Rationalisation du parlementarisme
L’idée de rationalisation du parlementarisme est attribuée à Boris Mirkine-Guétzévitch, développée dans les années 1930. L’idée est de stabiliser les régimes parlementaires en mettant en place différentes mesures techniques, traduites en droit constitutionnel et parlementaire, dans le but de limiter l’instabilité gouvernementale. Cette idée est centrale dans la mise en place de la Ve République, puisque c’est l’objectif de stabilisation des institutions qui a guidé sa mise en place.
Motion de censure, question de confiance et dissolution
La motion de censure, la question de confiance et la dissolution sont deux éléments clés dans la rationalisation du parlementarisme. La motion de censure est la possibilité, pour le Parlement ou du moins l’une de ses chambres, de forcer le Gouvernement à donner sa démission. L’encadrement plus ou moins strict de cette pratique, et notamment, sous la cinquième République, la possibilité donnée seulement à l’Assemblée nationale avec le risque d’une dissolution sanction, limite ces motions. La question de confiance est un mécanisme similaire, qui permet au Premier ministre de poser une question à l’Assemblée. En cas de rejet, le Gouvernement doit démissionner. Enfin, la dissolution est la possibilité donnée à l’exécutif de mettre fin prématurément au mandat des députés. Ces mécanismes, sous la Ve République, sont tels que c’est l’exécutif qui est prééminent.
Domaine de la loi et du règlement
Un autre aspect de la rationalisation passe par la distinction d’un domaine d’action spécifique donnée au législateur, et d’un domaine donné au pouvoir exécutif. Sous la Ve République, c’est ainsi le Gouvernement qui a une compétence de principe posée par l’article 37 de la Constitution, alors que le législateur n’a qu’une compétence d’attribution posée par l’article 34. Bien que cette compétence soit très étendue, le principe demeure. Le législateur ne peut ainsi plus agir dans tous les domaines. À l’inverse, le Gouvernement dispose d’une certaine latitude pour gouverner même sans le soutien complet du pouvoir législatif.
Contrôle de constitutionnalité
Afin de vérifier cette distinction entre les articles 34 et 37 de la Constitution, et pour vérifier que le législateur n’empiète pas sur la compétence du Gouvernement, il était nécessaire de contrôler cette répartition des compétences. C’est pour cela qu’a été créé le Conseil constitutionnel. Décrit initialement comme « garde chiourme » de l’exécutif, son rôle se cantonnait à la vérification du respect de cette répartition.
Dans sa décision Liberté d’association du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel s’émancipe de cette restriction pour devenir un véritable juge constitutionnel des droits et libertés. Ce rôle a été postérieurement entériné par le constituant avec la révision constitutionnelle de 2008 et l’introduction d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori.
Premier ministre
Si le Premier ministre est aujourd’hui une institution bien connue, il s’agit en réalité d’une nouveauté introduite sous la Ve République, en remplacement du « Président du conseil », qui présidait le Conseil des ministres. C’est désormais le Président de la République qui tient ce rôle, il fallait alors un nouveau nom à cette institution. Le Premier ministre est nommé par le Président de la République, et c’est le chef du Gouvernement. C’est lui qui possède la majorité du pouvoir réglementaire.
Président de la République
Si l’institution du Président de la République n’est pas nouvelle en France et date de 1848, la Constitution de 1958 lui a donné un rôle central dans les institutions, celui de « clé de voûte », pour reprendre l’expression de Michel Debré. Initialement présenté comme un arbitre, la transformation de son mode de désignation, par le suffrage universel direct, en 1962, en fait en réalité le titulaire du pouvoir politique lorsque le Parlement ou au moins sa chambre basse ne lui sont pas entièrement opposés.
Septennat et quinquennat
Depuis 1875 et jusqu’à la révision de 2000, le mandat présidentiel était de sept ans. Le référendum constitutionnel de 2000 a modifié cette durée pour la faire correspondre à celle du mandat des députés, qui est de cinq ans.
Présidentialisme et présidentialisation du régime
Le présidentialisme est la tendance d’un régime à faire graviter tous les pouvoirs autour d’une seule personne qui ne peut que très difficilement être démis de ses fonctions, par impeachment ou par destitution par exemple. En France, le régime s’est présidentialisé, tant par la pratique du Général de Gaulle que par l’attitude de certains des présidents les plus récents. On a ainsi pu parler d’« hyper président » concernant N. Sarkozy.
Inversion du calendrier parlementaire
Suite à la réforme de 2000, qui a favorisé cette présidentialisation, le calendrier parlementaire a été « inversé ». Plus précisément, la fin du mandat de Chirac en 2002 devait être précédée de quelques semaines par les élections législatives. Il a alors été décidé de proroger le mandat des députés jusqu’au terme du mandat. De ce fait, et puisque les mandats parlementaires et présidentiels ont la même durée, l’élection du président sera toujours suivie de l’élection des députés, sauf accident. Les accidents peuvent être une dissolution ou un départ avant terme du Président par empêchement définitif ou destitution.
Cohabitation et concordance des majorités
Cette inversion limite les risques de cohabitation. Par cohabitation, on désigne ces périodes durant lesquelles le Président de la République n’est pas du même bord politique que l’Assemblée nationale et, partant, que le Premier ministre. Dans ces cas-là (1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-2002), le Président perd une partie de son emprise politique sur le Premier ministre et le régime de « dé-présidentialise ». La concordance des majorités, c’est-à-dire l’identité entre le Président et la majorité de l’Assemblée, est désormais assurée, et les cohabitations, sans être impossibles, semblent appartenir à l’histoire du régime.
Sources :
- L. Favoreu (dir.), Droit constitutionnel, 22e éd., Dalloz, 2020.
- M. Troper, « Histoire constitutionnelle et théorie constitutionnelle », CCC, 2010, n° 28.