Enoncé :
Une société a été créée entre deux époux, les parts représentant le capital étant attribués pour 62 % à Monsieur X et pour 38 % à Madame X. Dès sa création, ils décidèrent que la société serait gérée par Monsieur X, son épouse n'étant que peu intéressé par ces affaires, mais souhaitant tout de même en bénéficier.
Après quelques années, les époux décidèrent de se séparer et Madame X choisit de reprendre son nom de jeune fille. Elle redevint donc Madame Y. Ce divorce s'étant conclu d'un commun accord et le régime matrimonial choisi étant celui de la séparation de bien, chacun des époux a conservé la propriété de ses titres en biens propres.
Monsieur X s'est depuis remarié à Madame Z, auto-entrepreneuse et salariée de la société depuis cinq ans. C'est par ailleurs lors de son travail pour la société que Monsieur X et elle se sont rencontrés. Les relations entre Monsieur X, Madame Y et Madame Z restent très cordiales.
Cependant, approchant désormais l'âge de la retraite, Monsieur X souhaite nommer sa nouvelle femme comme gérante de la société à la place de son poste de salariée. Etant mariés sous le régime de la communauté légale aux acquêts à défaut de contrat de mariage, il vient vous voir pour vous demander si une telle hypothèse est possible sans que Madame Z ne soit désignée comme gérante majoritaire. Ce qui poserait problème du point de vue de son activité d'autoentrepreneur et de l'interdiction d'un tel cumul.
Problématique :
Existe-il une gérance majoritaire dans une société où celui désigné comme nouveau gérant n'est pas associé mais où son conjoint est associé majoritaire par des titres dont il est propriétaire en biens propres ?
Résolution :
Selon l'article L311-3 du Code de commerce, un gérant est considéré comme majoritaire dès lors qu'il détient seul ou avec les membres de sa famille et/ou d'autre gérants de la société plus de 50 % des parts sociales, de manière directe ou indirecte. Il est alors soumis à l'obligation de se déclarer auprès de l'URSSAF sous le régime des Travailleurs Non-Salariés.
Du point de vue patrimonial et du droit civil, l'article L832-2 alinéa 2 à 4 du Code civil, corroboré par un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation le 13 décembre 2017 (pourvoi n°16-24772), les parts sociales acquises avant le mariage et dont il n'a pas été apporté des biens issus de la communauté à la société sont qualifiés de biens propres. Ils ne permettent pas d'attribuer la qualité d'associé à l'autre conjoint.
Du point de vue fiscal et social, la gérance majoritaire est qualifiée en prenant en compte les parts sociales qui sont détenu par le conjoint et non seulement par le gérant (articles L311-3-11 du Code de la Sécurité Sociale, 62 et 211-I, alinéa 3 et 4 du Code général des impôts). Les parts mêmes détenus comme biens propres sont considéré comme appartenant au conjoint (Lettre-circ. ACOSS, n°2010-1 du 4 janvier 2010). Il n'importe pas que les époux soient mariés sous le régime de communauté légal ou de la séparation de biens (Rép. Min. à QE n°52514 JOAN Q. 9 avril 2001 p.2106).
En l'espèce, Madame Z est mariée sous le régime de la communauté légal à Monsieur X. Mais les titres qu'il détient dans la société sont issus d'un précédent mariage et lui appartiennent donc en propres. Elle ne peut selon le droit civil par revendiquer la qualité d'associé du conjoint majoritaire et donc pouvoir en principe être désigné comme gérant majoritaire.
Cependant, du point de vue fiscal et social, Madame Z étant la conjointe de l'associé majoritaire est assimilée à une gérante majoritaire, bien qu'elle n'ait pas la qualité d'associé et que les titres soient détenus en propre.
En conclusion, il n'est pas possible de procéder au changement de gérant en raison de la qualité d'autoentrepreneur de Madame Z. Elle ne peut être désigner comme gérante sans être reconnue par les administrations comme gérante majoritaire. Ce qui relève d'un cas d'interdiction de cumul. De ce fait, une autre personne devra être désignée comme gérant de la société ou Madame Z devra cesser son activité d'autoentrepreneur.