Les faits de l'espèce

Le tableau Le Verrou, que l'on a attribué à Fragonard, a été vendu aux enchères publiques, peu de temps avant que le vendeur ne décède. Tout le problème de l'espèce repose sur l'authenticité de l'oeuvre concernée qui fut « attribuée à Fragonard ». Cette expression « attribuée à » montre que les vendeurs n'étaient pas certains de l'authenticité de l'oeuvre d'art concernée.

Toutefois, un expert sera désigné pour établir l'authenticité du tableau qui s'avérera effectivement être une oeuvre de Fragonard.

C'est sur ce point que les héritiers du vendeur du tableau ont décidé de demander l'annulation de la vente, annulation qu'ils fondent sur l'erreur qui a été commise au regard de l'objet du contrat de vente.

Néanmoins, la nullité de la vente pour erreur ne fut pas retenue. Cette demande sera rejetée en première instance, en appel par un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris en date du 22 juin 1985, et leur pourvoi sera in fine rejeté par la Cour de cassation. En fait, ce qui fonde ce rejet de la nullité de la vente réside dans le fait que les juges ont retenu que l'expression employée de la vente aux enchères, l'expression « attribuée à... », implique que le vendeur, mais également l'acheteur, avaient connaissance du caractère douteux au regard de l'authenticité du tableau en cause.


La décision de la Cour de cassation

Le vendeur de même que l'acheteur de cette oeuvre, initialement attribuée à Fragonard, savaient tous deux qu'existait un doute au regard de l'authenticité du tableau.

C'est précisément ce doute partagé, cet aléa, qui fut retenu par les juges pour rejeter la nullité de la vente, fondée sur le vice du consentement qu'est l'erreur. En effet, cet aléa est entré dans le champ contractuel et a, par voie de conséquence, été accepté par les parties.

Peu importe que l'authenticité de l'objet devienne certaine après la conclusion du contrat. Celui-ci est donc parfaitement valable.


Deux décisions à rapprocher : la jurisprudence Poussin et la jurisprudence Fragonard

Ce qui est intéressant à relever est qu'il y avait une croyance en l'inauthenticité de l'oeuvre. Si postérieurement à la vente de l'oeuvre il apparait qu'elle est authentique, il y a vice du consentement.

Dans la jurisprudence Poussin, les juges de la Cour de cassation ont considéré qu'alors même que le contrat a été conclu existe un doute, le contrat est vicié. Donc, il y a vice du consentement.

La Cour de cassation avait considéré que lorsque le vendeur a eu l'intime conviction que l'oeuvre ne pouvait pas être originale et que par la suite si un doute est né, ce dernier suffit à constituer l'erreur, cause de nullité.

Le vendeur ne sera pas contraint en pareil cas de prouver que l'oeuvre est authentique pour démontrer le fait qu'il se soit trompé. Le comportement du vendeur est donc vicié dès le départ.


Sources : Village justice ; Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 24 mars 1987, 85-15.736 ;
https://actu.dalloz-etudiant.fr/le-cas-du-mois/article/oh-mon-poussin/h/47537673e62be64aa0f010517d275ece.html


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