Le droit des obligations est intéressant de par son actualité. Au-delà de ça, le régime général des obligations est souvent considéré comme un droit bien sûr abstrait, mais aussi formateur. Le droit des obligations nous permet de manier des concepts très techniques, mais qui font la richesse du droit à côté de principes généraux.
I. La notion d'obligation en elle-même
En droit, une obligation est le lien de droit par lequel une ou plusieurs personnes (le ou les débiteurs) sont tenues d'une prestation envers une ou plusieurs autres (le ou les créanciers). Pour le doyen Carbonnier « dans sa notion la plus dépouillée, l'obligation apparaît comme un lien de droit existant spécialement entre deux personnes, en vertu duquel l'une doit faire quelque chose pour l'autre ». C'est un lien qui repose sur la confiance (on parle souvent d'un droit de créance (croire en latin, avoir confiance). Elle est personnelle, au sens ou par principe, l'obligation ne lie que le créancier et le débiteur. Elle a aussi un caractère patrimonial au sens où dans bon nombre d'hypothèses elle est évaluable en argent et peut se retrouver par conséquent à l'actif ou au passif du patrimoine du titulaire. Pour le créancier, l'obligation figure à l'actif de son patrimoine, pour le débiteur elle est inscrite à son passif. In fine, on peut donc la considérer comme un bien susceptible de circuler.
L'obligation a un caractère contraignant, le débiteur doit l'exécuter et s'il ne le fait pas spontanément, le créancier peut le contraindre par le biais d'une action en justice. C'est une contrainte juridique, résultat d'une sanction prévue par le droit positif. Cette contrainte est un pouvoir exercé par le créancier sur les biens du débiteur. Cette contrainte juridique est spécifique à l'obligation.
La dette ne suffit pas en droit à qualifier l'existence d'une obligation. En plus de la dette, le créancier doit posséder ce fameux pouvoir de contraindre le débiteur à honorer sa dette. Ce pouvoir de contraindre conduisait les Romains pendant l'antiquité à esclavager les débiteurs défaillants autrement dit à les obliger par le corps à rembourser cette dette, mais au prix de la vie. Maintenant, l'obligation est bien différente bien sûr, on ne peut esclavager quelqu'un pour une obligation, on peut cependant l'obliger par exemple via une décision de justice. Pour comprendre cela, il faut s'intéresser aussi aux différentes obligations qui existent dorénavant.
II. La distinction entre les obligations
On peut aussi distinguer pour saisir cette notion l'obligation civile et l'obligation naturelle. Cette distinction est largement utilisée en droit français et en doctrine, mais pas seulement, le droit espagnol ou allemand utilise une distinction similaire (attention toutefois, cette distinction ou classification n'est pas exhaustive et il existe un débat doctrinal).
Les obligations naturelles (devoir de conscience) sont des obligations dont l'exécution forcée ne peut être exercée qu'en justice. Mais quand elles sont volontairement exécutées, elles ne peuvent donner lieu à restitution (accomplissement d'un devoir) (article 1100 al 2 « les obligations peuvent naître de l'exécution volontaire, accomplie ou promise d'un devoir de conscience envers autrui ») (article 1302 al 2 « la restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées ». On a une obligation naturelle, qui n'est pas une obligation juridique (le créancier ne peut rien demander), mais si le débiteur s'exécute, cela prend une consonance juridique.
Par exemple le paiement d'un fait volontairement après prescription (5 ans), mais le débiteur au-delà des 5 ans paye encore (conscience), s'il veut récupérer ce n'est pas possible parce que rien ne l'oblige à payer encore après le délai imparti. Un autre exemple est celui des dettes de jeu (article 1965 du Code civil) « quand on a des dettes de jeu, le droit ne protège pas les créanciers de jeux ». On peut citer aussi les devoirs alimentaires entre frère et soeur (ou devoir de secours), le Code civil ne prévoit pas un devoir de secours entre frère et soeur, même s'il peut avoir un devoir de conscience. Si un frère aide sa soeur, il ne peut pas intenter d'action pour récupérer l'aide fournie.
III. L'importance de la prestation en droit des obligations
Les anciens articles 1101 et 1126 du Code civil, avant la réforme de 2016, disposent : « donner, faire, ou ne pas faire ». Cette trilogie fut souvent contestée, si les obligations de faire ou ne pas faire ont une réelle consistance, pour un certain nombre d'auteurs, l'obligation de donner n'en est pas vraiment une, car l'obligation de donner, c'est transférer une chose. Alors que souvent le transfert de données s'opère de manière purement intellectuelle. Il y a une différence entre l'obligation de donner et l'obligation de livrer.
En droit français, il existe un vieux principe de transfert de propriété « solo consensu » (par le consentement, par exemple sur la chose et le prix, ici la propriété est transférée à l'acquéreur (différencier le transfert et la livraison). C'est en raison de ce principe que des auteurs disent que l'obligation de donner n'existe pas. L'obligation de donner, c'est bien l'obligation de transférer la propriété en droit français. Pour certains auteurs, il existerait aussi l'obligation de « prester » et l'obligation de mettre à disposition quelque chose. Sur cette trilogie, on ne peut que constater que le texte de l'ordonnance n'en parle plus depuis 2016.
IV. Les sources des obligations
Historiquement, si l'on se replonge en droit romain, on avait une summa divisio entre obligations nées d'un contrat et celles nées d'un délit. Cette distinction est depuis affinée et enrichie (influence de Pothier notamment). L'article 1100 du Code civil dispose que « les obligations peuvent naître d'actes juridiques, de faits juridiques ou de l'autorité seule de la loi » il cite aussi les « obligations naturelles », on voit sur ce texte qu'il officialise la distinction entre actes juridiques et faits juridiques (avant ce texte, la distinction était purement et simplement doctrinale). Cette distinction commande pour beaucoup les règles de droit commun et aussi les règles relatives à la preuve.
Dans les sources des obligations, il faut distinguer deux notions actes et faits juridiques. L'article 1100-1 al 1 du Code civil dispose que l'« acte juridique est la manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux ». L'article 1100 -2 quant à lui dispose que les « faits juridiques sont des agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit » (volontaires ou pas volontaires). L'article 1100 du Code civil cite « la loi » comme source des obligations. C'est l'héritage d'une longue histoire, avec comme objectif d'intégrer les servitudes légales (par exemple en matière de conflits de voisinage…), et aussi les obligations de secours.
In fine et pour résumer les sources des obligations sont la loi (obligations alimentaires, servitudes légales…), les décisions du juge (de justice), le contrat (défini de manière fonctionnelle sachant que l'article 1101 du Code civil dispose que « le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes »). Lorsque le contrat est synallagmatique, il crée des obligations réciproques (ex. : la vente, le bail).
Lorsque le contrat est unilatéral, il crée une ou plusieurs obligations à la charge d'une seule des parties (ex. : donation, prêt entre particuliers), le fait générateur de responsabilité (délit, fait des choses …) peut aussi être une source d'obligation.
À cela, il faut ajouter les quasi-contrats (définis à l'article 1300 du Code civil, qui sont un « fait purement volontaire dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de son auteur envers autrui »).
Aussi, il faut citer comme source des obligations la gestion d'affaires (acte d'immixtion dans les affaires d'un tiers accompli par une personne en dehors de tout pouvoir légal, judiciaire ou conventionnel dans l'intérêt ou à l'insu du maître de l'affaire. Il résulte de cet acte d'immixtion, cela va obliger le maître de l'affaire à remplir les engagements pris par le gérant et à lui rembourser les dépenses éventuellement faites. Le paiement de l'indu est important aussi en la matière lorsqu'une personne a effectué un paiement alors qu'elle n'était pas débitrice, elle a une action en justice pour reprendre la somme versée contre celui qui l'a reçu. Ajoutons à cela l'enrichissement injustifié qui est la situation dans laquelle une personne s'est enrichie d'une manière injustifiée au détriment d'une autre.
Sources :
- Droit des obligations, Rémy Cabrillac, Dalloz.
- Droit civil, les obligations, 12e édition, Dalloz.
- L'essentiel de la réforme du Droit des obligations, les carrés, Gualino.