La monarchie est une parcelle de divinité, de manière assez habile, les partisans de la monarchie capétienne vont mettre en avant un certain nombre d’évènements considérés comme fondateurs. Ces grands évènements sont par exemple le baptême de Clovis, le sacre de Charlemagne, le miracle capétien qui signifie la permanence de la dynastie, les pouvoirs miraculeux des rois de France « thaumaturges » (qui permettent de guérir les malades de peste et des maladies …).

Cette dynastie capétienne est marquée par le sacré dans la mesure ou le principe de sa légitimité est d’origine transcendantale et de nature providentielle et de ce fait le pouvoir royal est d’une puissance supérieure qui confère au roi une fonction, on appelle cela plus tard un office ou un ministère qui fait du roi l’intermédiaire entre Dieu et son peuple. Il est le trait d’union entre Dieu et son peuple et il garantit au royaume jusqu’à sa mort les secours divins. Ceux-ci sont valables pour la sauvegarde au quotidien du royaume voire du peuple tout simplement, et pour assurer cette grande sauvegarde, le roi doit faire preuve de justice, d’équité, de miséricorde, de bienveillance. Ces secours divins valent aussi pour la vie après la mort.

I. L’importance de la religion et du roi

Le réservoir d’idée de cette monarchie capétienne est avant tout le christianisme sur lequel la monarchie repose. Le roi est considéré comme le père de la nation, le pasteur des âmes. Il doit donc agir selon les obligations de la religion, de la morale et de la raison. Par conséquent, il a plus de devoirs que de droit. Il existe un rapport d’obligation qui lie le roi à son pouvoir et la monarchie capétienne va bâtir des institutions qui encadrent, légitiment et soutiennent l’action politique du roi. Mais cette histoire du pouvoir royal est aussi une histoire d’une famille qui, comme toutes les familles, est fondé sur le mariage, sur la filiation légitime et la différence notable par rapport aux autres familles est que cette famille royale est donnée au peuple, au public. Elle a pour première mission de conserver le pouvoir suprême et de le transmettre de manière dynastique. Si bien que cette famille appartient à l’État et que malgré les efforts de dépersonnalisation du pouvoir monarchique, l’État apparaît conçu comme une grande famille. L’autorité du roi de France est considérée comme étant paternelle, c’est-à-dire un mélange fait de fermeté et de bienveillance.

 

II. Les différentes périodes primordiales

Il y a une rationalisation croissante dans son fonctionnement, ce processus commence réellement sous le règne de Philippe Auguste (1180-1223) et va se poursuivre jusqu’à la fin du Moyen Âge à la fin du 15e siècle. Dans cette première période, la monarchie va subir des épreuves redoutables comme la guerre de 100 ans. Au cours de cette phase, l’État monarchique va s’imposer sur les seigneurs féodaux, le roi apparaissant comme le seigneur des seigneurs. Il permet de reconstruire l’unité du territoire. Au début du 16e siècle, l’État royal reconstruit va arriver à maturation. Le roi s’impose non plus comme seigneur des seigneurs, mais comme l’organe central de l’État, n’étant plus comme un roi justicier, mais un roi ordonnateur d’une machine administrative et législative. La monarchie doit affronter des épreuves terribles comme les guerres de religion qui viennent saper le christianisme. L’unité du principe religieux vole en éclat avec la réforme protestante et va être remplacé par une nouvelle doctrine qui sera l’absolutisme. Dans un dernier temps, troisième temps, nous verrons comment la monarchie absolue va subir les assauts de la Philosophie des Lumières et du libéralisme constitutionnel. Cette monarchie ne survivra pas à la révolution. Cela va consister à transférer la souveraineté au profit d’une nation laïcisé et autonome. La révolution va accentuer la centralisation et poursuivre la construction de l’état.

 

III. Des bases pour comprendre les fondements : le socle de l’ère monarchique (13e-16e siècle)

La croissance de l’État royal commence avec Philippe Auguste, qui va reconquérir des partis importants du territoire au profit du roi. Ce renforcement territorial est accompagné de l’affirmation incontestable de la suprématie féodale du roi. Cette politique territoriale va être poursuivie par les successeurs de Philippe Auguste, comme son petit-fils, Louis IX (Saint-Louis qui règne entre 1226 et 1270) qui connaît un aboutissement sous le règne de Louis XI qui met fin à la guerre de 100 ans et sous le règne de Charles 8. Au cours de ces 3 siècles, le royaume se transforme, il n’est plus l’ensemble territorial dominé par le pluralisme des pouvoirs, mais un ensemble solide et unitaire placé sous l’autorité d’un monarque (pouvoir d’un seul) dont la puissance s’affirme et s’impose de manière légitime.

La construction de ce pouvoir souverain n’est pas linéaire, elle connaît des ruptures, des épreuves, des crises, parfois profondes. De sorte que l’histoire du pouvoir monarchique est faite d’instabilité et d’incertitude et surtout le roi pour s’imposer doit composer, transiger avec les pouvoirs concurrents. Ceux-ci peuvent être intérieurs (pouvoirs des seigneurs, des princes), mais aussi extérieurs (celui du Pape, de l’Empereur du Saint Empire Romain Germanique et du Roi d’Angleterre).

 

IV. Un pouvoir royal fort, s’adaptant à l’évolution de la société elle-même

Au Moyen-Age, au 16e siècle, le Christ est prépondérant, c’est un idéal politique, avec l’idée d’une domination universelle, une cité de dieu sur terre. Le roi doit guider le peuple. Le roi de France doit donc s’imposer sur les autres pouvoirs. Rendre abstraite l’idée de la charge politique du roi, en effet le roi n’est pas à la tête d’un patrimoine personnel, mais le dépositaire passager d’une puissance permanente. Ce roi n’agit pas selon son intérêt, mais au nom de l’intérêt communautaire. L’intérêt commun est le seul fondement, la seule finalité de ses prérogatives et de son action. Cet État royal, dépersonnalisé, va bénéficier de l’effort intellectuel que lui fourniront les légistes du roi (des administrateurs, des théoriciens) qui vont élaborer un droit royal favorable à l’État et au roi. Ce droit est nécessairement un droit d’exception, un droit exclusif, qui n’appartient qu’au roi de mettre un oeuvre, qui lui permet de soumettre des pouvoirs concurrents tels que celui des seigneurs ou des villes. Il a pour mission de faire triompher les idées d’intérêt public, il donne des prérogatives, des droits au roi pour diriger, afin de veiller au bon fonctionnement de tous les services en charge de la gestion de l’État. Le roi est donc placé au sommet des pouvoirs. Il a l’ambition de s’emparer de toutes les destinées de ses communautés. Il doit donc pouvoir compter sur des qualités supérieures afin de guider son peuple vers le salut éternel.

Pour ce faire, le pouvoir du roi doit être charismatique, formé par des qualités exceptionnelles, comme la vertu, la sagesse, la miséricorde et la justice. Le pouvoir royal est donc d’une dignité suprême à la hauteur de sa mission divine et les théoriciens du pouvoir royal, les légistes, les évêques, les abbés et les rois eux-mêmes, vont s’attacher à mettre en scène les qualités supérieures au cours des cérémonies qui sont religieuses ou profanes. Principalement la cérémonie du sacre, mais aussi des funérailles, celles des entrées dans les bonnes villes du royaume et plus tard les cérémonies du lit de justice. Au cours de ces cérémonies, va se manifester la publicisation du pouvoir royal. À partir d'un stock d'arguments tirés du droit va être extrait la pyramide féodale et considéré comme étant "Empereur en son Royaume" et de cette qualité le roi en tire une force qui s'applique autant à l'intérieur de son royaume qu'à l’extérieur à l'égard notamment des puissances qui ont vocation à exercer une domination universelle : le Pape et l'Empereur du St Empire Romain Germanique.

 

Sources :
-  Histoire du droit civil, Jean-Philippe Lévy, André Castaldo
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Histoires contemporaines du droit, Fréderic Audren, Anne Sophie Chambost