité pénale des membres du Gouvernement. Plus précisément, il ressort de ces différentes dispositions que ces derniers sont responsables d’un point de vue pénal de l’ensemble des actes qui ont été accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qui sont juridiquement qualifiés soit de crimes, soit de délits lorsqu’ils ont été commis par ces derniers. Ils ne seront cependant pas jugés par n’importe quelle juridiction puisqu’il revient exclusivement à la Cour de justice de la République de connaitre de ces cas d’espèce s’ils ont lieu.
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