Faits :

En l'espèce, le conseil municipal de la ville de Castelnaudary s'est réuni le 6 avril 1929 et a délibéré sur la ratification d'un abonnement d'une durée d'un an souscrit à la Fédération audoise chasse-pêche-agriculture, afin de placer un garde mobile pour qu'il surveille les propriétés rurales de la commune. Il était prévu que cette surveillance se ferait à un rythme « intermittent ».

Or, un arrêté préfectoral en date du 17 mai 1929 a déclaré « nulle de droit » la délibération du conseil municipal de la commune de Castelnaudary.

Cette utilisation d'un garde pour surveiller les propriétés privées a été considérée comme prise en dehors des pouvoirs du conseil municipal.


Procédure :

Le maire de la commune de Castelnaudary a exercé un recours en excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté du préfet de l'Aude, dans le but de l'annuler et de faire appliquer la délibération du conseil municipal.

Il a exprimé sa requête auprès du Conseil d'Etat. Ce dernier, après avoir entendu les différentes prétentions et moyens au soutien de celles-ci, a rendu un arrêt de rejet en Assemblée, en date du 17 juin 1937. Il s'est exprimé au visa de la loi du 5 avril 1884, qui définit l'étendue des pouvoirs du conseil municipal de la ville de Castelnaudary.


Moyens :

Le maire, en tant que requérant, a soulevé que la possibilité de déterminer qu'un garde d'une fédération privée pouvait surveiller les propriétés privées relevait de la compétence du conseil municipal, tant dit que le préfet a pu avancer que ce n'était pas le cas. Le conseil a agi en dehors des pouvoirs qui lui sont attribués par la loi du 5 avril 1884.


Problématique :

Le maire d'une commune peut-il valablement déléguait les pouvoirs de police à un organisme privé ?


Solution et portée de l'arrêt :

En premier lieu, le Conseil d'Etat a déterminé qu'une requête portant sur la détermination de la répartition des compétences en matière de pouvoir de police du conseil municipal et du préfet relevait de sa compétence.

En second lieu, le Conseil d'Etat a énoncé une solution de principe selon laquelle le maire d'une commune ne peut confier à un organisme privé, en l'espèce la Fédération de chasse-pêche-agriculture, des prérogatives de la police rurale. De tels pouvoirs ne peuvent qu'être confiés à des agents « placés sous l'autorité « directe » de l'administration ». L'autorité inexistante ou indirecte sur des gardes chargés d'exercer la prérogative de police de surveiller des propriétés rurales, par le biais d'une délégation de service public, ne saurait être possible.

Ainsi le Conseil d'Etat a déterminé que l'arrêté préfectoral n'avait pas lieu d'être annulé et à cet effet, il a rejeté la requête du maire de la ville de Castelnaudary.

Cet arrêt est de principe et vise encore à s'appliquer aujourd'hui. Il ne se limite pas à la seule police rurale mais bien à tout pouvoir de police. Cet arrêt est le fondement d'une longue jurisprudence encore en vigueur aujourd'hui (l'interdiction de déléguer la vidéosurveillance de la commune, CE 29/12/1997, n°170606 - Cons. Cons. déc. n° 2011-625 DC ; l'interdiction de déléguer le contrôle du stationnement, CE 01/04/1994, n°144152)


Sources :

https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/decisions/conseil-detat-assemblee-17-juin-1932-ville-de-castelnaudary-requete-numero-12045-rec-p-595/

http://www.lalettreducontentieux.com/article-92975.html?edition=6023