La gestation pour autrui : de quoi parle-t-on ?
La GPA, parfois également dénommée « mère porteuse », renvoie à une pratique par laquelle il revient à une femme de porter et accoucher d’un enfant au profit de de parents d’intention, c’est-à-dire une autre personne ou un couple amenés à devenir les parents légaux de l’enfant. Cette pratique intéresse plusieurs hypothèses : les membres du couple sont les parents génétiques de l’enfant, ne dispose que d’un lien génétique partiel avec ce dernier ou encore aucun lien génétique n’existe avec lui.
L’interdiction de la GPA en France
Cette interdiction fut introduite en droit français par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain. Depuis lors, l’article 16-7 du Code civil qu’elle a créé précise que les conventions qui portent « sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle. » La Cour de cassation n’a pas attendu l’introduction de cette règle dans le code civil pour prévoir la nullité de telles conventions de gestation pour autrui (cf. Cass. 1ère, 13/12/1989, n°88-15.655). Elle utilisait alors l’article 1128 dudit code et arguait également d’une méconnaissance du principe d’ordre public de l’indisponibilité de l’état des personnes. Elle a également pu annuler l’adoption d’un enfant né par exécution de cette pratique, arguant que ce « processus [constitue] un détournement de l’institution de l’adoption » (cf. Cass. Ass. pl., 31/05/1991, n°90-20.105).
Plus tard, dans une unique affaire qu’elle connut en 2008 et en 2011 (cf. Cass., 1ère, 17/12/2008, n°07-20.468 ; 06/04/2011, n°10-19.053), la Cour de cassation refusa la transcription les actes de naissance d’enfants nés en Californie sur les registres de l’état civil français, considérant que cette règle ne méconnaissait pas les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (principe de vie privée et familiale) et de l’article 3, §1, de la Convention internationale des droits de l’enfant (intérêt supérieur de l’enfant), ces derniers continuant de disposer de la filiation parentale que le droit californien leur attribue. Sous ce rapport, notons cependant que le Conseil d’Etat a adopté une position contraire en ce qu’il a jugé que même si le fait que des enfants nés par exécution d’un contrat de gestation pour autrui est bien entaché de nullité, il n’en reste pas moins que cette situation est « sans incidence sur l’obligation [pensant sur les autorités publiques] (…) d’accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant » alors que des décisions doivent être prises les concernant, conformément aux dispositions de l’article 3, §1, susmentionné.
La situation juridique des enfants et des parents était alors somme toute incertaine : une circulaire fut donc prise en 2013 afin de recommander aux autorités publiques compétentes de délivrer des certificats de nationalité française aux enfants nés à l’étranger suite à une gestation pour autrui et si leurs parents sont français, sur le fondement de l’article 47 du Code civil.
C’est sans compter sur une nouvelle position contraire de la Cour de cassation qui mit de côté l’intérieur de l’enfant au profit de l’ordre public. Ainsi, elle précisa que le refus de retranscrire sur les registres de l’état civil français « un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays » est justifié à partir du moment où la naissance de l’enfant constitue le fruit d’un processus dans lequel une convention de gestation pour le compte d’autrui fut conclue, peu importe que cette convention y soit licite, car la loi française est méconnue dans ce cas. (cf. Cass., 1ère, 13/09/2013, n°12-18.315). C’est parce que la loi française est méconnue que l’ordre public doit primer sur l’intérêt supérieur de l’enfant selon la Cour de cassation dans cette décision.
Qu’a pu décider la Cour européenne des droits de l’homme (la CEDH) concernant la GPA ?
Deux couples français, dont l’un d’entre eux qui fit l’objet des arrêts de 2008 et 2011 susmentionnés, décidèrent se saisir la CEDH alors que la transcription des actes de naissance de leurs enfants avait été refusée par les autorités. Selon eux, ce refus ne constituait rien moins d’autre qu’une atteinte à leur droit au respect de la vie privée et familiale, expressément reconnu et protégé par les dispositions de l’article 8 de la CEDH.
C’est par deux décisions rendues le même jour que la Cour européenne des droits de l’homme considéra qu’aucune atteinte à ce principe ne pouvait être reconnue en l’espèce (cf. CEDH, 26/06/2014, n°65192/11 et 65941/11). En effet, pour les juges, il doit être maintenu au profit des Etats une marge d’appréciation concernant la GPA notamment du fait des questions éthiques qu’elle pose mais aussi par un manque de consensus sur le continue européen. Aussi, selon eux, malgré ces obstacles, rien ne permet de considérer qu’ils ne peuvent pas mener une vie privée et familiale dans des conditions qui sont comparables à celles d’autres familles. Enfin, les juges ont retenu qu’il existe un juste équilibre entre les intérêts de l’Etat d’une part, les intérêts des enfants et des couples concernés d’autre part.
A cela il nous faut immédiatement préciser que le droit à la vie privée des enfants était méconnu et que l’Etat outrepassait les limites de sa marge d’appréciation par le fait de refuser de reconnaitre officiellement le lien de filiation entre l’enfant et ses parents et alors que ce lien est établi à l’étranger. Le refus des autorités fut donc considéré comme étant « incompatible » avec le nécessaire respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Le Gouvernement français décida de ne pas interjeter appel de cet arrêt qui prévoit, depuis lors, que la France se doit de reconnaitre les liens de filiation des enfants nés de mères porteuses à l’étranger.
Par conséquent, la Cour de cassation française a dû revoir sa copie et considère maintenant que la GPA ne saurait, à elle seule, faire obstacle à ce que soient retranscrits les actes de naissance étrangers, régulièrement établis et que ces actes correspondent en effet à la réalité.