Comprendre les tenants et aboutissants de cette garantie permet d'appréhender les risques juridiques inhérents aux contrats de vente. 

Définition de la garantie d'éviction

La garantie d’éviction constitue une obligation légale essentielle pesant sur le vendeur d’un bien immobilier

Codifiée à l’article 1626 du Code civil, elle vise à protéger l’acquéreur contre toute perte de jouissance du bien acheté en raison de l’action du vendeur ou d’un tiers. Concrètement, le vendeur s’engage à garantir à l’acquéreur une possession paisible et incontestée du bien, et cette garantie implique que ni le vendeur ni un tiers ne peuvent troubler ou contester le droit de propriété ou l’usage du bien vendu. 

La garantie d’éviction couvre principalement les troubles de droit, qui sont des revendications juridiques fondées sur un droit antérieur à la vente. Par exemple, si un tiers revendique la propriété du bien en invoquant un titre de propriété antérieur ou si une hypothèque grevant le bien n’a pas été révélée lors de la vente, l’acquéreur peut se retourner contre le vendeur. De même, l’existence d’une servitude non divulguée qui limite l’usage du bien engage la responsabilité du vendeur. Ce dernier sera alors tenu de dédommager l’acquéreur ou, dans les cas les plus graves, la vente pourra être annulée.


En revanche, la garantie d’éviction ne couvre pas systématiquement les troubles de fait. Ces derniers correspondent à des troubles matériels ou comportementaux qui affectent la jouissance du bien sans être fondés sur un droit juridique, comme un voisin bruyant ou des nuisances olfactives provenant d’une activité industrielle voisine. Pour que de tels troubles soient pris en compte, il est nécessaire qu’une clause spécifique les intègre dans le contrat de vente. En l’absence d’une telle stipulation, l’acquéreur ne pourra pas engager la responsabilité du vendeur pour ce type de désagrément. 

En résumé, la garantie d’éviction impose au vendeur d’assurer à l’acquéreur une pleine jouissance du bien, libre de toute contestation juridique, mais il appartient toutefois aux parties de bien encadrer par contrat l’étendue de cette garantie, notamment en ce qui concerne les troubles de fait, afin d’éviter toute insécurité juridique. 

Les conditions d'application de la garantie d'éviction

Pour qu’il y ait application de la garantie d’éviction, plusieurs conditions précises doivent être réunies

En premier lieu, le trouble invoqué doit être d’ordre juridique et non simplement factuel, ce qui signifie qu’une contestation fondée sur un droit légalement reconnu peut engager cette garantie.  

Le vendeur a également l’obligation de ne commettre aucun acte pouvant nuire à la jouissance paisible du bien par l’acheteur. Il ne peut ni faciliter ni tolérer les comportements de tiers susceptibles d’entraîner une éviction. Par exemple, si le vendeur informe un ancien locataire de sa possibilité de revendiquer un droit d’usage sur le bien vendu, il manquerait à son obligation. 

Comme vu précédemment, il est possible d’aménager cette garantie par contrat, puisqu’une clause peut en limiter ou même en exclure les effets, sauf si le vendeur a agi de mauvaise foi, par exemple en cachant sciemment un litige en cours concernant le bien.

Enfin, la garantie d’éviction couvre aussi bien l’éviction totale, comme lorsqu’un acquéreur perd complètement la propriété du bien à la suite d’une décision judiciaire, que l’éviction partielle, par exemple lorsqu’une partie du terrain est reconnue appartenir à un tiers ou lorsqu’une servitude empêche l’exploitation complète du bien.

Les effets de la garantie d'éviction

En ce que la garantie d’éviction protège l’acquéreur contre tout trouble de droit qui viendrait restreindre ou anéantir sa jouissance du bien acquis, lorsqu’il est victime d’une éviction, le vendeur se trouve dans l’obligation de réparer intégralement le préjudice subi. 

Cette réparation varie toutefois en fonction de la nature de l’éviction, puisqu’en cas d’éviction totale, le vendeur doit restituer l’intégralité du prix de vente versé par l’acquéreur. Ce remboursement vise à replacer l’acquéreur dans la situation qui aurait été la sienne si la vente n’avait pas eu lieu.

En revanche, si l’éviction est partielle, c’est-à-dire si l’acquéreur conserve une jouissance partielle du bien, le vendeur peut être tenu de rembourser une partie du prix de vente, proportionnelle à la diminution de la valeur du bien. 

À cela peuvent s’ajouter des dommages et intérêts destinés à compenser le préjudice complémentaire subi, lesquels peuvent notamment couvrir les pertes financières liées à la dépréciation du bien ou à l'impossibilité pour l'acquéreur d'utiliser pleinement le bien conformément à sa destination initiale.

Outre le remboursement du prix, le vendeur doit également indemniser les frais annexes engagés par l’acquéreur, et cela inclut les frais de notaire payés lors de la vente, les dépenses effectuées pour améliorer ou rénover le bien avant la découverte du trouble, ainsi que les frais de procédure engagés pour se défendre contre l’éviction. Cette indemnisation vise à garantir que l’acquéreur ne supporte pas de charges indues en raison d’un manquement du vendeur à son obligation de garantie.

En matière de garantie d’éviction, l’acquéreur dispose d’un recours en justice contre le vendeur, qu’il peut exercer dans un délai de cinq ans à compter de la découverte du trouble. Passé ce délai, l’action en garantie d’éviction devient irrecevable, sauf en cas de suspension ou d’interruption de la prescription.

Le vendeur est autorisé à insérer dans le contrat de vente une clause d’exonération de garantie d’éviction, clause juridiquement valable, à condition qu’elle ne résulte pas d’une manœuvre dolosive ou d’un comportement frauduleux du vendeur. 

Références

  • Articles 1626 et suivant du Code civil ;
  • « Droit des contrats spéciaux » Vincent Gorlier – Ellipses, 2021.