Les faits, les moyens, la procédure

En l'espèce, un enfant a éborgné un autre enfant en tirant une flèche dans sa direction avec un arc qu'il avait lui-même fabriqué. Le père de l'enfant victime du dommage a assigné le père de l'enfant fautif en réparation du préjudice subi du fait de son enfant, sur le fondement de l'ancien article 1384 alinéa 4 du Code civil.

Le défendeur en première instance a été reconnu responsable par la chambre civile de la Cour d'appel de Metz le 25 septembre 1979. Il s'est pourvu en cassation contre cet arrêt en reprochant aux juges d'appel d'avoir reconnu sa responsabilité entière en ce qui concerne les conséquences de l'accident. Il soulève comme moyen que son enfant n'était pas suffisamment discernant pour se voir reconnaître une telle responsabilité.

La question posée à la Cour était de savoir si un enfant auteur d'un dommage pouvait s'en voir imputer l'entière responsabilité sans que les juges n'aient recherché si l'enfant était suffisamment discernant pour cela.

La solution des juges du fond diverge. Le premier président de la Cour de cassation a reconnu qu'il s'agissait d'une question de principe qui devait être traitée par l'Assemblée plénière.


La solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation a rendu une solution de principe dans cet arrêt en affirmant que : « Pour que soit présumée, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 4 du Code civil, la responsabilité des père et mère d'un enfant mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime. »

La Cour de cassation pose ici le principe d'une responsabilité objective des parents. C'est-à-dire que leur responsabilité pourra être engagée sur le simple fait de leur enfant ayant causé un dommage. Il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse d'une faute. Cela peut être une simple négligence de l'enfant.

Le but de la Cour de cassation est la réparation du préjudice subi. De ce fait que l'enfant ait été discernant ou non pour commettre le fait dommageable ou qu'il ne le soit pas pour s'en voir imputer la responsabilité est indifférent. La responsabilité des parents pourra tout de même être engagée. Ils ne pourront pas s'exonérer de leur responsabilité.

Cette jurisprudence marque le début de l'objectivisation de la responsabilité des parents du fait de leur enfant. Ceci dans une continuation pour en faire une responsabilité de plein droit par la suite avec les arrêts Bertrand du 18 février 1997 et Levert du 10 mai 2001.


Ce qu'il faut en retenir ?

La responsabilité des parents d'un dommage causé par leur enfant peut être retenue sans qu'il ne soit nécessaire que l'enfant ait commis une faute. Il ne s'agira plus d'une cause d'exonération pour les parents.


Source : Cour de cassation, Assemblée plénière, 9 mai 1984


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