I) Les caractéristiques de la fin de non-recevoir

A. En tout état de cause

La fin de non-recevoir peut être présentée en tout état de cause, c’est-à-dire que celui qui l’invoque n’a pas à justifier d’un préjudice que lui causerait le moyen de défense invoqué. De plus, la fin de non-recevoir peut être soulevée à n’importe quel moment, in limine litis (avant toute défense au fond) ou même en instance d’appel, voire devant la Cour de cassation.


B. L’auteur du moyen de défense

La fin de non-recevoir peut être présentée devant le juge par n’importe laquelle des parties à l’affaire en justice.

Elle peut également être présentée par le juge. En effet, il existe des hypothèses où la fin de non-recevoir est considérée d’ordre public de sorte que le juge doit la soulever d’office. L’article 125 du Code de procédure civile précise que le juge a la possibilité de soulever une fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir, du défaut de qualité à agir ou du défaut de chose jugée sans que ce soit une obligation. Seules les fins de non-recevoir d’ordre public doivent obligatoirement être soulevées par le juge.

La Cour de cassation a précisé que le juge ne peut pas soulever une fin de non-recevoir qui n’est pas d’ordre public dans sa décision du 4 janvier 1990[1].


Les hypothèses de fin de non-recevoir d’ordre public sont les suivantes :

- Le défaut d’intérêt à agir : la partie doit défendre un intérêt qui lui est personnel, mais cette condition est expansive puisqu’on admet l’action des proches des victimes pénales ou civiles afin de défendre l’intérêt de leurs familles.

- Le défaut de qualité à agir : la qualité à agir est une des conditions de recevabilité de l’action en justice, cette condition est liée à la capacité juridique de la partie à l’action en effet, elle doit avoir le pouvoir juridique de défendre la partie devant le juge ou la capacité à se défendre elle-même.

 - La chose jugée : l’autorité de chose jugée permet à une décision de justice de ne pas pouvoir être remise en cause de nouveau devant le juge.


C. Les hypothèses de la fin de non-recevoir

Les fins de non-recevoir sont listées par l’article 122 du Code de procédure civile et cette liste n’est ni exhaustive ni limitative comme a pu le préciser la Chambre mixte dans sa décision du 14 février 2003. En effet, les jurisprudences ont créé des fins de non-recevoir par assimilation.

Excepté les cas d’ordre public énumérés précédemment, la fin de non-recevoir peut être invoquée en cas de défaut d’une autre condition de recevabilité de l’action en justice.

En effet, la fin de non-recevoir peut être constituée par l’acquisition du délai de prescription de l’action en justice. Le délai de prescription permet l’extinction de l’action en justice.

Il peut aussi y avoir une fin de non-recevoir en cas d’acquisition du délai préfix, délai qui concerne le temps laissé à une partie pour accomplir un acte de procédure.


II) Le régime du moyen de défense de la fin de non-recevoir

Le régime des fins de non-recevoir est plus libéral que celui des exceptions de procédure. En effet, les exceptions de procédure doivent être présentées in limine litis (avant toute défense au fond) tandis que la fin de non-recevoir peut être présentée en tout état de cause.

Cette différence de régime s’explique par le fait que la fin de non-recevoir est considérée comme un obstacle à l’action en justice plus grave et qui doit donc pouvoir être invoqué à tout moment afin de ne pas perdre en efficacité.

Il y a cependant une limite à la présentation en tout état de cause de la fin de non-recevoir. En effet, l’article 123 du Code de procédure civile prévoit que celui qui présente tardivement la fin de non-recevoir et dans une intention dilatoire peut être condamné à des dommages et intérêts.

Depuis un arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation rendu le 28 février 2018, la juridiction a précisé que l’appréciation de l’application de la fin de non-recevoir a lieu au moment où les juges statuent.


III) Les effets de la fin de non-recevoir

La fin de non-recevoir a pour principal effet de permettre le rejet de la prétention adverse. Cet effet est provisoire, car le manque d’une condition de recevabilité n’est pas définitif et peut être corrigé. L’article 126 du Code de procédure civile précise en effet que la cause de la fin de non-recevoir peut être régularisée à tout moment si une nouvelle demande est formée après que l’obstacle à l’action en justice ait disparu.

La décision du juge de faire droit à la fin de non-recevoir est une décision susceptible de recours. Si elle est rendue en instance, il est possible d’en faire appel en même temps que la décision de justice rendue au fond.


Sources : Ooreka, Dalloz

[1] Décision de la 2e chambre civile de la Cour de cassation - 4 janvier 1990 - n° 88-10.406